Pascal Vincent n’a jamais été un coach qui triche avec la vérité. Mais vendredi soir, à Laval, il a dû se présenter devant les journalistes avec un malaise dans la gorge.
Le Rocket venait de s’écrouler 5-1 dans un match crucial contre Rochester, et la question était sur toutes les lèvres : pourquoi diable Jacob Fowler était-il devant le filet, alors que Cayden Primeau venait de livrer un match exceptionnel?
Ce n’était pas une simple rotation anodine. C’était une décision imposée. Et pour la première fois de la série, tout le monde a compris que Pascal Vincent n’était pas celui qui menait le bateau. Ce soir-là, le coach du Rocket a été abandonné par ses patrons et sacrifié devant les caméras.
C’est l’un des moments les plus malaisants qu’on ait vus dans une conférence de presse depuis bien longtemps.
Pascal Vincent, l’air tendu, presque coupable, a dû se présenter devant les journalistes pour expliquer une décision qui, au fond, ne venait pas de lui.
« Tu ne développes pas juste quand ça fait l’affaire. Il faut voir les jeunes au même titre qu’on fait jouer Reinbacher ou Engström. Je suis très à l’aise avec notre décision », a-t-il déclaré, avec la conviction d’un homme qui lit un texte imposé par sa direction.
Le regard flou, les mots hésitants, Vincent mentait comme il respirait.
« Je suis très à l’aise avec notre décision et je suis loin de blâmer Jacob », a-t-il tenté d’ajouter, sans conviction. Mais plus il s’exprimait, plus il devenait clair qu’il cherchait à éteindre un feu qu’il n’avait pas allumé.
Mais personne dans la salle de presse n’a été naïf.
Ce n’était pas sa décision. C’était celle de Kent Hughes et Jeff Gorton. Le genre de décision venue d’en haut, imposée sans nuance, sans compassion, sans considération pour les dynamiques humaines dans une équipe de séries.
Pascal Vincent est un homme de hockey, un vrai. Un pédagogue. Un entraîneur qui vit avec ses joueurs, qui comprend l’importance des moments, qui sait que les séries sont une question de momentum. Et mercredi dernier, ce momentum avait un nom : Cayden Primeau.
Primeau venait de livrer un match parfait. Un vol en règle. 32 arrêts sur 33 tirs. Un match de gardien numéro un. Le genre de performance qui vous fait gagner une série. Tout le monde savait que la logique aurait voulu que Primeau garde le filet vendredi.
Mais non.
Dans un bureau fermé, à quelques mètres du vestiaire, Kent Hughes serait descendu en personne pour s’assurer que le « plan » soit respecté. Le Rocket de Laval, pour eux, n’est pas une équipe de séries. C’est une école. Un laboratoire. Un centre de développement.
Le message est clair : les séries importent moins que les consignes du haut.
Fowler devait jouer, peu importe le contexte. Peu importe l’énorme performance de Primeau. Peu importe le score, la pression, la série. Et Pascal Vincent a dû s’exécuter.
Ce n’est pas seulement Primeau qu’on a trahi. C’est aussi Jacob Fowler qu’on a brûlé, inutilement. Tu ne mets pas un jeune gardien dans une situation de pression extrême pour l’en retirer deux périodes plus tard, après quatre buts sur 14 tirs. Ce n’est pas ça, développer un gardien. Ce n’est pas ça, protéger un espoir.
En voyant le match compressé en 20 minutes dans la vidéo suivante, on a réalisé à quel point le moment était trop gros pour Jacob Fowler:
Tu ne peux pas dire d’un côté :
« On est très à l’aise avec notre décision » et ensuite, dans la même conférence de presse, expliquer en long et en large pourquoi chacun des buts n’était pas vraiment de sa faute. Tu ne fais pas jouer au yoyo un jeune de 20 ans comme s’il était un pion sans émotion.
« Je ne crois pas que le moment est trop gros pour lui, il est bâti pour jouer dans ce genre de match », a insisté Vincent. Mais même lui, en décortiquant chacun des buts encaissés pour protéger Fowler, laissait transparaître l’immense inconfort de la situation.
Ce n’était pas le moment. Et tout le monde dans le vestiaire le savait.
Le plus honteux dans tout ça? Pas un mot de Kent Hughes. Pas un mot de Jeff Gorton. Ce sont eux qui ont imposé cette décision — c’est confirmé maintenant, même le Journal de Montréal l’a écrit noir sur blanc après le match — et pourtant, ils ont laissé Pascal Vincent se faire cuisiner par les journalistes.
Le coach, seul au front, à défendre une décision qu’il n’a pas prise. Un coach qu’on force à dire que « c’est pour ça qu’on veut faire les séries, parce qu’on veut mettre nos jeunes dans ces situations-là », alors que son regard dit l’inverse.
Pascal Vincent est un entraîneur intelligent. Il sait qu’une série, ça se gagne avec des décisions cohérentes. Il sait que tu ne brises pas la confiance d’un jeune comme Fowler dans un match où l’autre gardien est en feu. Et il sait, surtout, qu’il aurait dû pouvoir déroger au plan.
Difficile de ne pas ressentir un profond malaise pour Pascal Vincent. Un homme qu’on respecte, qu’on apprécie, mais qu’on a transformé en marionnette pendant une conférence de presse.
C’était injuste. Injuste pour Primeau, injuste pour Fowler, et surtout injuste pour un coach qui a porté son club jusqu’en demi-finale d’association dans la ligue américaine avec un alignement truffé de jeunes.
Il aurait fallu du courage de la part de Hughes ou Gorton pour venir expliquer eux-mêmes la logique derrière cette rotation forcée.
Il aurait fallu les entendre dire : oui, c’est notre décision, oui, c’est un pari qu’on assume. Mais non. Ils ont envoyé Vincent au feu, comme un agneau sacrifi.
Nos pensées sont avec lui.
Ce texte, ce n’est pas seulement une critique de la hiérarchie du Canadien. C’est un message de solidarité à un homme qu’on a mis dans une position indéfendable.
Pascal Vincent ne méritait pas ça.
Il méritait la liberté de ses choix. Il méritait le droit de s’appuyer sur Primeau après un match héroïque. Il méritait le respect qu’on doit à un entraîneur de séries qui connaît ses troupes et son vestiaire.
Et surtout, il méritait qu’on ne le transforme pas en porte-parole d’une politique de développement froide et aveugle.
Alors oui, aujourd’hui, nos pensées sont avec lui. Parce que ce qu’on a vu vendredi soir, ce n’était pas une défaite d’équipe. C’était une défaite de principes.