Quand Sidney Crosby parle de Demidov, le destin montréalais s’écrit déjà
Le Canadien de Montréal a atteint un plateau symbolique : sept victoires en dix matchs. Un départ canon, une unité soudée dans la chambre et sur la glace.
Mais au-delà des chiffres, une impression domine : quelque chose de grand est en train de se bâtir. Et quelque part, à Pittsburgh, Sidney Crosby semble le savoir.
Pendant que le CH consolide son 7-3, les Penguins de Pittsburgh poursuivent leur propre relance, affichant une fiche de 6-2-1 après un point arraché en fusillade hier soir contre les Blue Jackets de Columbus.
Une performance solide, certes, mais pas de quoi dissiper le parfum de transition qui flotte sur la franchise. On le sent, on le sait : les jours du “Sid the Kid” dans l’uniforme noir et or sont comptés.
Et comme si le destin se jouait à ciel ouvert, Crosby a lui-même allumé la mèche.
Lorsque Félix Séguin lui a demandé de commenter le jeune phénomène du Canadien, Lane Hutson, le capitaine des Penguins a eu une réponse qui donne des frissons dans le dos:
« Il crée tellement. C’est impressionnant de voir la façon dont il travaille la ligne bleue. C’est un défi unique quand on joue contre lui, parce qu’il bouge constamment et qu’il est difficile à couvrir. C’est un gars capable de créer énormément.
Il a eu une excellente première saison, les attentes sont très hautes, mais il gère tout ça avec calme. Il va devenir encore meilleur, c’est certain. Son mouvement de pieds sur la ligne bleue, sa capacité à contrôler la rondelle, à préparer ses coéquipiers et à dicter le rythme d’un match… c’est exceptionnel.
Et défensivement aussi, il est étonnant. Pour un petit gabarit, il ne te laisse pas d’espace. Il va seulement continuer à progresser. »
Ces propos, livrés avec admiration, sonnent presque comme une bénédiction. Dans la bouche de Sidney Crosby, ces mots résonnent comme un passage de flambeau à distance, une reconnaissance instinctive qu’un joueur, quelque part, incarne déjà la relève spirituelle d’un certain #87.
Ce joueur, c’est un membre du Canadien de Montréal. Et il ne faut pas oublier Ivan Demidov, qui s’est imposé comme le moteur créatif d’une équipe qui gagne. Cole Caufield est en feu. Nick Suzuki semble plus libéré que jamais dans un rôle de meneur assumé. Et surtout, la jeune garde à la ligne bleue, (Hutson, Dobson) se marie parfaitement avec le meilleur ami de Crosby... Mike Matheson...
Hier encore, la victoire du Canadien a rappelé à Crosby qu'il devait accepter de lever sa clause de non-échange pour Montréal.
Demidov a encore sorti ses tours de magie, ceux qui font lever les partisans d’un même souffle. À chaque fois qu’il touche à la rondelle, on a la sensation d’assister à quelque chose de rare, d’unique, de presque chorégraphié.
Et pendant ce temps, à Pittsburgh, Crosby regarde.
Il regarde ce kid de 19 ans transformer les angles morts en zones de création. Il regarde l’énergie d’un vestiaire jeune, affamé, soudé. Et il sait. Il sait que c’est là qu’il devrait être.
Les Penguins ont encore grappillé un point hier en revenant de l'arrière de deux buts en 3 période, dans une rencontre où Crosby a été blanchi.
Oui, Pittsburgh joue bien. Oui, le trio Crosby-Malkin-Karlsson tient encore debout. Même Letang est en train de revivre. Mais combien de temps ?
Crosby, lui, a franchi les 1 698 points en saison régulière. Il n’est plus qu’à 25 points du record historique de Mario Lemieux à Pittsburgh pour le nombre de points en saison régulière.
Et tout le monde le sait : une fois ce record battu, le capitaine n’aura plus rien à prouver en Pennsylvanie.
Le seul chapitre qui restera à écrire, c’est celui de Montréal.
L’histoire est connue : Sidney Crosby a grandi fan du Canadien de Montréal. Ses proches en parlent souvent. Son père, Troy Crosby, a été repêché par le CH.
Et aujourd’hui, quand il parle d’un jeune joueur comme Hutson, il le fait avec une émotion presque paternelle.
Ce n’est pas un hasard.
Crosby reconnaît en lui le même feu intérieur, la même élégance instinctive, cette capacité à voir la glace en trois dimensions. Il reconnaît aussi la culture. Montréal, pour lui, n’est pas une ville étrangère. C’est un rêve suspendu depuis vingt ans.
Ce n’est pas pour rien que Renaud Lavoie a déjà affirmé à TVA Sports que le CH devait « se tenir prêt ». Que Pierre LeBrun a répété à plusieurs reprises que « le seul scénario où Crosby quitterait Pittsburgh, c’est pour Montréal ».
Et ce n’est pas pour rien que, dans l’entourage de Kent Hughes, on continue de dégager de l’espace sur la masse salariale, encore et toujours.
Le plan est en place. Le moment approche.
La situation est presque mathématique :
Crosby a 38 ans.
Il veut battre le record de Lemieux.
Il lui reste un an de contrat après cette saison.
Les Penguins glissent vers une transition inévitable.
Le Canadien est prêt à accueillir une légende dans un rôle de mentor et de compétiteur.
Si le Canadien continue sur sa lancée (7-3-0 aujourd’hui), il entrera bientôt dans une zone d’attraction rare : celle d’une équipe assez crédible pour attirer une légende.
Crosby ne viendra pas pour « aider à rebâtir ». Il viendra pour gagner.
Et ce club, pour la première fois depuis quinze ans, en a enfin les moyens.
La jeunesse montréalaise a mûri. Le système St-Louis fonctionne.
Crosby n’aura pas besoin de « sauver » Montréal. Il n’aura qu’à s’y greffer.
Ce n’est plus un fantasme, mais une équation qui se met doucement en place.
Lui attend de battre Lemieux.
Le CH attend qu'il lève sa clause de non-échange.
Et le hockey, lui, attend de revivre une romance comme celle-là.
Hier soir, à Pittsburgh, les Penguins ont ajouté un point au classement.
Mais à Montréal, Ivan Demidov et Ivan Demidov ont ajouté un signe au destin.
Quand Crosby parle d’un joueur capable de « contrôler le jeu », de « créer à chaque présence », d’« être difficile à couvrir », il ne parle pas d’un simple adversaire. Il parle de son futur coéquipier.
Et le jour où il parlera de Demidov, le Russe sera peut-être à ses côtés sur le même trio.
