Dans une Ligue nationale de hockey où les noms de famille résonnent d’une génération à l’autre, plusieurs s’étaient posés la question : pourquoi les fils de Martin St-Louis, un MVP, un champion, un joueur du Temple de la renommée, ne sont-ils pas eux aussi considérés comme des espoirs élite de la LNH?
Après tout, les exemples abondent. Brady et Matthew Tkachuk, fils de Keith. William et Alex Nylander, fils de Michael. Tij Iginla, fils de Jarome. Nick Foligno, fils de Mike. Max Domi, fils de Tie. Brett Hull, fils de Bobby. Zach Parise, fils de Jean-Paul. Sam Gagné, fils de Dave.
La LNH a toujours été un terrain fertile pour les fils d’anciens joueurs, profitant des meilleurs entraînements, infrastructures, réseaux de contacts et d’un encadrement hors norme.
Mais les fils de Martin St-Louis, eux, n’ont jamais été vus comme de véritables prodiges. Ni Ryan, ni Lucas, ni même Mason, n’ont été sélectionnés dans grandes équipes et les grandes ligues menant à la LNH.
Pour certains, c’était une anomalie. Pour d’autres, une preuve que le talent ne se transmet pas toujours automatiquement. Mais pour Martin, c’est surtout une réussite sur le plan humain.
Ryan St-Louis, l’aîné de la fratrie, a tracé son propre chemin. Après avoir joué pour le programme de développement américain (NTDP), il a poursuivi sa carrière universitaire avec les Bears de l’Université Brown, une équipe évoluant dans la division inférieure de la NCAA.
Lors de la saison 2024-2025, il a connu une véritable éclosion avec 29 points en 23 matchs, se plaçant parmi les meilleurs de sa conférence. Son engagement, son éthique de travail et sa maturité sur la glace lui ont valu une invitation au camp de développement estival des Capitals de Washington. Ironie du sort, le même club qui a éliminé les Canadiens au printemps dernier.
C’est un moment qui a fait chaud au cœur de Martin.
Non pas parce que son fils s’est rapproché de la LNH. Mais parce que Ryan a mérité cet honneur par ses propres moyens. Sans passe-droit. Sans pression paternelle. Et sans bénéficier de l’aura de son nom.
Lucas, le deuxième fils de Martin, a quant à lui connu un parcours plus discret, mais tout aussi respectable. Il a aussi porté les couleurs des Fighting Saints de Dubuque, avant de poursuivre ses études et son développement personnel loin des projecteurs.
Pour les St-Louis, le sport a toujours été un outil de formation, pas une obligation. Martin ne voulait pas que ses enfants vivent dans l’ombre de son palmarès. Il voulait qu’ils tracent leur propre voie, à leur rythme, avec leurs propres ambitions.
Et puis, il y a Mason. Le plus jeune. Le plus fragile aussi. En 2024, il a vécu un traumatisme qui a bouleversé toute la famille : une collision sur la glace qui a nécessité son hospitalisation pour une enflure à la boîte crânienne.
Une situation grave, qui a rappelé à Martin que la carrière, les statistiques et les classements ne sont rien devant la santé et la vie. Heather, son épouse, a quitté temporairement toute vie sociale pour veiller sur lui jour et nuit, refusant catégoriquement de quitter le Connecticut.
Depuis, Mason a repris le chemin de l’école et du hockey. Il évolue présentement au sein du programme de l’école secondaire Brunswick, où il continue de progresser sur et hors glace.
Il s’est déjà engagé envers l’Université Dartmouth, où il entamera sa carrière dans la NCAA pour la saison 2027-2028. Ce n’est peut-être pas la LNH, mais c’est un accomplissement de taille. Une destination que des milliers de jeunes rêvent d’atteindre, et que Mason a conquise malgré l’adversité.
C’est pourquoi Martin St-Louis, malgré tout, sourit. Il ne voit pas l’absence de ses fils dans les repêchages comme un échec. Il voit trois jeunes hommes équilibrés, éduqués, fiers et heureux. Il voit l’impact qu’il a eu comme père. Il voit des enfants qui ne se définissent pas uniquement par leur production sur la glace.
Ce qu’on oublie trop souvent dans cette histoire, c’est aussi l’absence. L’absence d’un père. La séparation d'une famille pendant le calendrier du CH qui doit être très douloureuse, autant pour Martin, sa femme que pour ses trois gars. Martin St-Louis n’est pas là. Pas au quotidien.
Pas pour aller voir ses gars jouer, pas pour les premières fois, ni même pour les petites blessures invisibles. Pendant que Mason joue à Brunswick, pendant que Ryan rêve de la LNH, pendant que Lucas et Mason cherchent leur propre voie, Martin vit à Montréal, prisonnier d’une saison sans fin, d’un cycle médiatique infernal, de responsabilités qui ne laissent aucune place au répit.
Et pendant ce temps, sa femme Heather tient tout à bout de bras, seule, dans le silence du Connecticut. Ce n’est pas qu’il ne veut pas être là. C’est qu’il ne peut pas. Il est pris dans une tempête, dans une structure qui l’aspire. Être coach du Canadien de Montréal, c'est un travail plus exigeant qu'être premier ministre du Québec.
Et contrairement à d’autres anciens joueurs qui s’improvisent coachs de leurs enfants comme Keith Tkachuk ou Michael Nylander, Martin est à des centaines de kilomètres, en train de porter un club, une ville, et tout un projet sur ses épaules.
Il sait qu’il manque des moments précieux. Il sait qu’il sacrifie des souvenirs qu’il ne pourra jamais rattraper. Et il l’accepte. Parce que c’est son rôle. Parce que c’est le choix qu’il a fait. Mais un jour, quand Mason partira pour Dartmouth en 2027, quand Heather le laissera s’envoler, peut-être qu’enfin, Martin et elle se retrouveront dans la même maison, dans la même ville.
Mais d’ici là, il restera cet écart immense entre le banc du Canadien et le foyer qu’il a construit.
Martin a toujours été clair :
« Je ne pousse pas mes enfants comme un malade. Je veux qu’ils soient heureux. Je veux qu’ils soient bons dans ce qu’ils aiment faire. »
Ce genre de philosophie détonne dans un monde où tant de fils d’ex-joueurs sont surentraînés, exposés trop jeunes, brisés par la pression. Lui, il a offert à ses fils de l’amour, du temps, de la liberté.
Et aujourd’hui, en 2025, alors que la pression du hockey professionnel l’écrase à Montréal, c’est cette philosophie-là qui le sauve.
Quand il raccroche ses appels FaceTime avec ses fils, quand il voit Ryan lui parler de son camp à Washington, quand il voit Mason s’épanouir sur les bancs de Brunswick, il retrouve un peu d’oxygène dans ce monde où tout va trop vite.
Ce n’est pas un repêchage qui définit une famille. Ce ne sont pas des comparaisons avec les Tkachuk ou les Nylander qui déterminent la valeur d’un père. C’est la manière dont ses enfants grandissent, résistent, s’épanouissent. Et là-dessus, Martin St-Louis est incontestablement un gagnant.
En ce printemps 2025, l’invitation de Ryan au camp des Capitals est plus qu’un simple événement. C’est un baume au cœur.
Une parenthèse lumineuse dans une saison qui fut une véritable tempête loin de sa femme. Une victoire douce, personnelle, loin des projecteurs, mais essentielle. Une preuve que, malgré les tempêtes, Martin a su bâtir ce qu’il y a de plus solide : une famille unie, humble et inspirante.
Peu importe que ses fils ne soient pas les prochains Tkachuk ou Nylander. Pour Martin St-Louis, ils sont déjà ses champions.