Ce dimanche de la fête des Mères, Manon Royer n’avait pas envie de célébrer. Car pendant que le Québec se rassemble en famille, elle, elle a le cœur en miettes.
Son fils, Samuel Montembeault, héros silencieux de la saison du Canadien de Montréal, est cloué aux gradins. Blessé. Écarté. Et oublié par la tempête médiatique qui encense Jakub Dobes et Jacob Fowler.
Invitée au micro du 98,5 FM par Philippe Cantin, Manon Royer a raconté avec émotion les sacrifices, les années de dur labeur, les repas livrés à Springfield quand Samuel n’était qu’un espoir perdu dans l’anonymat de la Ligue américaine.
Mais derrière ses anecdotes tendres se cache un cri du cœur. Elle ne le dira pas explicitement. Mais elle l’a laissé entendre : elle entend les rumeurs de transactions. Elle entend l’oubli. Elle entend l’ingratitude. Et ça fait mal.
« Samuel n’a peur de rien. Il ne stresse jamais. Il est fait fort, mon fils. »
Mais il y a des limites à ce qu’un être humain peut absorber sans craquer. Et c’est là que l’histoire de Samuel et sa mère devient bouleversante.
«C’est difficile parfois d’avoir ça à gérer. Ça m’arrive que je vais voir les profils de ceux qui écrivent des critiques et j’aurais tellement envie de leur demander ce qu’ils penseraient si je disais la même chose de leur enfant. Ça vient me chercher.»
«Mon chum regarde souvent les commentaires, mais, comme Sam, j’essaye de me tenir loin de ça le plus possible. Des fois, je ne peux m’empêcher d’aller jeter un œil»
« Cette année, c’est pire ».
Pire que tout ce qu’elle avait vu auparavant. Elle a vu les critiques monter en flèche, les partisans perdre patience dès la moindre faiblesse, les experts vouloir le reléguer au second rang dès l’arrivée de Jakub Dobes.
« Comme il est numéro un, ça peut expliquer les critiques. Quand Jakub Dobes est arrivé, tout le monde désirait envoyer Montembeault comme deuxième. C’est toujours le débat des gardiens. Lorsqu’un match va mal, on dirait que les gardiens sont souvent pris pour cible. Il n’y a pas juste eux.»
« C’est toujours le débat des gardiens », dit-elle.
Et ce débat-là, il est féroce à Montréal. Même quand Samuel était sur une séquence incroyable, même après avoir volé des matchs, il n’est jamais à l’abri. Jamais.
«Sam a souvent dû convaincre les gens. Il était bantam BB plus jeune. Je pense que c’est quelque chose qui l’a aidé, ce besoin de toujours avoir à prouver sa valeur. Ceux qui sont passés devant lui facilement ne jouent plus au hockey. Il est tellement habitué à se battre pour faire sa place.»
Ce n’est pas juste un sport, c’est un poids immense sur les épaules d’un gars qui, chaque soir, doit se battre non seulement contre les attaquants adverses, mais contre le doute. Contre la confiance fragile de son propre peuple.
Parce que Montréal, c’est une ville de hockey qui aime vite, mais qui oublie plus vite encore.
« Quand un match va mal, c’est toujours le gardien qu’on regarde », dit sa mère. Et Samuel, il l’a vécu à répétition cette saison.
Elle l’a vu traverser ça avec dignité. Elle l’a vu encaisser sans répliquer. Elle l’a vu être fort. Trop fort peut-être. Parce que dans cette ville, la force devient une excuse pour qu’on t’en demande toujours plus.
C’est injuste, mais c’est la réalité. Et c’est ce qui rend cette blessure encore plus cruelle. Parce qu’elle arrive après des mois de courage. De silence. De loyauté.
Et aujourd’hui, même s’il ne le dira jamais, même s’il garde la tête haute, elle sait que son fils souffre. Pas juste dans sa jambe. Dans son cœur.
Parce qu’il a livré sa meilleure saison, et au lieu d’avoir droit à son moment, c’est des gradins qu’il regarde tout ça. Parce qu’on parle plus de Dobes, plus de Fowler, que de lui.
Et ça, aucune mère ne peut le regarder sans ressentir un profond sentiment d’injustice.
Oui, mais même les plus forts peuvent plier quand le sort s’acharne avec une telle cruauté.
Samuel Montembeault a disputé 62 matchs cette saison. Soixante-deux. L’un des gardiens les plus occupés de toute la Ligue nationale.
Il n’a jamais bronché. Il a signé un contrat ridicule de 3,15 millions par année, négocié beaucoup trop tôt, à une époque où le CH ne croyait pas encore à son potentiel de numéro un. Paul Corbeil, son agent, a raté le coche. Montembeault s’est fait avoir.
Et pourtant, Samuel a tenu le fort. Pendant que le vestiaire du CH se transformait en groupe de jeunes talents loin d'être prêts, pendant que les défaites s'accumulaient, c’était lui qui gardait l’équipe compétitive. Pas juste un gardien : un leader. Un pilier.
Et voilà qu’au moment où il s’apprêtait à vivre l’ivresse des séries, l’aine lâche. Le ciel lui tombe sur la tête. Son rêve lui est arraché comme on arrache une victoire à la dernière seconde. Et il ne peut même pas être sur le banc. Même pas back-up.
« Son état sera évalué au jour le jour », avait dit Martin St-Louis.
Tout le monde a compris ce que cela voulait dire. Si tu n’es même pas en uniforme pour un match aussi crucial, c’est que ta blessure est sérieuse.
Ce qui fait encore plus mal? Logan Thompson.
Rayé du tableau. Rayé des émotions collectives. Rayé de l’histoire en train de s’écrire.
Pendant ce temps, Jakub Dobes a écrit sa légende
Le gardien aux nerfs d’acier. Le gardien venu de nulle part. Celui qui a fermé la porte à Washington malgré la défaite en première ronde. Celui qui a fait taire l’aréna. Celui qui pourrait devenir le nouveau Cam Ward, le nouveau Matt Murray, ces jeunes venus de l’ombre pour porter leur équipe à la gloire.
Et Samuel, lui?
Il est là-haut. Dans les gradins. En complet. Silencieux.
Pendant que les analystes changent déjà le narratif : « Dobes est le vrai numéro un ». Pendant que les réseaux sociaux l’effacent.
Le plus dur dans une blessure, ce n’est pas la douleur physique. C’est le silence. L’invisibilité. L’oubli.
La trajectoire de Samuel Montembeault devrait être une source d’inspiration.
Mais aujourd’hui, c’est devenu une tragédie sportive.
Il s’est battu. Il s’est relevé. Il a gagné sa place à force de sueur. Il a joué pour des miettes. Il a été là quand personne d’autre ne l’était. Et aujourd’hui, il regarde son destin se jouer sans lui.
Pendant ce temps, Jacob Fowler monte en flèche. Le prodige du Rocket de Laval vient d’enchaîner a l’aura d’un Carey Price 2007. Il est NHL ready.
Et le monde du hockey le sait : Montembeault est maintenant l’homme de trop.
Même s’il revient en santé, le train a quitté la gare. Il ne sera plus jamais le vrai gardien numéro un du Canadien. La prochaine fois qu’il défendra un filet en séries, ce sera probablement ailleurs.
Les partisans du CH n’ont pas encore réalisé ce qui se passe. Mais le rideau tombe lentement sur l’ère Montembeault.Pas dans la controverse. Pas dans la honte. Mais dans le silence. Comme un guerrier qui tombe au champ de bataille et que personne ne remarque.
« Il ne stresse pas, mon fils. Il est fait fort. »
Mais même les plus forts craquent un jour. Et ce jour-là, c’est souvent ceux qui l’aiment qui pleurent à sa place.
Sa mère, sa famille, ses amis… ils savent ce qu’il a traversé. Ils savent ce qu’il a donné. Et ils savent à quel point cette blessure n’est pas juste physique. C’est une fracture du destin.
Nos pensées sont avec lui...et avec sa mère ...
Aujourd’hui, ce n’est pas qu’un gardien qui est blessé.
C’est un rêve brisé. C’est une famille qui vit un deuil. C’est un cœur qui saigne. Et c’est un nom qu’on risque d’oublier trop vite.
Mais pas nous. Pas ici.
Car cette saison, Samuel Montembeault a été le cœur et l’âme du Canadien de Montréal. Il n’a pas eu les honneurs. Il n’a pas eu les dollars. Il n’a pas eu la reconnaissance.
Mais il a eu le respect de ceux qui savent.
Et ça, ça ne se trahit pas.