Le débat des gardiens du Canadien n’en est plus un. Il est tranché sur la glace. Jakub Dobeš est invaincu cette saison, avec trois victoires en trois départs, un pourcentage d’efficacité de .939, une moyenne de buts alloués de 1,63 et surtout, une constance et un calme qui font rougir de honte toutes les excuses fabriquées pour justifier les performances médiocres de Samuel Montembeault.
Et pourtant, lundi soir à l’Antichambre, l’émission principale de RDS, un malaise profond s’est fait sentir entre les panélistes.
En face de Mathias Brunet et de Vincent Damphousse, il aura fallu l’intervention du seul panéliste anglophone, PJ Stock, pour que quelqu’un ose dire ce que tout le monde voit : Jakub Dobeš est le gardien numéro un.
L'ancienne peste, qui n’a pas peur de choquer le consensus francophone mou, a résumé la pensée silencieuse d’une majorité de partisans : « Dobeš a gagné son filet, peu importe où il vient, peu importe qui est l’autre gardien. Il faut jouer celui qui performe. »
Le reste du plateau? Silencieux. En retrait. Embarrassé. Parce qu’au Québec, critiquer Samuel Montembeault, c’est frôler le blasphème.
Le malaise ne date pas d’hier. Depuis deux ans, une portion des médias québécois francophones protège Montembeault avec une intensité pratiquement honteuse.
On parle toujours de « patience », de « progression », de « potentiel olympique » et de « gardien numéro un en devenir », comme si son statut était un droit acquis.
Or, les chiffres sont sans appel : Montembeault a amorcé la saison avec un pourcentage d’efficacité de .857, une moyenne de 3,26, et surtout, des performances qui plombent le moral de l’équipe dès qu’il est devant le filet.
Mais au lieu de nommer les choses, on rationalise, on minimise, et surtout, on détourne la conversation. Le plus bel exemple : Jean-Charles Lajoie à TVA Sports, qui a littéralement explosé en ondes pour défendre Montembeault, affirmant que « tous les bons gardiens ont des mois d’octobre difficiles », que « ce n’est pas le moment de paniquer » et que tous ceux qui critiquent Montembeault sont des jaloux.
Pardon?
Dobeš n’est pas un mirage. Il est en feu. Il est jeune. Il est calme. Il est efficace. Et il est en train d’arracher le poste de numéro un.
La vraie question que personne ne veut poser à RDS ou à TVA : et si Montembeault ne s’appelait pas Montembeault?
Et s’il s’agissait d’un gardien finlandais, slovaque ou américain, avec les mêmes performances, le même début de saison raté, la même fragilité mentale post-blessure, est-ce qu’on lui déroulerait autant le tapis rouge?
Non. Il serait benché, puis échangé, puis oublié.
Mais au Québec, il est devenu un symbole identitaire. Il est la relève québécoise. Le bon gars. Le représentant de la région. Le chum du peuple.
Et pour cette raison, les médias francophones le surprotègent, même lorsque les résultats sont catastrophiques. On parle d’un gardien qui, selon plusieurs observateurs, est arrivé hors de forme au camp d’entraînement, avec un taux de gras trop élevé, incapable de répondre aux exigences d’un camp NHL post-blessure à l’aine.
Des excuses, encore des excuses…
Depuis le début de la saison, tout le narratif autour de Montembeault est construit autour de la blessure à l’aine qu’il a subie lors du match #4 contre les Capitals, en avril dernier. Une double déchirure. Une réhabilitation difficile. Un été compliqué.
Mais ce que personne ne dit, c’est que la reprise de l’entraînement était prévue en juillet. Que d’autres joueurs comme Kirby Dach, Patrik Laine ou Brendan Gallagher sont aussi revenus de blessures graves. Que le niveau de préparation physique de Montembeault laisse planer de vraies questions.
A-t-il vraiment suivi un plan rigoureux de remise en forme? A-t-il pris au sérieux le fait que Dobeš et Fowler cognaient à la porte? A-t-il sous-estimé la compétition?
La réponse est peut-être oui. Et les médias québécois devraient poser ces questions, au lieu de répéter ad nauseam que « Samuel est un battant » ou « qu’il mérite qu’on lui donne du temps ».
Dobeš a volé le filet. Point.
Pendant ce temps, le Tchèque gagne. Et convainc.
Contre les Sabres de Buffalo, il a été magistral. Son positionnement est impeccable. Il ne surjoue pas. Il ne s’écrase pas mentalement après un but. Il relance vite. Il communique bien. Il inspire confiance.
Et surtout, il gagne.
Et pourtant, à l’Antichambre, on continue de parler de Montembeault comme d’un numéro un “temporairement en retrait”. Comme si tout cela n’était qu’un moment difficile à traverser. Comme si la réalité était trop dure à admettre.
Et voici ce qui rend le tout encore plus inconfortable : les Oilers d’Edmonton cherchent désespérément un gardien. Ils ont envoyé deux dépisteurs au Centre Bell lundi soir. Pensent-ils à Montembeault? Très possible. Mais ils ont vu Dobeš.
Et Dobeš est intouchable.
Le futur du CH, c’est Dobeš et Fowler. Un duo jeune, complémentaire, avec une marge de progression immense. Montembeault, lui, a 28 ans. Il est agent libre dans deux saisons. Et il n’a pas démontré qu’il pouvait prendre l’équipe sur ses épaules, encore moins dans un contexte de pression.
Échanger Montembeault maintenant serait logique.
Mais pour cela, il faudrait d’abord que les médias cessent de le traiter comme un intouchable.
Ce que PJ Stock a fait à l’Antichambre lundi soir n’est peut-être qu’un petit moment d’opinion télévisée. Mais c’est aussi le symbole d’un courage qui manque cruellement dans les cercles francophones.
Assez de protection identitaire. Assez d’excuses médicales. Assez de victimisation.
Samuel Montembeault est un bon gars. Un gardien honnête. Mais Jakub Dobeš est meilleur. Maintenant. Pas demain.
Et à ce stade-ci, ne pas le reconnaître, c’est mentir.
Jean-Charles Lajoie, l’Antichambre, TVA Sports, RDS.., doivent se réveiller... et vite...