Samedi soir, à Pittsburgh, la scène avait des allures de cinéma.
Marc-André Fleury, 40 ans, revenait là où tout avait commencé. Devant une foule déjà conquise, le « Flower » a enfilé les jambières une dernière fois.
Troisième période face aux Blue Jackets, huit arrêts, un sourire, une complicité intacte avec Sidney Crosby, Evgeni Malkin et Kristopher Letang. La boucle était bouclée.
En recevant la première étoile du match, en embrassant son poteau après avoir frustré Cole Sillinger en fusillade, Fleury offrait aux amateurs de hockey une image d’adieu parfaite.
Mais à peine la poussière retombée, une rumeur plus forte que toutes les ovations s’est mise à circuler. Selon Pierre LeBrun, sans jamais prononcer le mot « Edmonton », des équipes approcheront Fleury en janvier pour lui demander de revenir. Tout le monde a compris. Tous les regards se tournent vers l’Alberta.
Depuis des années, les Oilers vivent une tragédie devant leur filet. Stuart Skinner, héros d’un soir, est redevenu un gardien moyen, souvent submergé.
Calvin Pickard est un bouche-trou. Jack Campbell a été un désastre coûteux, relégué à la Ligue américaine avec le club-école de Détroit, puis bientôt à la retraite forcée.
Chaque printemps, la même histoire se répète : McDavid et Draisaitl font des miracles offensifs, mais derrière, les gardiens s’effondrent.
La patience de Connor McDavid s’use. Déjà, l’été dernier, il avait martelé qu’il voulait Carter Hart. L’enfant prodige de Sherwood Park (tout proche d'Edmonton) voyait en lui une solution durable. Mais Hart a refusé. Refusé Edmonton. Refusé le Canada. Trop de scandales, trop de pression, trop de fantômes.
Humiliation pour les Oilers, désillusion pour McDavid. Et voilà que surgit le nom de Marc-André Fleury. Le vétéran québécois. Le triple champion. Le gardien qui, même à 40 ans, inspire plus de confiance que Skinner.
Pour Edmonton, Fleury représenterait le coup de poker ultime. Un sauveur temporaire, mais un sauveur crédible. Un homme respecté dans tous les vestiaires, capable de rallier une équipe autour de lui. Même si ses meilleures années sont derrière lui, il a encore les réflexes, l’expérience, la présence.
Ce n’est pas un hasard si Allan Walsh, son agent, a relayé les propos de LeBrun sur X. Le clan Fleury sait que le téléphone sonnera. Et dans une ligue où les Oilers sont obsédés par leur incapacité à gagner avec McDavid, l’idée de ramener « Flower » pour un dernier sprint devient irrésistible.
Là où ça fait mal, c’est que ce scénario met directement en danger le rêve secret du Canadien de Montréal : attirer Connor McDavid en 2026.
Depuis des mois, les indices s’accumulent. Dans ses entrevues, McDavid parle d’une équipe jeune, avec de la profondeur, un avenir devant les buts.
Ce portrait correspond plus au Canadien qu’à n’importe quelle autre franchise. Fowler le futur Carey Price, Samuel Montembeault et Jakub Dobes en attendant, Hutson, Slafkovský, Demidov, Caufield, Suzuki. Guhle, Dobson… Montréal a les ingrédients pour dominer pendant une décennie.
Mais si Edmonton ramène Fleury en janvier, si le club devient subitement crédible devant le filet, McDavid aura une raison de rester. Pas pour dix ans. Pas pour toute sa carrière. Mais pour deux ou trois saisons. Juste assez longtemps pour détruire le plan montréalais.
Même si Fleury ne joue que pour quelques mois, cela pourrait donner le boost à McDavid de jouer au moins deux ans encore à Edmonton.
Justement, Pierre LeBrun n’a pas besoin de nommer Edmonton. Dans le milieu, tout le monde comprend les sous-entendus. Les Oilers sont désespérés. Carter Hart les a humiliés. Les partisans doutent. McDavid gronde. Et dans ce contexte, un appel à Fleury devient non seulement probable, mais inévitable.
Imaginez la scène : janvier 2026, les Oilers patinent au bord du gouffre, McDavid réclame du renfort, et Fleury enfile à nouveau ses jambières. Les caméras du monde entier se braquent sur Edmonton. Les joueurs se redressent. La chimie opère. Fleury multiplie les arrêts, galvanise le vestiaire.
Et McDavid, témoin de ce miracle, se dit : « Pourquoi partir? »
À Edmonton, chaque geste est comparé à l’été 1988. Quand Wayne Gretzky a été échangé à Los Angeles, toute une ville a perdu son innocence. Aujourd’hui, la peur est la même. Voir McDavid quitter l’Alberta serait une catastrophe encore plus grande.
Les dirigeants des Oilers le savent. Jeff Jackson, président et ancien , Stan Bowman, DG, n’ont pas le choix : ils doivent tout tenter pour retenir leur capitaine. Et si cela passe par un retour de Fleury, ils paieront le prix.
Montréal en embuscade
Du côté de Montréal, ce scénario donne des sueurs froides. Kent Hughes et Jeff Gorton ont patiemment bâti une équipe jeune, dynamique, destinée à exploser entre 2026 et 2030. Tout le plan repose sur l’idée que McDavid, frustré par l’incapacité d’Edmonton à gagner, choisirait de venir.
Mais Fleury change la donne. Ce n’est pas seulement un gardien. C’est une légende. Un Québécois respecté. Un aimant médiatique. S’il atterrit à Edmonton, il pourrait offrir à McDavid la stabilité qu’il réclamait juste pour cette année... afin de gagner la Coupe Stanley.
Et Montréal verrait son rêve s’envoler.
À 28 ans, Connor McDavid est au sommet de son art. Il sait que chaque année sans Coupe Stanley est un affront à son héritage. Il ne veut pas devenir le Dan Marino du hockey. Mais il veut aussi prendre la bonne décision.
Si les Oilers lui prouvent qu’ils peuvent gagner, avec Fleury cette saison, il sera tenté de signer une courte prolongation. Deux ans, peut-être trois. Juste assez pour tenter une dernière fois l’aventure avec Draisaitl.
Pour Montréal, ce serait une tragédie. Le CH n’a pas besoin que McDavid signe à vie à Edmonton. Il suffit d’un petit contrat, et le timing s’écroule. Fowler ne sera pas encore prêt. Reinbacher aura besoin de deux ou trois ans pour dominer. La fenêtre du CH s’ouvrira… mais McDavid sera encore coincé en Alberta.
Ce qui rend l’histoire fascinante, c’est que Marc-André Fleury a toujours eu le sens du timing. Premier choix des Penguins en 2003, héros du but volé à Nicklas Lidström en 2009, gardien d’ombre derrière Matt Murray en 2017, pilier des Golden Knights en 2018…
À chaque étape, il a incarné un moment charnière. Et son retour en janvier pourrait devenir l’un des plus grands coups de théâtre de sa carrière.
Soyons clairs : les Oilers n’ont plus le choix. Hart les a rejetés. Les partisans grondent. McDavid doute.
Le seul scénario qui sauve leur saison, leur avenir, leur capitaine… c’est Marc-André Fleury.
Et Montréal le sait.
Ce dossier dépasse le simple hockey. C’est une guerre psychologique. Si McDavid reste à Edmonton, le Canadien perd la plus grande opportunité de son histoire moderne. Si Fleury choisit de revenir, il devient sans le vouloir l’ennemi juré du rêve montréalais.
Un Québécois, héros national, qui sauve Edmonton au détriment de Montréal? Ce serait une trahison symbolique, un cauchemar pour les partisans du CH.
La fin ou le commencement?
Marc-André Fleury voulait dire adieu. Il voulait saluer Pittsburgh, Crosby, Malkin, Letang. Il voulait boucler la boucle. Mais peut-être que la boucle n’est pas fermée. Peut-être que janvier ouvrira une nouvelle porte.
À 40 ans, il n’a plus rien à prouver. Mais il pourrait prouver une dernière chose : qu’il est encore capable de changer le destin d’une franchise.
Et ce destin, c’est celui d’Edmonton… mais aussi celui de Montréal.
Ce samedi à Pittsburgh, les images d’adieu ont ému toute la planète hockey. Mais derrière les sourires et les larmes, une vérité brutale se cache. Marc-André Fleury n’est pas seulement un retraité. Il est la pièce qui pourrait redéfinir l’avenir de Connor McDavid.
Si Fleury revient à Edmonton, McDavid aura une raison de rester. Et le Canadien verra son plan maître s’effondrer.
Le Flower, héros québécois, pourrait devenir le bourreau de Montréal.
Et c’est peut-être ça, la plus grande ironie de sa carrière.