Méchanceté au Centre Bell: Samuel Montembeault nargué par la foule, puis applaudi

Méchanceté au Centre Bell: Samuel Montembeault nargué par la foule, puis applaudi

Par David Garel le 2025-11-04

Ce soir, Samuel Montembeault ne se battait pas seulement contre l’adversaire devant lui, mais contre tout ce qui l’entoure : ses propres statistiques, les critiques médiatiques, les rumeurs de transaction, les regards suspicieux de ses entraîneurs, et surtout, la foule qui était censée l’encourager.

Mardi soir contre les Flyers de Philadelphie, Samuel Montembeault a vécu tout ça à la fois. Un début de match cauchemardesque. Une ambiance toxique. Et pourtant, à la fin de la soirée, il avait tenu bon. Non sans souffrir, mais avec une résilience qui mérite d’être soulignée.

Le match n’était pas encore vieux de dix minutes que le nom de Montembeault était déjà la cible de sarcasmes dans les gradins du Centre Bell.

Un but. Deux buts. Trois buts. Une avalanche. Et chaque arrêt de routine devenait une occasion de narguer, un prétexte à ces cris moqueurs qui résonnaient moins comme un chant d’encouragement que comme un rappel cruel qu’il n’avait plus la faveur populaire.

Montréal est une ville bipolaire, on le sait depuis longtemps. Mais mardi soir, l’instabilité émotionnelle du public a atteint des sommets, et Samuel Montembeault s’est retrouvé au cœur d’un cyclone psychologique d’une rare violence.

Pourtant, il a tenu le coup. Lentement, mais sûrement, il a repris ses repères. Et lorsque le Canadien a entamé sa remontée, ramenant la marque de 3-0 à 3-2, 3-3 puis 3-4, l’ambiance s’est métamorphosée.

Même si le CH a perdu 5-4 en fusillade, Samuel Montembeault a terminé la soirée avec 38 arrêts.

Ce même public qui l'encourageait de manière méprisante à chaque arrêt de routine s'est finalement levé à chaque arrêt afin de le supporter... pour vrai...

Comme si l’amphithéâtre en entier avait oublié sa propre cruauté des premières minutes. C’est la dynamique étrange de Montréal : on détruit un joueur… jusqu’à ce qu’il nous sauve. Et ce soir-là, Montembeault a résisté.

Il faut dire que la pression sur Montembeault n’avait rien de subtil. Depuis le début de la saison 2025-2026, son rendement est catastrophique : une moyenne de buts alloués avant le match de 3,66, un taux d’efficacité de .839, et plusieurs performances où il semblait complètement désorganisé devant son filet. (après le match, son pourcentage d'effiacité est rendu à 855 et sa moyenne de buts alloués à 3,67).

Pire encore : alors qu’il fêtait récemment son anniversaire de 29 ans, il s’est vu voler la vedette par Jakub Dobeš, devenu le chouchou de l’organisation et de plusieurs journalistes. L’un est vu comme le passé, l’autre comme le futur.

Martin St-Louis, fidèle à lui-même, a tenté de protéger le Québécois. En matinée, il a déclaré :

« Nous avons seulement besoin que la position soit solide. Parfois, tu dois avoir un gars qui prend la majeure partie de la charge de travail. Je m'attends à ce que “Monty” prenne cette charge de travail et nous voulons qu'il se sente bien par rapport à son jeu. »

Une déclaration confuse, voire incohérente. Comment peut-on parler de stabilité quand on alterne entre deux gardiens, quand les performances de l’un sont alarmantes, et que l’autre n’a pas encore connu la défaite?

Les journalistes présents n’ont pas compris le message, et il n’est pas certain que Montembeault lui-même ait trouvé du réconfort dans ces propos.

Car derrière cette sortie publique, il y avait une intention claire : donner à Montembeault une chance de prouver qu’il peut encore être le numéro un. Mais le timing était douteux. Après une performance moyenne contre Ottawa, trois buts sur 17 tirs, il aurait été plus logique d’envoyer Dobeš contre Philadelphie. St-Louis a plutôt choisi de tester le mental de Montembeault. Et ce dernier, malgré une première période désastreuse, a répondu.

Mais la réalité demeure : Montembeault n’est plus seul dans la hiérarchie. Il est désormais pris en sandwich entre Jakub Dobeš et Jacob Fowler.

Et peu importe ses bonnes intentions, cela joue dans sa tête. Il le sait : le CH ne lui a jamais donné un contrat de confiance. Trois ans, 3,15 M$ par saison, sans clause de non-échange. Ce n’est pas un geste d’engagement. C’est un contrat-pont, une façon de garder un filet de sécurité sans bloquer l’avenir.

Et cet avenir, il est déjà là. Dobeš est invaincu cette saison, et Fowler enchaîne les performances étincelantes à Laval. Les statistiques ne mentent pas. Les réseaux sociaux non plus. Montembeault le sait : il est sur un siège éjectable. Chaque but accordé est un clou de plus dans le cercueil de son avenir à Montréal.

Et ce n’est pas seulement au niveau local que ça se complique. Même la scène internationale commence à le rattraper.

En Tchéquie, l’entraîneur national Radim Rulík a surpris tout le monde en déclarant qu’il « fallait considérer Jakub Dobeš pour les Jeux de Milan », malgré le fait que Lukáš Dostál et Karel Vejmelka sont les favoris pour le tournoi. Une déclaration simple en apparence, mais qui a mis le feu à l’ego de Montembeault, surtout qu'il est en train de se faire écarter de Team Canada.

 La guerre des gardiens ne se joue plus seulement à l’interne chez le CH. Elle se joue dans les têtes, les médias, et même les sélections olympiques.

Mais revenons à ce soir. Après ce début de match chaotique, Montembeault est revenu. Il a multiplié les arrêts clés. E.

Ironie du sort : ceux qui le huaient une heure plus tôt devenaient ses plus fervents partisans. Une forme de schizophrénie collective typiquement montréalaise. Mais à travers cette instabilité émotionnelle, Montembeault a su garder la tête froide.

C’est ça, sa victoire. Pas celle du score, pas celle de la feuille de match. Mais celle de l’esprit. Il aurait pu s’écrouler. Il aurait pu être remplacé après le troisième but. Il aurait pu éclater de rage. Il a plutôt fermé la porte. Il a tenu le fort. Il a même redonné confiance à ses coéquipiers. Et à la fin de la soirée, on a vu un homme qui, malgré toutes les humiliations, avait encore quelque chose à offrir.

Il serait naïf de croire que cette performance va changer la donne. Les statistiques de Montembeault sont toujours médiocres. Il n’a pas de clause de non-échange. Son contrat expire en 2027. Et le CH doit penser à l’avenir.

Mais ce match contre Philadelphie a au moins montré une chose : Montembeault n’est pas encore brisé. Oui, il a Dobeš dans sa tête. Oui, il a Fowler dans son dos. Oui, il sait que le monde entier regarde ses stats après chaque arrêt.

Mais il a réussi, pour une soirée, à tout mettre de côté. À faire abstraction de l’angoisse. À survivre à l’humiliation initiale. À reconquérir un Centre Bell qui l’avait déjà abandonné.

Et ça, pour un gardien, ça vaut toutes les victoires.