Ancien capitaine et directeur général du Canadien de Montréal, Savard a toujours été entouré, que ce soit sur la glace ou dans les bureaux de la direction.
Mais depuis le décès de son épouse Paulette, le 2 mai dernier, il vit une réalité bien différente.
« Aujourd’hui, la tristesse que je ressens à cause du décès de Paulette est une douleur indescriptible », a-t-il confié à Roger Brulotte lors d’une entrevue pour le Journal de Montréal.
Marié pendant 57 ans, il n’avait jamais connu une telle solitude.
Savard se rappelle de ses débuts dans le monde du hockey, à une époque où les salaires étaient bien loin des sommes actuelles.
Lorsqu’il est arrivé à Montréal en provenance de Landrienne, en Abitibi, il n’avait que 12 dollars en poche et devait se débrouiller seul.
« Le Canadien payait ma pension et me donnait 12 dollars par semaine pour mes dépenses », raconte-t-il.
Il n’y avait pas de réseau d’entraide pour les jeunes joueurs, et encore moins de contrats garantis à plusieurs millions comme ceux qu’on voit aujourd’hui.
C’est à Montréal qu’il a rencontré Paulette, alors qu’il était encore un joueur junior. Elle l’a aimé pour ce qu’il était, non pas pour sa notoriété ou son avenir financier incertain.
Leur première sortie fut une simple promenade en traîneau à Saint-Jérôme, organisée par son entraîneur avec le Canadien Junior, Yves Nadon.
Il était accompagné de ses coéquipiers André Boudrias et Yvan Cournoyer.
« Elle n’a jamais été avec moi pour l’argent », insiste-t-il, une affirmation qui résonne particulièrement aujourd’hui alors qu’il regarde le monde du hockey moderne.
Savard est critique envers l’évolution des salaires dans la LNH. Il voit des joueurs comme Juraj Slafkovský décrocher des contrats faramineux sans avoir encore prouvé leur valeur.
« Les joueurs d'aujourd'hui sont payés des millions avant même d'avoir fait leurs preuves sur la glace », déplore-t-il.
Il estime que la notion de mérite a changé, que la persévérance et le travail acharné ont été remplacés par des contrats garantis et des négociations où l’argent prime sur la passion du jeu.
« À mon époque, on jouait pour l’honneur, pour la fierté de porter ce chandail. Maintenant, c’est une question de chiffres », explique-t-il.
Son regard sur le Canadien d’aujourd’hui est teinté d’amertume. Il reste attaché à cette équipe qui lui a tout donné, mais il se demande si les jeunes joueurs actuels mesurent réellement ce que signifie porter le chandail du CH.
Il constate une différence de mentalité, une génération qui n’a pas connu les mêmes défis, qui n’a pas eu à lutter pour se tailler une place sans avoir déjà un contrat lucratif en poche.
Depuis le décès de Paulette, son quotidien a changé. Il se retrouve seul dans une maison qui était autrefois pleine de vie et d’échanges.
Il reçoit moins d’appels, passe des soirées plus longues, et ressent plus que jamais le poids de l’absence de celle qui était son équilibre.
Mais il essaie d’aller de l’avant, pour ses petits-enfants et pour l’arrière-petit-fils qu’il accueillera bientôt.
Serge Savard a toujours été un battant, et malgré la solitude, il continue de faire face à cette nouvelle épreuve avec la même résilience qui l’a caractérisé tout au long de sa carrière.
Jusqu’à cette entrevue avec Roger Brulotte, Serge Savard n’avait jamais abordé publiquement le décès de sa femme.
Jamais, au grand jamais. Il avait toujours gardé cette douleur pour lui, loin des caméras et des micros, préférant afficher cette image d’homme fort, ce « Sénateur » dont la stature imposante et le calme inspiraient le respect.
Mais cette fois, face à son ami de longue date, il a laissé tomber cette carapace. On pouvait sentir l’émotion dans sa voix, un mélange de tristesse et de solitude, une vulnérabilité qu’on ne lui connaissait pas.
C’était une entrevue poignante, où il a abordé tous les sujets, sans filtre, sans détours.
On oublie souvent que derrière la légende, il y a un homme. On voit Serge Savard comme ce monument intouchable, cette figure inébranlable du hockey québécois, mais on parle rarement de l’être humain derrière la réputation.
Et cette fois, on a vu son humanité, sa douleur, sa solitude. C’est aussi pourquoi le Canadien de Montréal a tenu à l’inviter au tournoi des Quatre Nations, où il a présenté le match États-Unis-Canada. Il était sur la glace pour la mise au jeu protocolaire, un moment chargé de symboles, et il a remis le prix du joueur du match à Jake Guentzel.
Ce n’était pas un hasard. Le Canadien voulait l’entourer, lui montrer qu’il n’était pas seul. Savard en a parlé, il sait qu’il est isolé, que son quotidien a changé depuis la perte de sa femme.
Le Canadien, en l’incluant dans cet événement, lui a tendu la main, lui a rappelé qu’il faisait toujours partie de cette grande famille.
Chapeau Monsieur Molson.