Il y a des soirs où Montréal brûle pour rien.
Hier, ce qui a mis le feu aux poudres, c’est une image figée, partagée à répétition sur X, comme si toute la complexité d’une séquence NHL pouvait être réduite à un seul instant, arraché de son contexte, figé dans une fraction de seconde où un gardien a l’air d’être… ailleurs.
Le fameux still frame (voir l'image au bas de l'article), celui où Montembeault se retrouve complètement déporté à sa droite, a été utilisé comme un marteau.
On l’a traité de gardien perdu, battu, mal positionné.
Mais si on arrête de regarder l’image comme un verdict et qu’on revient à la séquence complète, on comprend tout de suite l’injustice.
Ce tir-là, c’était une menace directe d’un des marqueurs les plus dangereux de la LNH.
Quand un tireur de classe mondiale feinte un one-timer, n’importe quel gardien ... absolument n’importe lequel ... mord à la feinte.
Carey Price l’aurait mordue. Tu mets n’importe qui dans ce filet-là… même résultat.
Montembeault n’est pas « hors position » par erreur : il défie le tir exactement comme il doit le faire.
Quand un gardien lit un tir sur réception, son premier réflexe est d’exploser latéralement vers la trajectoire prévue du lancer.
C’est un mouvement glissé, puissant, qui le “téléporte” presque sur la glace pour couper l’angle.
Mais quand le tireur feinte ce tir à la dernière fraction de seconde, le gardien doit complètement renverser son transfert de poids et ramener son corps à gauche.
C’est un mouvement quasi impossible à gagner contre un shooter d’élite.
Et dans cette minuscule fenêtre, l’instant où Montembeault doit décélérer, changer de direction et replanter son tronc dans l’axe, Pastrnak gagne tout.
La passe traverse, et le filet s’ouvre. Ce n’est pas une erreur de gardien : c’est la feinte qui crée l’ouverture.
Et soudain, la séquence devient ce qu’elle est : un classique piège de sniper, impossible à prédire.
Réduire ce moment à un cliché figé, c’est comme juger une chanson en n’écoutant qu’un seul accord.
Et pourtant, c’est sur ce seul accord qu’une partie de la foule s’est mise à taper sur Montembeault comme si la défaite reposait sur ses épaules.
La vérité, c’est que si le Canadien perd ce match, ce n’est pas à cause de son gardien.
Le vrai drame, il est ailleurs. Il est dans ce 0-en-7 en avantage numérique.
Il est dans ces deux 5-contre-3 gaspillés.
Il est dans cette incapacité chronique à lancer sur réception.
Il est dans le fait que Noah Dobson ne trouvait pas sa ligne de tir.
Il est dans le fait que Lane Hutson et Dobson jouaient chacun sur le « mauvais bord », rendant impossible tout one-timer naturel.
Il est dans l’absence totale d’un vrai slapshot depuis la perte de Patrik Laine. Il est dans cette équipe qui cherche le beau jeu au lieu de frapper au filet.
Mais ça, étrangement, ça ne fait pas le même buzz qu’un gardien figé dans une pose ingrate.
Montembeault n’a pas été parfait.
Personne ne dit ça. Il traverse la même période grise que tout le monde dans ce vestiaire.
Mais hier, il fait l’arrêt-clé pendant que son équipe s’écroule en relance.
Il tient le fort quand Montréal commet des revirements inexplicables. Il donne une chance. C’est tout ce qu’on peut demander à un gardien dans un match où l’avantage numérique s'écroule.
On peut critiquer l’équipe, ses décisions tactiques, ses ajustements tardifs, son manque d’exécution.
Mais pointer Montembeault pour une séquence qui, analysée honnêtement, est d’abord un coup de génie du tireur, c’est nourrir une frustration mal dirigée.
Dans une ville où la moindre image devient une arme, on dirait que c’est devenu automatique de blâmer le gardien.
Mais hier soir, la vérité est simple : l’injustice, elle est dans ce cliché figé dans le temps. Pas dans la performance du numéro 35.
