Dans une rare entrevue accordée à Dan Rosen du site officiel de la LNH, Jeff Gorton, le vice-président des opérations hockey du Canadien de Montréal, a dressé un portrait plutôt flatteur de l’évolution de son équipe.
Il a parlé de “croissance”, d’un groupe qui a retrouvé sa fierté, et du travail magistral de Martin St-Louis derrière le banc.
Pourtant, une question cruciale est restée sans réponse : celle du contrat de Kent Hughes, le directeur général, dont le salaire est l’un des plus bas de toute la LNH à 1,7 millions de dollars par année.
Un sujet tabou que Gorton a soigneusement évité, alors même que son propre avenir commence à faire l’objet de nombreuses convoitises.
Quand Gorton parle de “croissance”, il évoque avec fierté comment l’équipe a su se relever après un début de saison catastrophique.
En décembre, après une défaite de 4-2 contre Winnipeg, les Canadiens avaient un pourcentage de points de .417, bon pour le 29e rang sur 32 équipes.
Pourtant, grâce à un regain de fierté collectif, à la cohésion inculquée par Martin St-Louis et au travail de construction de Hughes, le Canadien s’est glissé jusqu’aux séries éliminatoires.
“Ça a été incroyable à voir,” s’est réjoui Gorton, soulignant à quel point l’équipe s’est “tannée de perdre” et a décidé de prendre son destin en main.
Dans son récit, Gorton donne énormément de crédit à Martin St-Louis. Il rappelle comment l’embauche de St-Louis, alors sans aucune expérience de coaching professionnel, était un pari risqué.
“C’était un risque, oui,” admet-il. Mais il souligne aussi que lui et Kent Hughes connaissaient personnellement St-Louis, sa passion, sa capacité à inspirer, et son incroyable cheminement de joueur sous-estimé devenu MVP et champion de la Coupe Stanley.
« Il s’identifie à tout le monde. Il peut parler à un gars de quatrième trio comme à une vedette “, a raconté Gorton.
Puis, il parle du capitanat de Nick Suzuki, nommé à seulement 23 ans. Gorton est élogieux :
« Il s’améliore chaque année, pas juste un peu, beaucoup. » Il insiste sur la maturité de Suzuki, son leadership croissant, sa progression sur et hors glace.
Mais dans toute cette longue entrevue, une seule chose est choquante par son absence : aucune mention de Kent Hughes, du fait qu’il est sous-payé à moins de 1,7 million de dollars par an alors que Gorton lui-même touche au moins 5 millions.
En fait, le silence de Gorton sur le contrat de Hughes est presque plus éloquent que ses réponses. Car la réalité est sans pitié : Hughes arrive au terme de son contrat à l’été 2026.
Et contrairement à Martin St-Louis, déjà prolongé à 5 millions par saison jusqu’en 2027, Kent Hughes n’a pas encore eu droit à une véritable reconnaissance financière.
À moins d’un immense ajustement, son salaire demeurera indécent par rapport à son importance dans la reconstruction du Tricolore.
Ce décalage alimente toutes les rumeurs : est-ce vraiment Kent Hughes qui pilote l’équipe ? Ou est-il la marionnette d’un Gorton assoiffé de pouvoir, refusant même de discuter de son bras droit publiquement ? Les mauvaises langues ont beau jeu : difficile de contredire ceux qui voient Gorton comme le “vrai DG” de l’organisation.
Pendant ce temps, de l’autre côté de la ligue, plusieurs équipes frappent à la porte pour tenter de recruter Gorton. Les Islanders, notamment, se sont fait fermer la porte par Geoff Molson, refusant qu’ils obtiennent la permission de discuter avec lui pour un poste de directeur général.
Les Blue Jackets avaient eu la même réponse de Molson quand ils on tenté de parler à Gorton. Pourtant, la rumeur veut que Gorton, malgré le fait qu'il jure vouloir rester à Montréal, s’ennuie de ce rôle.
Car il ne faut pas oublier : Jeff Gorton aussi a signé un contrat de cinq ans à Montréal. Lui aussi sera à renégocier en 2026. Et si Kent Hughes doit trébucher à cause d’une question salariale non réglée ? Est-ce que ce sera la fin du “monstre à deux têtes” ?
La saison actuelle (2024-2025) de Gorton est la quatrième année de son entente, et la prochaine saison (2025-2026) sera sa dernière sous contrat avec le Canadien de Montréal.
Même scénario pour Kent Hughes, qui a été nommé en janvier 2022, mais dont sa demi-saison à la tête de l’équipe (2021-2022) compte aussi pour une année complète selon les normes contractuelles. Lui aussi verra son contrat expirer à l’été 2026.
C’est donc dire que dans un an à peine, le monstre à deux têtes pourrait se désintégrer.
Gorton se tait en public, il ne dira jamais qu’il rêve secrètement de redevenir DG, mais tout le monde dans le milieu sait qu’il s’ennuie du pouvoir absolu qu’il avait à New York.
De l’autre côté, Kent Hughes, sous-payé de façon indécente à moins de 1,7 million par année, pourrait lui aussi commencer à se lasser d’être dans l’ombre de Gorton. Peut-être voudrait-il, lui aussi, être le seul maître à bord, sans devoir passer par un supérieur avant de prendre chaque décision.
En ce moment, le duo Gorton-Hughes fonctionne à merveille. Ils ont ramené l’organisation dans le droit chemin avec une efficacité rare. Mais qu’adviendra-t-il si une des deux têtes tombe? Est-ce que l’autre pourra maintenir la même cadence, la même vision?
Le Canadien devra sortir son chéquier. Sinon, il risque de voir éclater la meilleure équipe de direction qu’il ait eue depuis très longtemps.
La cohabitation Gorton-Hughes a été un succès. Mais la rapidité de la reconstruction pose également une question cruelle : ce modèle est-il viable à long terme ?
À la vitesse où le Canadien avance, avec un premier noyau jeune qui explose, le jour approche où le club devra clarifier qui est vraiment aux commandes.
Gorton a été élogieux envers Lane Hutson, le qualifiant de “véritable vol” au deuxième tour du repêchetage 2022, et a souligné que la jeunesse du Tricolore est désormais le coeur de l’équipe.
Mais même dans ce contexte, il a soigneusement évité d’indiquer quel rôle exact Kent Hughes a joué dans ces succès.
Pas un mot sur l’homme qui, malgré un salaire de misère par rapport aux autres grands DG de la ligue, a supervisé 31 transactions brillantes, amassé 23 choix de repêchage et permis au Canadien de battre toutes les projections de reconstruction.
Jeff Gorton peut bien encenser Martin St-Louis, Nick Suzuki, Lane Hutson et le reste du groupe émergent. Mais son refus obstiné de parler du dossier Hughes est un éléphant dans la pièce.
Et au rythme où la situation évolue, ce silence pourrait bientôt coûter cher au Canadien de Montréal.