Depuis qu’il a signé son contrat de cinq ans à rabais avec le Canadien, Mike Matheson n’est plus tout à fait le même. Sur la glace, son niveau de jeu inquiète. Mais en dehors de la glace, c’est sa mauvaise humeur grandissante qui fait sourciller.
Le sourire poli, la patience avec les journalistes, la posture de leader discret? Envolés. Vendredi, après l’entraînement, Matheson a pour la première fois montré les dents en mêlée de presse.
Visiblement irrité qu’on lui reparle encore de son bâton cassé contre les Jets, il a claqué un sec :
« Je comprends que vous voulez parler de ça, mais on a des matchs importants. »
Un ton sec, presque "Martinesque" (Martin St-Louis), diront certains. Parce qu’il faut bien le dire : Mike Matheson commence à ressembler à Martin St-Louis, dans ce qu’il a de plus cinglant avec les médias.
On dirait qu’il est en train d’adopter la posture défensive et méfiante de son entraîneur, ce même Martin St-Louis qui refuse de répondre à des questions simples sous prétexte qu’"il ne veut pas éduquer le public".
Mais revenons à Matheson.
Depuis le début de la saison, c’est la troisième fois qu’il brise son bâton à un moment crucial. Une fois à Chicago, une fois contre Toronto, et mercredi contre les Jets. Trois fois, trois drames. Et cette fois, il n’a pas ri. Il n’a pas blagué comme Gallagher ou Dobson. Il a tiré la ligne.
Le syndrome post-contrat?
Certains fans commencent à murmurer ce que plusieurs redoutaient : est-ce que la signature de ce contrat de 30 millions $ a relâché la tension intérieure de Matheson? Est-ce qu’il a perdu cette urgence, cette intensité qui le caractérisait en fin de saison dernière?
Parce que depuis qu’il a apposé sa signature, Matheson est à la dérive. Il multiplie les erreurs de relance, il semble moins affûté dans sa prise de décisions, il se fait battre plus facilement en un contre un. On parle même d’un retour aux mauvaises habitudes de l’époque où certains partisans le surnommaient « le chouchou de Martin ».
Et maintenant, l’attitude. Le Mike Matheson calme, posé, accessible, est en train de se transformer en joueur frustré, irritable, moins stable mentalement. On dirait qu’il « joue sur les nerfs », qu’il est ébranlé intérieurement, comme si quelque chose clochait dans sa tête.
Noah Dobson, lui, a connu ce genre de drame. Et il en parle aujourd’hui avec humour, cinq ans plus tard. Ce fameux bâton brisé en prolongation contre la Finlande au Mondial junior 2019, tout le monde s’en souvient. Il a même reçu des messages haineux sur les réseaux sociaux. Mais Dobson s’en est remis. Il en rit aujourd’hui.
Ce que Noah Dobson a vécu encore aujourd’hui, un des épisodes les plus cruels de l’histoire moderne du hockey junior canadien.
Tout part d’un geste banal, mille fois répété : un tir sur réception en prolongation contre la Finlande, dans un match à élimination directe. Il frappe la rondelle avec force, mais son bâton explose.
Sur le jeu suivant, les Finlandais marquent. Le Canada est éliminé. Et lui? Il devient, littéralement du jour au lendemain, la cible d’une haine numérique sauvage, où l’on oublie qu’il n’était qu’un adolescent de 18 ans.
Sur Instagram, sur Twitter, dans les messages privés, les insultes ont afflué. Il l’a lui-même raconté, avec pudeur, mais la voix tremblante :
« Les gens étaient tellement fâchés… Je recevais des messages sur les réseaux sociaux… »
Pour un jeune de son âge, qui rêvait de porter la feuille d’érable et qui s’était retrouvé dans un scénario de malchance pure, c’était une douleur silencieuse. Ce moment, bien que derrière lui, continue de flotter autour de sa carrière comme un nuage noir qu’il essaie sans cesse de repousser.
Et si Mike Matheson, en ce moment, était en train de vivre son propre moment Dobson? Rappelons qu'avant cette saison fabuleuse pour lui et sa prolongation de contrat, Matheson était devenu le souffre-douleur des partisans.
Lorsqu’il est arrivé avec le CH, les partisans l’ont littéralement démoli, le traitant de joueur inutile, de passager protégé par Martin St-Louis. Il lisait tout. Il ne disait rien. Mais il lisait. Toujours. Même aujourd’hui, alors qu’il tente de minimiser les critiques, tout le monde dans l’entourage du Canadien sait qu’il est branché à la moindre rumeur, au moindre commentaire, au moindre gif animé d’un bâton brisé.
Et c’est là que l’histoire devient poignante. Parce qu’à force de voir ses erreurs disséquées, moquées, commentées sur TikTok, Reddit et X, Matheson est en train de replonger dans un cycle psychologique toxique qu’il croyait terminé. Il affirme qu'il s'est exclu des réseaux sociaux, mais tout le monde sait qu'il voit tout.
Ce n’est pas anodin s’il s’est emporté en conférence de presse. Ce n’est pas de la simple irritation. C’est la remontée d’une blessure plus profonde, plus ancienne, celle de se sentir toujours à deux doigts d’être trahi par ceux qu’il veut servir.. les fans. Comme Dobson, il se bat pour oublier. Mais à Montréal, les réseaux sociaux ne vous laissent jamais tranquille.
Matheson... ça l’habite. Il n’en parle pas. Il se referme. Il s’énerve. Il refuse d'avouer que cela lui brise le coeur. Et dans un marché comme Montréal, ce genre de réaction ne fait qu’envenimer la situation. Parce qu’à Montréal, les partisans pardonnent l’erreur, mais pas l’arrogance.
Et on commence à se demander s’il ne va pas redevenir le Mike Matheson qui jouait de façon imprévisible, qui prenait des risques inutiles, qui ralentissait parfois le jeu avec ses décisions douteuses. Celui qui brillait pendant 10 matchs, puis disparaissait pendant 5. Un Mike Matheson compliqué.
Tout cela, ce ne sont pas que des stats. C’est mental. Un joueur qui casse son bâton à des moments clés, ce n’est pas seulement de la malchance. C’est peut-être aussi une symbolique de fatigue mentale. De surcharge. De tension mal gérée.
Et si les bâtons de Mike Matheson continuent de casser, peut-être est-ce parce que lui-même est en train de craquer.
