Pensées pour Jakub Dobes et ses proches: le coeur brisé

Pensées pour Jakub Dobes et ses proches: le coeur brisé

Par Marc-André Dubois le 2025-03-26

Hier soir, au cœur d’une ville qui a tant compté dans la trajectoire de Jakub Dobeš, Martin St-Louis a commis ce que plusieurs appellent déjà une erreur de jugement cruelle, voire impardonnable : il a abandonné son jeune gardien.

Abandonné devant ses anciens coéquipiers, ses mentors, ses amis proches. Abandonné devant sa deuxième famille.

Abandonné dans un aréna où il aurait pu, le temps d’un soir, transformer son histoire personnelle en triomphe professionnel. Mais Martin St-Louis, lui, a dit non.

On le sait maintenant : Dobeš n’est pas qu’un Européen débarqué par hasard à Montréal. Il a passé une partie fondatrice de sa vie en Amérique du Nord, et sa première maison, ce fut St-Louis.

C’est là qu’il a appris à devenir un vrai gardien de hockey. C’est là qu’il a construit son identité, qu’il a trouvé sa voie.

Ensuite, ce fut le Nebraska, à deux pas, pour poursuivre son rêve. On parle d’un jeune homme qui, dans les faits, est presque plus chez lui dans le Midwest américain qu’à Brno, en République tchèque.

Saint-Louis, pour lui, c’est une terre d’adoption, une terre de hockey, une terre d’émotions. C’était SON match. Et Martin St-Louis le lui a volé.

Pire encore, Dobeš avait tout prévu. Une dizaine de proches étaient venus le voir, pour ce qui aurait dû être une célébration.

Il avait même publié une story sur Instagram avant le match, comme pour témoigner de l’importance de ce moment.

Le jeune gardien espérait secrètement, comme tout joueur dans son cas, recevoir la confiance de son coach. Un petit signe.

Une reconnaissance. Une récompense pour les années de sacrifice, pour le travail de l’ombre. Mais non. Rien. Pas même un clin d’œil. C’est Montembeault qui a été lancé dans la mêlée… encore.

Et soyons francs : Montembeault est exténué. Il n’en peut plus. Il a accordé 16 buts à ses quatre derniers départs, et tout le monde le voit. Il tire de la patte physiquement, mentalement, émotionnellement.

Il a été surutilisé à outrance. Il est à bout de souffle. Et pourtant, on l’a sacrifié de nouveau. Résultat ? Un autre match difficile, une autre performance horrible… et une défaite.

À ses 5 derniers matchs, Montembeault montre une moyenne de buts alloués de 3,42 et un pourcentage d'efficacité de 879. 

Tout cela aurait pu être évité.

Dobeš méritait ce départ, au-delà du hockey. C’était un moment humain, un moment symbolique. Une chance de briller devant les siens.

Une opportunité de faire taire les critiques, de répondre avec cœur et fierté. Un coach qui comprend la dimension humaine du sport aurait saisi cette occasion. Mais Martin St-Louis, lui, a préféré l’ignorer.

Tony Marinaro a été cinglant envers Martin St-Louis. Sur les ondes de son balado, il a littéralement explosé en dénonçant la décision incompréhensible de Martin St-Louis d’envoyer Samuel Montembeault devant le filet à Saint-Louis, alors que tous les signaux pointaient vers un départ logique pour Jakub Dobeš.

Pour Marinaro, la gestion du calendrier était claire : quatre matchs en cinq jours et demi, et Montembeault — déjà à 52 matchs cette saison — allait inévitablement s’essouffler.

« Tu le fais jouer mardi à St. Louis, tu sais que tu vas devoir le faire jouer jeudi à Philadelphie et dimanche en Floride… alors tu lui donnes congé vendredi contre la Caroline, non? Ben non! Tu lui fais jouer mardi, pis tu le laisses se faire planter à Saint-Louis, alors qu’il est vidé. »

Marinaro, furieux, a même affirmé qu’il aurait tiré Montembeault dès la mi-deuxième période.

« Tu voyais qu’il était épuisé, il n’avait plus de jambes, plus de timing. Et au lieu de le sortir, tu le laisses s’effondrer devant tout le monde, dans un match qu’on savait perdu d’avance. »

Et Marinaro est allé encore plus loin. Pour lui, ce n’est pas une simple erreur. C’est une démonstration inquiétante du manque de vision de Martin St-Louis dans la gestion de ses effectifs.

« Tu veux m’expliquer pourquoi Dobeš n’a pas joué ce match-là? C’était LE match pour lui. Il était à la maison. Il avait de la visite. Tu veux me parler de développement, de gestion humaine? C’est zéro. Martin St-Louis a raté une occasion d’or. Une de trop. »

Clairement, selon Marinaro, on a atteint un point de rupture.

Et à travers ce geste, c’est un message troublant qu’il a envoyé : les émotions, l’histoire personnelle, la loyauté, ça ne compte pas. Seuls les calculs à court terme prévalent.

Mais même en termes de calculs, il faut poser la question : qu’avait-il à perdre ? Donner un match à Dobeš, c’était aussi donner du repos à Montembeault, qui sera encore sollicité dans les jours à venir.

Le CH joue quatre matchs en six jours. Pourquoi ne pas planifier intelligemment ? Pourquoi risquer l’usure complète de ton gardien principal… pour ne pas faire confiance à ton auxiliaire ?

On dit souvent que certains matchs peuvent faire basculer une carrière. Celui d’hier, à Saint-Louis, aurait pu être l’un de ceux-là pour Jakub Dobeš. Mais il ne le saura jamais.

Le vestiaire le sait. Les partisans le ressentent. Les journalistes n’ont pas osé en parler… mais le malaise était évident.

Et Martin St-Louis, lui, commence à perdre de cette aura d’intouchabilité. L’homme qui prônait l’humain avant tout, l’entraîneur qui se disait sensible à la dimension personnelle de ses joueurs… a failli. Il a manqué de cœur. Il a manqué d’écoute. Il a manqué d’empathie.

Le CH a perdu bien plus qu’un match hier soir. Il a perdu une occasion de bâtir la confiance d’un jeune espoir, de faire preuve de leadership, de démontrer que l’organisation croit en ses jeunes.

Et le pire, c’est que Dobeš n’aura probablement pas une autre occasion aussi symbolique de sitôt. L’occasion est passée. Le moment est raté. Et la cicatrice, elle, pourrait demeurer longtemps.

Au final, le vrai perdant de la soirée, ce n’est pas seulement le Canadien de Montréal. C’est Jakub Dobeš, qu’on a laissé dans l’ombre, alors qu’il méritait, juste une fois, d’être sous les projecteurs.

Évidemment, pour ses proches, ce fut un moment profondément déchirant. Sur la story Instagram partagée par Jakub Dobeš, on aperçoit une dizaine de personnes qui avaient fait le déplacement jusqu’à l’aréna de Saint-Louis, spécialement pour lui.

Et ce qui frappe, c’est la gêne dans les sourires, la tension dans les visages. On sent qu’on tente de rire, qu’on se force à faire bonne figure… mais le cœur n’y est pas.

Comment pourrait-il en être autrement? Imaginez : organiser un voyage, s’habiller aux couleurs de l’équipe, espérer voir son ami, son ancien enfant d'adption (il était en pension),  le jeune qu’on a vu grandir… jouer devant ses anciens entraîneurs, ses coéquipiers, dans la ville même où tout a commencé — et finalement, regarder ce rêve être anéanti du haut des gradins, sans explication.

Saint-Louis, ce n’est pas juste un point sur une carte pour Jakub Dobeš. C’est le berceau de son rêve nord-américain.

Après avoir quitté sa Tchéquie natale en 2017, c’est là qu’il a posé ses valises, à tout juste 16 ans, pour vivre le plus gros défi de sa jeune vie : s’adapter à un nouveau continent, une nouvelle langue, une nouvelle culture, tout en tentant de percer dans l’un des circuits les plus compétitifs au monde.

Il a alors porté les couleurs des Blues de Saint-Louis AAA 18U, une équipe junior locale qui l’a accueilli, formé, et accompagné dans ses premiers pas en Amérique du Nord.

C’est là qu’il s’est forgé un caractère, qu’il s’est adapté au style nord-américain, qu’il a appris à se battre sur chaque tir, à gagner sa place.

Ensuite, direction le Nebraska. Pendant deux saisons, il a porté les couleurs des Lancers d’Omaha, dans la United States Hockey League (USHL), la plus prestigieuse ligue junior des États-Unis.

Encore là, le lien géographique et affectif avec Saint-Louis est fort : le Missouri et le Nebraska sont voisins, et plusieurs personnes de son entourage personnel et sportif l’ont suivi dans ce nouveau chapitre. Dobeš n’est pas seulement « Européen » — il est devenu, au fil des années, un jeune homme profondément enraciné dans cette région.

C’est une terre d’attaches, de souvenirs, de sacrifices et de victoires. C’est une deuxième maison.

Et justement, si ce match à Saint-Louis était aussi spécial, c’est parce qu’il ne s’agissait pas que de hockey. C’était un pèlerinage émotif, une reconnaissance envers ceux qui l’ont aidé à se hisser jusqu’à la LNH.

Pour ses proches, le voir enfin évoluer dans la grande ligue dans CETTE ville aurait été un moment d’orgueil, de gratitude, de boucle bouclée. Mais tout cela a été brisé.

Et Martin St-Louis? Ironiquement, lui aussi a été important pour Dobeš. Car dans une entrevue récente, le jeune gardien avait confié à quel point il admirait la philosophie de son entraîneur. Il parlait avec beaucoup de respect de la manière dont St-Louis humanisait la relation avec ses joueurs, comment il les traitait avec confiance et ouverture.

Il croyait avoir trouvé, chez le Canadien, un environnement où l’humain passe avant la performance. Mais ce qu’il a vécu hier à Saint-Louis est venu fissurer cette croyance. Le coach qui, selon lui, comprenait les enjeux personnels… l’a ignoré.

Et ça, ça fait mal. Pas seulement pour lui, mais pour tous ceux qui l’aiment et qui avaient fait le déplacement, dans l’espoir de partager un moment de fierté.

Au lieu de cela, ils sont repartis le cœur en miettes, avec un souvenir amer d’un rêve manqué… pour de mauvaises raisons.