Ce n’est pas une déclaration officielle. Ce n’est pas un communiqué de presse. C’est pire que ça. C’est une confirmation déguisée, livrée à demi-mot, en direct, dans une des entrevues les plus tendues de l'année.
Ce soir-là, sur le plateau de Radio-Canada, Pierre-Karl Péladeau s’est retrouvé face à Patrice Roy. Et devant tout le Québec, il a craqué.
Pas physiquement. Pas émotionnellement. Mais stratégiquement. Il a laissé tomber ce que tout le monde soupçonnait déjà : le monopole du hockey francophone s’apprête à retourner chez Bell.
RDS va redevenir le diffuseur exclusif du Canadien de Montréal. Et TVA Sports, après 12 années de luttes, de pertes, de rêves avortés… va tomber.
Et soudain, le mot est tombé, lourd comme une poids étouffant : monopole. Pierre-Karl Péladeau, acculé, a lâché ce terme qu’il utilise depuis des années pour décrire ce qu’il considère comme le cauchemar ultime de l’écosystème médiatique québécois.
« Il risque de ne plus avoir de concurrence. Et vous savez quoi ? Il risque d’avoir également aussi une hausse des abonnements… parce que ça va se refléter sur le prix que les Québécois et les Québécoises vont être appelés à payer pour voir du hockey en français. Il va peut-être y avoir uniquement Bell pour le faire. »
Cette phrase, prononcée dans un calme tendu, trahissait tout : la résignation, l’amertume, mais surtout l’aveu que Bell vient de regagner son monopole sur le hockey francophone, que TVA Sports a perdu, et que personne n’aura les reins pour s’opposer à ce retour en arrière.
Le mot était là, dans la bouche même de celui qui s’était juré de le combattre.
Dans un échange particulièrement brutal, Patrice Roy a lancé la question qui tue :
« Est-ce qu'il n’est pas temps de dire au revoir à TVA Sports ? C’était une belle aventure, mais vous allez fermer la chambre ? »
Pierre-Karl Péladeau, fidèle à lui-même, a tenté de calmer le jeu. Mais sa réponse disait tout :
« Oui, c’est critique comme situation. Nous avons encore la prochaine année pour les droits… Et ils vont prendre fin. C’est à l’heure actuelle que nous sommes en train de négocier le renouvellement… ou l’absence de renouvellement. »
Et là, le mot était lâché. L’absence de renouvellement. Un lapsus assumé, glissé dans une phrase prudente, mais sans ambiguïté : TVA Sports va perdre les droits. Le CH retourne chez Bell. Et les séries éliminatoires reviendront là où elles étaient depuis toujours : à RDS.
Et comme si cette annonce voilée ne suffisait pas, Bell enfonce le clou. Le géant des télécoms propose deux forfaits d’abonnement révolutionnaires : Crave + RDS à 21,99 $/mois, ou Crave sans pub + RDS à 28,99 $/mois. Une bombe sans pitié dans un marché où TVA Sports est incapable d’offrir la moindre offre numérique compétitive.
Péladeau disait pourtant que les Québécois allait payer plus cher pour un monopole de RDS. Mais le réseau des sports lui répoond par la bouche de ses canons.
Pire encore : un abonnement RDS seul coûte 19,99 $. Crave Premium seul, 22 $. En les combinant pour presque moitié prix, Bell fait voler en éclats l’offre concurrente de TVA Sports.
À contenu égal (et souvent supérieur), Bell offre mieux, pour moins cher. Et cette fois, même la fibre nationaliste de Québecor ne pourra pas sauver le navire.
Alors que Roy revient à la charge, insistant sur les 720 à 800 millions $ dépensés pour les droits de la LNH, Péladeau tente un dernier tour d’honneur :
« Aujourd’hui, on est contents de l’avoir, TVA Sports… avec les séries éliminatoires, on est en mesure de vendre de la publicité… »
Mais la suite de sa phrase le trahit :
« …Nous sommes en train de négocier le renouvellement… ou l’absence de renouvellement. »
Voilà. Il ne ferme pas officiellement. Mais il prépare le terrain. Il ouvre la porte. Il avoue. TVA Sports est un gouffre. Et 2026 sonnera la fin.
RDS s’apprête donc à redevenir le diffuseur exclusif du Canadien en français. Officiellement, rien n’est signé. Officieusement, tout est déjà joué. Bell n’a jamais caché ses intentions. Et cette fois, ils ont les moyens.
Grâce à la vente de leur participation dans Maple Leaf Sports & Entertainment pour 4,7 milliards, Bell a renfloué ses coffres tout en s’assurant de droits à long terme pour les Leafs et les Raptors.
La prochaine étape ? Le Canadien.
Et Péladeau le sait. Il le dit à mots couverts :
« Qui va avoir les moyens, à part les géants numériques ? Peut-être uniquement Bell pour le faire… »
C’est le plus grand échec de l’histoire télévisuelle québécoise. En 2011, Québecor lançait TVA Sports avec des ambitions énormes. En 2014, ils raflaient les droits de la LNH pour 12 ans, pour un montant ridiculement cher. Une décision jugée folle par plusieurs à l’époque. Une décision aujourd’hui qualifiée de désastre financier.
En 2025, TVA Sports affichait des pertes cumulées de près de 300 millions $. Une saignée incontrôlable. Une chaîne maintenue en vie par fierté personnelle, plus que par logique économique.
Et aujourd’hui, la réalité les rattrape. Sans les droits de la LNH, TVA Sports n’a plus rien. Rien pour justifier ses frais. Rien pour attirer les annonceurs. Rien pour exister.
Pendant que TVA Sports s’effondre, RDS s’élève. La chaîne de Bell a su préserver une base fidèle. Une production impeccable. Un duo Marc Denis – Pierre Houde que le public adore. Des émissions stables. Et maintenant, une intégration numérique parfaite avec Crave.
Lors du dernier match, c’est tout le Québec qui a eu un pincement au cœur. Le rideau est tombé trop tôt sur Pierre Houde et Marc Denis, et ça a laissé un vide. Un vide immense.
Les réseaux sociaux, les forums, les textos échangés entre amis ne parlaient que de ça : la tristesse de ne pas les retrouver pour les séries.
Et pour des milliers — des centaines de milliers — de partisans, c’est une trahison rituelle. Une répétition amère qui dure depuis trop longtemps. Le Québec voulait Pierre Houde en séries. Il voulait Marc Denis en séries. Et maintenant que le retour de RDS pour la couverture complète des séries éliminatoires est presque assuré pour 2026, c’est comme si une injustice allait enfin être réparée.
Comme si on redonnait le hockey aux bonnes mains. À la bonne voix. À la bonne émotion. Et pendant ce temps, ldx pauvres Félix Séguin et Patrick Lalime… condamnés à commenter une série que le public n’écoute qu’à moitié, ou qu’il regarde… en anglais.
Pendant ce temps, TVA Sports offre une expérience fragmentée. Critiquée. Mal aimée. Avec des personnalités comme Jean-Charles Lajoie qui divisent plus qu’ils ne rassemblent.
La phrase de Péladeau, répétée plusieurs fois, résonne comme un la fin :
« C’est critique comme situation. »
Il sait que la bataille est perdue. Il sait que TVA Sports ne survivra pas sans les droits du Canadien. Il sait que RDS revient en force. Et il sait que ses actionnaires en ont assez de perdre 20 millions $ par année, sans retour.
Et comme il l’a dit lui-même, sans détour :
« Aucune entreprise n’a vocation à financer de façon indéfinie des pertes d’exploitation. »
La date est connue. L’échéance est fixée. Le contrat avec la LNH se termine en 2026. Et à ce moment-là, TVA Sports deviendra une coquille vide.
Bell, de son côté, aura tout. Les droits. L’écosystème numérique. Les abonnés. Le monopole.
Et Péladeau, lui, restera avec des studios vides, des pertes sans fin… et un rêve brisé.
L’entrevue avec Patrice Roy aura été l’ultime clou dans le cercueil. Une fin publique. Douce. Poli. Mais fatale. Péladeau a tout dit. Sauf le mot "fermeture".
Mais on l’a tous entendu. Dans son silence. Dans ses hésitations. Dans ses demi-vérités.
TVA Sports va mourir. RDS va reprendre le trône. Et le hockey francophone, désormais, n’aura plus qu’un seul roi.
Pierre Karl Péladeau ne l’a pas dit. Mais il l’a avoué.