Le silence était devenu lourd. Les spéculations prenaient toute la place. Alors que tout le Québec s’attendait à voir Ivan Demidov former un duo de feu avec Patrik Laine, voilà que Martin St-Louis en a décidé autrement. Et il a dû sortir de son mutisme, car la grogne montait.
Ce lundi matin au Centre Bell, l’entraîneur-chef du Canadien a mis les pendules à l’heure. Du moins, c’est ce qu’il a tenté de faire.
« Ce n’est pas pour punir Laine, a-t-il insisté. J’ai parlé à Patty. J’ai quatre trios, pas un quatrième trio. »
Sauf que dans les faits, Laine est sur la 4e ligne, avec Jake Evans et Oliver Kapanen. Pendant ce temps, Demidov fait ses débuts avec Joel Armia et Alex Newhook. Un revirement de situation inattendu, presque absurde. Et les partisans n’en reviennent pas.
Un choix calculé ou un message déguisé?
Martin St-Louis s’en défend. Il affirme avoir pensé à l’ensemble du groupe :
« J’essaie de placer les gars en situation de succès, mais j’essaie aussi de penser à l’équipe. »
Mais si ce n’est pas une punition, alors qu’est-ce que c’est?
Tout le monde se souvient des propos secs, voire méprisants de Laine à l’endroit de Demidov.
.Interrogé sur l’arrivée imminente du jeune Russe, Laine s’était contenté de dire :
« Je sais qu’il est gaucher… c’est à peu près tout. Je ne regarde pas les matchs de la KHL. »
Une déclaration perçue par tous comme une tentative à peine voilée de marquer son territoire à droite, là où Demidov est naturellement destiné à jouer.
Le sous-texte était clair : Je ne bougerai pas pour ce kid. Plus encore, il avait ajouté que les joueurs en place avaient travaillé toute l’année pour leur place et qu’il ne fallait pas leur passer devant.
Un rappel subtil, mais acide, que Demidov n’a encore rien prouvé. Un discours qui détonne dans un vestiaire où l’on essaie de faire de l’intégration du jeune russe une réussite collective.
Un commentaire interprété par plusieurs comme un rejet déguisé de toute collaboration avec Demidov.
La réaction de Martin St-Louis était donc attendue. Et voilà que Laine se retrouve marginalisé, éloigné du projecteur, pendant que le nouveau chouchou foule la glace dans l’uniforme tricolore pour la première fois.
Le point de rupture?
St-Louis, fidèle à lui-même, reste flou :
« Il aime jouer à droite. Avec un centre gaucher, ce sera plus facile pour Demidov de toucher à la rondelle. Armia est responsable défensivement. C’est une chance de voir ce qu’on a avec lui. »
Mais qui peut croire qu’il s’agit là de la vraie raison?
Demidov est arrivé à Montréal comme un prince. On lui a donné le casier à côté de Nick Suzuki. On l’a soustrait aux médias pour le protéger.
Kent Hughes a convoqué une rare conférence de presse pour parler de lui. Son agent, Dan Milstein, est en ville pour le soutenir. Et on lui offre… Joel Armia comme premier ailier?
Une opération d'équilibre politique?
Il faut appeler les choses par leur nom : Martin St-Louis a voulu envoyer un message clair. À ses vétérans. À son vestiaire. Et à ses partisans.
Pas question de donner tout cuit dans le bec au prodige russe. Pas question de déranger l’écosystème d’un groupe qui s’est battu pour les séries.
« On verra une présence à la fois. On va prendre l’information, où on est dans le match. Ce n’est pas comme quand on était exclus des séries », a-t-il expliqué.
Bref, Demidov devra gagner sa place, peu importe son talent. Et Laine? Il paie peut-être, indirectement, pour son attitude.
Une affaire de vestiaire?
La situation soulève aussi une question plus large : Laine est-il un problème dans le vestiaire? Après tout, ce n’est pas la première fois qu’on soulève des doutes sur sa compatibilité avec ses coéquipiers.
Son attitude détachée. Ses commentaires sarcastiques. Son indifférence apparente.
Et maintenant? Il est tassé, pendant que le vent souffle dans le dos d’un joueur qu’il a publiquement minimisé.
Une première sans feu d’artifice?
Le plus ironique? Le CH a raté une occasion en or sur le plan marketing. Un samedi soir à Toronto. Contre les Leafs. L’arrivée de Demidov. L’occasion était parfaite.
Et pourtant, il a fallu attendre ce lundi contre Chicago.
Un choix de St-Louis. Encore une fois.
« Ce n’est pas la fin du monde », a dit Mike Matheson. Peut-être pas. Mais c’est un symbole. Un symbole du contrôle qu’exerce encore Martin St-Louis sur la narrative.
Martin St-Louis est le patron. Et il ne laissera personne lui dicter quoi faire, pas même l’enthousiasme d’un peuple entier, ni les attentes d’un DG, ni les coups de projecteur de TSN ou RDS.
Mais soyons clairs : ce choix ne passe pas inaperçu. Le banc de Laine parle. Les partenaires de Demidov aussi.
Et quoi qu’en dise St-Louis, tout le monde comprend qu’il vient de punir Laine. Sans l’avouer. Sans le dire. Mais en le faisant.
Ivan Demidov est à Montréal. Mais il ne sera pas couronné d’emblée. Il devra traverser les flammes. Et Martin St-Louis, comme gardien du temple, vient de lui en allumer une.
Mike Matheson a tenté de calmer la tempête. Il a même fait une blague en tentant de sortir quelques mots en russe. « Je connais ‘Bonjour’, ‘Comment ça va ?’, ‘Bonne job’, ‘Merci’ ! » a-t-il lancé en riant, ajoutant qu’il avait appris ça grâce à Sergei Bobrovsky.
Une touche d’humour bienveillant, mais surtout un geste d’accueil symbolique, venant d’un vétéran respecté, envers un jeune qui entre dans l’arène sous une pression énorme.
Matheson, comme d’autres joueurs, a pris soin d’alléger l’atmosphère autour de Demidov, de montrer qu’il était là pour l’intégrer – pas pour le jauger ou le confronter.
La différence de ton entre lui et Patrik Laine est frappante… et révélatrice. Pas pour rien que Matheson est le chouchou de St-Louis...et Laine son bouc-émissaire...