Revirement de situation pour Martin St-Louis: le coach doit répondre de ses actes

Revirement de situation pour Martin St-Louis: le coach doit répondre de ses actes

Par David Garel le 2025-09-01

Martin St-Louis n'a jamais eu autant de pression sur les épaules depuis qu'il a été nommé entraîneur-chef du Canadien de Montréal.

Noah Dobson s’amène pour stabiliser le côté droit, Zachary Bolduc débarque avec une réputation de marqueur et un "passeport québécois" émotionnel qui enflamme déjà la place, Ivan Demidov entame sa première vraie saison complète, et l’effet domino sur tout l’effectif est réel : attentes revues à la hausse, patience à la baisse, « mix » remplacé par « obligation ».

Ce n’est plus l’ère des beaux discours ; c’est l’ère des résultats. Montréal n’a pas simplement amélioré sa profondeur : le CH a ajouté un défenseur numéro un et un marqueur-né, sans oublier Lane Hutson qui sera encore plus dominant et Ivan Demidov qui a tout pour remporter le Calder.

Chaque décision de St-Louis va sonner plus fort, chaque hésitation va paraître plus longue, chaque séquence creuse va être disséquée comme une catastrophe. Et personne n’a besoin d’un mémo pour comprendre que la marge d’erreur du coach vient de rapetisser.

L’air à Montréal sent de plus en plus comme... la Coupe Stanley...

Réjean Tremblay a claqué la vérité sans détour sur Punching Grace : les séries sont obligatoires. Ce n’est pas une suggestion, c’est... un ordre...

Dans la même foulée, l’idée d’une fenêtre de Coupe qui s’ouvre autour de 2027 s’est installée dans l’imaginaire, un horizon qui tombe pile sur l’échéancier personnel de St-Louis, puisque 2027 est aussi l’année où sa conjointe pourra enfin l’accompagner à plein temps à Montréal.

Entre-temps? Deux saisons à naviguer la tempête sans ce filet familial. Or à Montréal, la pression sportive et la pression humaine ne voyagent jamais séparées : elles s’additionnent, elles s’alimentent, elles peuvent devenir très sombres.

Quand l’équipe gagne, ça allège tout. Quand elle perd, la solitude est plus lourde et les décisions deviennent coupantes.

Justement, ce vestiaire-là arrive à l’automne avec une identité plus forte sur papier, mais aussi avec des chantiers techniques qui appartiennent à l’entraîneur, pas au directeur général.

Un : intégrer Dobson sur la première paire avec Kaiden Guhle, mais lui faire comprendre qu'il devrait être écarté de la première unité d'avanatage numérique.

Pas facile pour un défenseur qui a toujours été le général offensif à Long Island.

Deux : définir l'intégration de Bolduc. Les témoignages de Patrick Roy et Simon Gagné convergent : s’il est utilisé sur un des deux premiers trios et en première vague d’avantage numérique, il peut frôler la barre des 30 buts « à plein potentiel ».

C’est excitant… et c’est un test direct pour St-Louis : trouver la chaise, le rythme, les responsabilités sans lui mettre trop de pression.

En ce moment, le 2e trio semble figé dans le béton: Laine-Dach-Demidov. Comment garder Bolduc confiant et motivé sur une 3e ligne avec Alex Newhook et Josh Anderson. Comment lui donner un boost en le plaçant sur la 2e unité d'avantage numérique et non la première?

Trois : accélérer l’installation de Demidov dans l’écosystème offensif du CH. On l’a vu : le public l’adopte, ses aptitudes en espace restreint sont rares, et sa complicité potentielle avec Laine peut transformer l’attaque en une version moins prévisible.

Si ce trio-là (Laine-Dach-Demidov) patine sur la même longueur d’onde, Montréal ne cherchera plus un but : il le provoquera.

Quatre, et c’est un vieux démon : l’avantage numérique. À court terme, la pression se jouera presque autant sur les 90 à 120 secondes d’un power play que sur 60 minutes.

Un avantage numérique qui végète, c’est une double peine : ça brise l’élan du groupe et ça nourrit le narratif toxique. 

Avec Dobson possiblement écarté de la première paire d'avantage numérique, il y aura énormément de pression sur les épaules de St-Louis pour gérer le temps des deux unités.

Surtout qu'on ne sait toujours pas qui va accompagner Suzuki, Caufield et Hutson sur la première unité. 2 postes se joueront entre Patrik Laine, Ivan Demidov et Juraj Slafkovsky.

Si Slaf est écarté, parions qu'il pourrait faire la baboune.

Cinquième chantier : la hiérarchie. C’est dans les zones grises que l’on perd les vestiaires. Quand un jeune (ou une vedette) reste sur un premier trio malgré une séquence creuse alors qu’un autre productif patine encore dans l’ombre, le groupe le sent.

L’équité compétitive n’est pas un slogan, c’est un carburant. Or St-Louis doit composer avec des personnalités fortes, des ambitions légitimes et des récits médiatiques déjà écrits à l’avance.

L’équation est simple à dire, compliquée à vivre : juger l’instant, pas le CV. Récompenser la forme, pas le nom. Oser casser une combinaison gagnante… avant qu’elle ne cesse de l’être. C’est là que les grands entraîneurs font la différence et c’est exactement là que la loupe sera posée sur St-Louis.

Et ce n’est pas tout : le contexte externe a basculé. Grâce à un calendrier moins assassin (moins de millage, moins de fuseaux), les excuses logistiques s’évaporent.

L’été a été productif, la profondeur s’est épaissie, la métropole québécoise a faim. Bref, le narratif des deux dernières années, « progression, patience, mix », n’est plus valide.

On ne juge plus l’intention, on juge l’impact. Autrement dit : Montréal ne « surprendra » plus personne, comme l’a bien senti Alexandre Carrier en parlant d’adversaires qui « nous attendront différemment ».

L’effet cachette n’existe plus. Ce club sera scouted comme une équipe de séries. Il devra jouer comme tel en semaine trois de novembre, pas en semaine deux d’avril.

Là-dessus se greffe l’angle humain. St-Louis a déjà reconnu à sa manière que le stress traverse les murs de la maison.

Ce qu’il vit, éloignement de sa conjointe, responsabilités paternelles à distance, poids constant du marché, il ne le brandit pas en excuse, mais ça transpire.

Et c’est précisément ce qui rend la saison à venir si chargée : l’alignement est meilleur, la conférence ne te fera pas de cadeaux, le marché ne t’en fait jamais, et ta vie privée ne t’offre pas de coussin.

Dans ce cocktail, une mauvaise semaine peut faire déraper une semaine, et une semaine peut déclencher la machine à rumeurs.

Le scénario n’a rien d’hypothétique : ici, un mauvais ramène sur la table toutes les vieilles discussions, que ce soit l’utilisation de Demidov, le rôle de Bolduc, la gestion de Laine, le temps de glace de Hutson, et rallume le souvenir des segments où l’équipe a semblé jouer avec la peur de se tromper... avec des joueurs qui peuvent bouder...

Ajoutons le facteur symbolique de 2027, alors que de plus en plus de médias pensent que le CH sera prétendant à la Coupe Stanley.

Là, le rôle de St-Louis dépasse les x et o. Il doit également calmer la relation du club avec le bruit. On sait comment Montréal s’enflamme pour, contre, souvent les deux le même soir.

Cette année, l’oxygène va manquer plus vite parce que l’espoir est réel. Alors le message doit être cinglant : pas d’auto-félicitations quand ça va bien, pas d’auto-flagellation quand ça va mal.

On se rappelle les épisodes où certains ont annoncé le pire, sur les moments où l’équipe s'effondrait, sur l’idée que St-Louis a déjà été présenté comme « démissionnaire en devenir » avant de remonter la pente jusqu’à une nomination au Jack Adams.

C’est le théâtre montréalais : tu présentes la crise, tu présentes la rédemption, puis tu demandes la suite. Cette année, la suite n’est pas une idée : c’est un devoir. Les séries, point.

Voilà le défi parfait pour St-Louis? Le joueur qu’il a été s’est toujours nourri du doute des autres.

« Donne-moi tes doutes, je les transforme en essence ».

Le coach doit maintenant convertir le même carburant alors que plus personne ne doute... mais espère les grands honneurs.

Surprendre est une chose. Confirmer en est une autre.

Si le CH choke, son poste sera en danger. Ce n’est pas un jugement moral, c’est la logique d’un marché qui a vu le plan se matérialiser enfin sur la glace et qui, désormais, n’accepte plus l'excuse de la reconstruction.

À Martin St-Louis de prouver qu'il est un gagnant derrière le banc... et non seulement un formateur...