On l’avait pressenti. On l’avait même fortement soupçonné. Mais maintenant, c’est confirmé publiquement, noir sur blanc, par la voix la plus respectée de la LNH : Matvei Michkov est arrivé hors de forme au camp d’entraînement des Flyers de Philadelphie.
Ce n’est plus une rumeur, ce n’est plus un murmure de corridor, ce n’est plus une impression transmise à demi-mot par un entraîneur prudent ou un analyste "hater" C’est Pierre LeBrun qui l’a dit. En ondes. À voix haute. Sans détour.
Et dans le petit monde du hockey professionnel, quand Pierre LeBrun parle, les murs écoutent.
« De ce que je comprends, après avoir parlé avec les Flyers, Michkov n’était pas préparé pour la saison. Il n’est pas arrivé au camp avec un conditionnement physique au niveau où il aurait dû être. Il n’a pas passé beaucoup de temps à Philadelphie durant l’été non plus. »
Ces mots, prononcés lors de son passage à RDS, résonnent comme une bombe dans le vestiaire des Flyers. Mais plus encore, ils résonnent comme une absolution totale pour Kent Hughes, Jeff Gorton et Martin St-Louis, longtemps critiqués pour avoir ignoré le Russe au cinquième rang du repêchage 2023.
Parce que maintenant, ce n’est plus une hypothèse. Tout le monde savait. Et le Canadien de Montréal avait vu juste.
Matvei Michkov n’est pas un joueur quelconque. C’est un super talent. Un ailier explosif, doté d’un tir incroyable, d’une créativité hors norme, et d’une capacité rare à voir le jeu une seconde avant tout le monde.
Sa saison recrue en 2024-2025 (27 buts, 37 passes, 64 points) en disait long sur ses capacités à s’imposer rapidement dans la LNH.
Mais dans le hockey d’aujourd’hui, le talent brut ne suffit pas. Il faut une éthique de travail. De la constance. Du respect envers son encadrement. Et surtout, une préparation estivale digne de ce nom.
Or, Michkov a trahi cette base-là.
Il est arrivé hors de forme, selon les dires même de LeBrun. Il a évité Philadelphie tout l’été, préférant des destinations exotiques, dont Dubaï, où il a été impliqué dans un accident de voiture ayant mené à une tentative d’extorsion de 100 000 $. Et il a refusé de s’investir dans la préparation structurée offerte par les Flyers, qui, visiblement, lui tendaient la main.
Aujourd’hui, les adjoints de Rick Tocchet travaillent chaque jour avec lui pour « le ramener au niveau où il doit être », selon LeBrun. Mais le fait même que cette phrase ait été prononcée montre l’étendue du problème.
Un joueur sérieux ne devrait jamais avoir besoin d’un rattrapage de condition physique au mois de novembre.
Et les conséquences sont déjà visibles. Michkov est constamment cloué au banc dans les moments importants.
Il a été écarté de la prolongation, même lors de matchs serrés. Il a été humilié publiquement par le manque de confianceque Rick Tocchet lui accorde dans les moments cruciaux.
Ses replis défensifs sont catastrophiques et ont suscité l’indignation dans les médias américains. Un manque de respect total envers le jeu, ses coéquipiers, et son entraîneur.
Ce n’est pas un problème de talent. C’est un problème de mentalité.
Quand les Canadiens ont passé leur tour sur Michkov pour repêcher David Reinbacher, la planète hockey a explosé.
Les fans ont hurlé. Les médias ont critiqué. Même certains dépisteurs à l’interne du CH auraient été déçus. On a accusé Kent Hughes d’être trop frileux, trop conservateur, pas assez audacieux pour encadrer un jeune au caractère fort.
Martin St-Louis aussi ne voulait rien savoir.
Mais les faits, aujourd’hui, donnent raison au CH.
Martin St-Louis, avec son approche axée sur la responsabilisation individuelle, savait pertinemment que Michkov ne correspondait pas à la culture qu’il essayait de bâtir.
Pas parce que le joueur est russe. Pas parce qu’il est intense. Mais parce qu’il se croit au-dessus du processus, au-dessus des standards minimaux de préparation et d’effort.
« Il faut que le message passe », disait récemment Rick Tocchet à propos de Michkov. Sauf que le message ne passe pas.
Et c’est exactement ce que St-Louis avait anticipé.
Ce mardi soir au Centre Bell, Michkov va croiser Ivan Demidov pour la toute première fois dans un match de la LNH. Un moment symbolique. Deux Russes, deux prodiges, deux top-10 au repêchage. Mais deux trajectoires bien différentes.
Demidov, repêché au 5e rang en 2024 par le Canadien, incarne tout ce que Michkov n’a pas démontré cette année : engagement, effort constant, désir de progresser, respect de la structure. Il n’a pas manqué un seul entraînement. Il reste après les pratiques pour peaufiner son tir. Il s’est intégré à la culture du vestiaire sans bruit, mais avec efficacité.
C’est exactement ce que Michkov n’a pas su faire.
Et à travers ce duel, on voit l’intelligence de Kent Hughes, qui, après avoir ignoré Michkov en 2023, n’a pas hésité une seconde à repêcher un autre Russe en 2024. Ce n’est donc pas une question de nationalité. C’est une question d’attitude.
Dans cette histoire, l’élément déclencheur, c’est Pierre LeBrun. Parce que son intervention vient valider publiquement ce que tout le monde savait en coulisse.
« Ce n’est pas le premier jeune qui amorce une deuxième saison difficile. Mais la réalité, c’est que c’est décevant. Il n’a pas la même vitesse. Il a de la difficulté à se séparer. C’est une leçon pour lui. »
Mais ce que LeBrun ne dit pas, et que tout le monde pense, c’est que cette leçon vient trop tard.
Parce qu’un joueur qui ne comprend pas l’importance de l’entraînement est déjà en retard. Et un joueur qui ignore les signes d’avertissement de deux coachs exigeants comme Tortorella et Tocchet est en danger de s’auto-saboter.
Le fait que cette déclaration vienne du journaliste le plus respecté du Canada anglais, celui qui ne parle jamais à travers son chapeau, est une catastrophe pour Michkov. Ce n’est plus une perception. C’est officiel. Et ça va le suivre.
À Montréal, certains aiment ridiculiser l’approche “papa gâteau” de Martin St-Louis. Mais au moins, il n’encourage pas l’irresponsabilité. Il mise sur l’éducation, la patience, la progression contrôlée. Et surtout, il ne donne pas de laissez-passer à ceux qui se croient intouchables.
Si Michkov avait débarqué à Montréal avec le même comportement, il aurait démoli le vestiaire. Ou pire : on lui aurait tout laissé passer, par peur de l’effaroucher. Résultat? Un jeune pourri gâté, vedette médiatique, mais poids mort sur la glace.
Au moins, à Philadelphie, on tente de le corriger.
Et maintenant? Que faire de Michkov?
Le Russe a encore le temps de se replacer. Il a 20 ans. Il a du talent. Il a des ressources autour de lui. Mais il a aussi une réputation qui commence à se fissurer, et une tolérance zéro qui s’installe dans l’état-major des Flyers.
Rick Tocchet ne lui fera pas de cadeaux. Les vétérans ne le protégeront pas éternellement. Les médias ne pourront pas l’excuser éternellement. Et maintenant que LeBrun a parlé, l’aura du prodige russe vient de perdre son immunité.
Il devra rebondir. Non pas avec un jeu spectaculaire. Mais avec des replis défensifs. De la constance. Du respect du système. Et une réelle volonté de faire passer son équipe avant son ego.
Kent Hughes, aujourd’hui, n’a plus à se justifier. Il a évité une bombe à retardement. Il a prouvé qu’il savait lire entre les lignes. Il a vu à travers les yeux de Michkov. Et il a choisi le chemin le plus difficile : dire non à un talent exceptionnel… pour protéger sa culture.
Ce genre de décision, c’est ça, le vrai leadership. Pas les choix faciles, pas les flashs médiatiques, pas les coups de poker. Des décisions rationnelles, solides, responsables.
Et c’est ce que Michkov devra apprendre, un jour : le talent ne suffit plus.
