Revirement de situation à Montréal: Sidney Crosby répond au CH

Revirement de situation à Montréal: Sidney Crosby répond au CH

Par David Garel le 2025-10-24

La réalité vient de frapper Montréal.

Alors que le Québec vibrait déjà à l’idée d’une transaction  historique de Sidney Crosby vers Montréal, la vérité a rattrapé le rêve. Le capitaine des Penguins ne bougera pas. Pas maintenant. Pas tant que Pittsburgh gagne, pas tant que sa flamme brûle encore. Et pour l’instant, elle brûle fort.

Les Penguins roulent à un rythme inattendu, avec une fiche de 6-2-0, quatre victoires de suite, et un vestiaire revigoré autour d’un mélange improbable de vétérans rajeunis et de jeunes électrisants. 

Crosby, 38 ans, est redevenu l’homme des grands soirs : deux buts et une passe hier à Sunrise, dans une victoire de 5-3 contre les Panthers, la quatrième de suite. Neuf points à ses cinq derniers matchs, dont cinq filets : c’est le retour du Kid dans toute sa splendeur.

Après la rencontre, Crosby est resté fidèle à lui-même, humble jusqu’au cliché :

« Il y a tellement de statistiques, je n’y pense pas vraiment. C’est agréable de produire, mais c’est surtout une grosse victoire contre une bonne équipe. »

Pourtant, au-delà des chiffres, il y a un symbole. Crosby vient d’égaler Mario Lemieux pour le sixième plus grand nombre de matchs à points multiples dans l’histoire de la LNH : 497. Et il s’approche dangereusement d’un autre record sacré, celui du total de points de Lemieux à Pittsburgh : 1723.

Avec 1698 à son actif, il n’est plus qu’à 25  points d’égaler le maître, 26 pour le dépasser. Autant dire qu’il n’est pas question de partir avant d’avoir écrit la dernière page de ce chapitre-là.

Ce qui rend cette situation encore plus incroyable, c’est que personne n’avait vu venir cette renaissance. Après un été sous tension marqué par la nomination de Dan Muse, un entraîneur sans expérience dans la LNH, Kyle Dubas semblait prêt à sacrifier l’ère Crosby pour reconstruire.

Mais voilà que le plan a pris vie autrement. Muse a trouvé la bonne formule : jeunesse, vitesse, audace. Et ses jeunes le lui rendent bien.

Ben Kindel, repêché 12e au total en 2024, joue déjà comme un vétéran. Hier encore, il a trouvé le fond du filet pour creuser l’écart contre la Floride, prouvant qu’il est tout sauf un projet à long terme. « Un vol de repêchage » au 12e rang, disait-on en juillet ? C’est déjà une évidence.

Autour de lui, Rickard Rakell et Bryan Rust produisent à un rythme constant, Erik Karlsson retrouve sa touche de quart-arrière, Evgeni Malkin semble libéré, et même Kris Letang, 38 ans lui aussi, affiche un regain d’énergie.

Bref, les Penguins sont en vie. Et tant qu’ils le seront, Sidney Crosby ne partira nulle part.

C’est pourtant là que la tension s’installe. Selon plusieurs sources proches du joueur, le père de Sidney, Troy Crosby, rêverait toujours de le voir terminer sa carrière à Montréal.

L’homme qui, jadis, avait été repêché par le Canadien en 1984, verrait dans ce retour symbolique une boucle parfaite. Et il n’est pas le seul. Son entourage, son agent Pat Brisson, et même quelques amis proches insistent depuis des mois : Montréal doit être la destination finale.

Mais à Pittsburgh, la réalité n’est pas celle d’un joueur à la retraite. C’est celle d’un capitaine encore dominant, entouré d’un groupe qui croit pouvoir surprendre.

Et c’est ce qui rend la situation paradoxale : le clan Crosby pousse vers Montréal, mais Sidney lui-même ne peut pas partir tant que les Penguins gagnent.

En étant tout feu tout flamme, Crosby répond au CH que son équipe demeure les Penguins tant qu'ils seront dans le portrait des séries.

Il faut dire que Dubas, qu’on disait prêt à tourner la page, a vu son plan de transition être bousculé par la performance de ses vétérans.

Pittsburgh joue un hockey inspiré, discipliné, et Muse, loin de simplement donner du temps de jeu aux jeunes, gère son vestiaire avec une efficacité déconcertante.

Pendant ce temps, à Montréal, Kent Hughes et Jeff Gorton se montrent patients. Très patients.

C’est le mot qui revient sans cesse dans les médias anglophones comme francophones : patience.

Le Canadien ne veut pas bouger trop vite, ni perturber la chimie d’un vestiaire qui respire la confiance après un début de saison de 6-3-0, bon pour le haut du classement dans la division Atlantique.

Dans une entrevue citée par David Pagnotta (TFP et DFO Rundown), le journaliste a résumé la stratégie de Hughes :

« Je crois qu’ils s’attendent à pouvoir ajouter quelque chose à un moment donné cette saison, probablement vers la date limite des échanges. Ils veulent se battre pour une des trois premières places de la division, mais sans casser la chimie actuelle. »

Pagnotta a été encore plus clair :

« Je ne pense pas que Montréal va chasser le gros poisson cette année. Pas besoin de faire comme Ottawa. On parle plutôt de trouver des pièces complémentaires, pas de chambouler la structure pour un grand coup de circuit. »

Autrement dit : si Crosby ne bouge pas, Montréal ne bougera pas non plus.

Et c’est précisément ce qui rend la situation si intrigante.

Tout le monde au Québec sait que le CH garde de la place sous le plafond salarial pour se donner de la marge. L’échange du contrat de Carey Price n’a pas été fait pour rien. Hughes s’assure que, le jour où Crosby lèvera sa clause de non-mouvement, Montréal puisse dire oui sans délai.

Mais le problème, c’est que ce jour pourrait ne jamais venir.

t si les Penguins continuent de gagner ? S’ils se qualifient pour les séries ? S’ils offrent à Crosby une dernière danse à Pittsburgh, dans la ville où tout a commencé ?

Ce serait un cauchemar stratégique pour Montréal : des mois de patience, des manœuvres salariales, des espoirs entretenus… pour rien.

Ce scénario, Pagnotta l’a aussi envisagé :

« Si Crosby n’est pas disponible avant mars, il y a un monde où Montréal attendra jusqu’à l’été. Ils ne veulent rien faire qui bloquerait le #87 d’ici là. »

C’est la position la plus réaliste aujourd’hui. Le Canadien veut bâtir autour de Suzuki, Caufield, Demidov et Hutson, mais il garde une place libre pour la légende. Et tant que cette porte reste entrouverte, aucun autre centre d’élite ne sera priorisé.

Crosby le sait. Il a vu les images du Centre Bell en fusion, les cérémonies à la gloire de Ken Dryden, les buts de Demidov, la communion d’un public qui respire le hockey.

Mais tant que Pittsburgh joue comme ça, il restera fidèle à sa philosophie : finir ce qu’il a commencé.
Son but est clair : battre Lemieux, qualifier les Penguins, puis seulement réfléchir à la suite.

Et si, d’ici là, Montréal continue sur sa lancée, le destin pourrait bien finir par s’écrire tout seul.

En attendant, le CH vit dans un paradoxe : il est fort, ambitieux, confiant… mais suspendu au bon vouloir d’un seul homme.

Sidney Crosby.

Et ce qu’on sait aujourd’hui, c’est qu’il a dit non. Pas pour toujours. Mais pour cette année.