Colère noire de Gilbert Delorme: la revanche de Patrick Roy

Colère noire de Gilbert Delorme: la revanche de Patrick Roy

Par David Garel le 2025-10-09

Noah Dobson n’avait pas encore eu le temps de déposer ses valises à Montréal que déjà, les médias québécois sortaient les crocs.

Il a suffi d’un seul repli jugé trop mou, sur un but marqué alors que le match était pratiquement hors de portée — pour que les critiques fusent de toutes parts. Voici l'extrait vidéo qui a enflammé le Québec:

Gilbert Delorme a été le premier à dégainer :

« Il faut qu’il nous en donne plus. Il a l’air nonchalant. »

Et aussitôt, le discours s’est aligné. L’œil critique québécois, toujours prompt à sauter sur les joueurs qui “semblent” manquer d’implication, a trouvé sa nouvelle cible.

Et Patrick Roy, dans l’ombre, doit jubiler.

Ce n’est pas la première fois que Noah Dobson est attaqué pour son style de jeu fluide, son calme, parfois interprété comme du laisser-aller.

Ce n’est pas un joueur qui fonce tête première dans les coins ou qui multiplie les charges à l’aveugle. Dobson est un défenseur cérébral. Mais au Québec, où l’effort est souvent valorisé plus que l’efficacité, ça ne passe pas toujours.

Et Patrick Roy, qui n’a jamais caché son inconfort avec le style de Dobson lorsqu’il dirigeait les Islanders, voit ici ses critiques validées par l’opinion publique.

Rappelons que Roy l’avait écarté du noyau défensif en pleine course aux séries, allant jusqu’à le clouer au banc lors de matchs cruciaux.

Pour lui, Dobson manquait d’intensité. Ce qui était alors perçu comme un conflit de personnalité isolé devient aujourd’hui un courant dominant.

Les médias québécois, portés par leur amour inconditionnel pour Patrick Roy, reprennent à leur compte les reproches que l’ex-entraîneur-chef des Islanders a martelés pendant des mois.

Le match en question? Une rencontre serrée, perdue dans les dernières minutes, avec un but tardif des adversaires pendant une séquence de jeu qui n’aurait probablement rien changé à l’issue. Mais Dobson, sur le jeu, a ralenti. Il n’a pas donné le fameux « extra push ». Et les caméras ont capté le tout.

Il n’en fallait pas plus pour relancer les accusations de nonchalance.

Et pourtant… Quand on regarde les données brutes, Noah Dobson n’a pas été le pire défenseur du Canadien ce soir-là.

En fait, il a terminé 2e chez le CH pour le temps passé en zone offensive à générer de l’attaque. Il a joué près de 23 minutes, a été utilisé à toutes les sauces par Martin St-Louis et a formé, dans l’ensemble, un duo solide avec Mike Matheson.

Mais rien à faire : ce repli « trop relax » a effacé tout le reste.

Sur les ondes de BPM Sports, Gilbert Delorme a été cinglant :

« Ça veut dire que ça ne vaut pas de la marde ces statistiques. Il faut qu’il nous en donne plus. »

@bpmsportsradio Comment avez-vous trouvé Dobson lors du premier match de la saison? 🔵⚪️🔴 #dobson #ch #LCDM ♬ son original - BPMSPORTSRADIO

Il a reproché à Dobson son manque d’implication, comparant son jeu à l’intensité qu’il affichait lui-même à l’époque.

Et Gilbert n’est pas seul. Plusieurs anciens joueurs, chroniqueurs et analystes ont emboîté le pas, soulignant que Dobson allait devoir en faire plus pour se faire accepter par le public montréalais.

Ce qu’on oublie trop vite, c’est que Dobson sort d’une saison de 70 points il y a deux ans. Ce qu’on ignore, c’est qu’il a été l’un des défenseurs les plus efficaces de la LNH en relance de jeu selon les données avancées. Et ce qu’on balaie sous le tapis, c’est que le Canadien a misé sur lui non pas pour frapper ou intimider… mais pour stabiliser la défensive avec intelligence.

C’est là tout le paradoxe. Les statistiques de Dobson le placent parmi l’élite. Il excelle pour récupérer la rondelle en zone défensive, relancer l’attaque proprement, et temporiser la pression adverse.

Selon les données de Corey Sznajder (All Three Zones), Dobson est au même niveau que des défenseurs comme Rasmus Dahlin et Luke Hughes en matière de transition de la défense à l’attaque.

Mais au Québec, l’image prend souvent le pas sur les chiffres.

Dobson ne joue pas avec l’intensité démonstrative d’un Alexander Romanov. Il ne frappe pas. Il ne s’écrase pas devant tous les tirs. Il ne saute pas partout pour montrer qu’il veut gagner.

Il réfléchit. Il lit le jeu. Et ça, ça se voit moins.

Patrick Roy 1 - Dobson 0?

Ce début de lynchage médiatique donne raison à Patrick Roy… du moins en apparence.

L’ironie, c’est que Dobson fait exactement ce que Kent Hughes lui a demandé de faire : calmer le jeu. Être la courroie de transmission entre la défensive et l’attaque. Apporter du contrôle dans une défensive qui en manquait cruellement.

Et pourtant, dès le premier faux pas visuel, on lui tombe dessus.

La posture de Roy, dans cette histoire, en sort renforcée. Il apparaît comme le prophète incompris, celui qui « savait ».

Mais c’est oublier que Roy, dans cette saga, a agi avec orgueil. Il a évacué un joueur étoile pour des raisons personnelles, notamment à cause d’un supposé « manque de sérieux » lié à la présence de Dobson sur Instagram. Une attitude rétrograde, qui a coûté cher aux Islanders.

Contrairement à Long Island, où plusieurs joueurs comme Romanov et Sorokin ont mal digéré le départ de Dobson, à Montréal, c’est le calme plat.

Martin St-Louis, interrogé après le match, a plutôt salué le sang-froid de Dobson :

« Ce que j’aime de Noah, c’est sa capacité à ralentir le jeu. Il voit l’échec avant qu’il arrive. C’est rare, ça. »

Dans le vestiaire, personne n’a soulevé la fameuse séquence. Personne ne l’a blâmé. Et c’est sans doute ça la plus grande leçon à retenir : ce ne sont pas les joueurs qui doutent de Dobson. Ce sont les médias. Ce sont les analystes. Ce sont les anciens.

Mais ceux qui jouent avec lui, eux, voient l’utilité d’un tel joueur.

Une fracture culturelle?

Peut-être assistons-nous, encore une fois, à une fracture culturelle dans la façon dont le Québec analyse ses joueurs.

L’intensité visible est trop souvent perçue comme le seul indicateur d’engagement. On préfère un joueur qui court partout à un joueur qui lit le jeu calmement.

Et Dobson, en ce sens, n’aura jamais le bénéfice du doute.

Chaque repli jugé « lent » deviendra une bombe. Chaque geste calme sera vu comme de l’indifférence. Et chaque erreur servira à réactiver le fantôme de Patrick Roy, toujours aimé, toujours adulé, et désormais sanctifié.

Noah Dobson n’a rien à prouver, statistiquement. Il a déjà atteint les standards d’un défenseur numéro un. Il est productif, fiable, efficace. Mais à Montréal, il devra convaincre… par ses gestes.

Et surtout : il devra apprendre à jouer non seulement pour son équipe, mais contre les perceptions. Car dans cette ville, un joueur perçu comme nonchalant part toujours avec deux prises contre lui.

Il n’aura pas droit à l’erreur.

Et à la moindre hésitation, Patrick Roy ressortira gagnant… sans même avoir besoin de parler.