Parfois, une seule phrase suffit à renverser un narratif au complet.
Et, pour une fois, ce n’est ni un "insider" anonyme ni un « on me dit que ». C’est l’agent lui-même, Pat Brisson, qui a remis tout le monde à sa place au sujet de Cole Caufield.
Selon Brisson, Cole a volontairement signé un contrat inférieur à Nick Suzuki.
Non, son agent ne s’est pas « fait avoir ». Ils ont visé la stabilité, l’alignement avec le capitaine et… la culture naissante du vestiaire.
Brisson l’explique simplement :
« On a regardé les comparables, dont Suzuki, et on était environ dans ces montants-là. C’était important pour le Canadien d’avoir le capitaine qui gagne un peu plus, on parle de 25 000 $ de plus. On a accepté cette situation-là. »
Ce que confirme Brisson, c’est d’abord la volonté de son client. Caufield « voulait au moins six ans », et ils ont finalement poussé jusqu’à huit, avec le fameux 7,85 M$… 25 000 $ sous Suzuki, parce que c’était « important » pour le club que le capitaine reste le repère salarial.
Ça a l’air banal, mais dans une LNH où les jeunes étoiles réclament de plus en plus des % de plafond et des clauses de non-échange coulée dans le béton, Caufield est allé en sens inverse.
Cole ne s’est pas caché derrière son agent. Il n’a pas joué à la chaise musicale pour deux cent-cinquante mille de plus. Il a signé en connaissance de cause, pour envoyer un signal : le vestiaire d’abord.
Et Juraj Slafkovsky ? Même logique. Le Slovaque aurait pu pousser, mais a accepté de signé en-dessous de Suzuki... et Caufield.
Le résultat pour Kent Hughes est tout simplement incroyable: le CH tient aujourd’hui, pour moins de 24 M$ par saison, un trio élite (Suzuki-Caufield-Slafkovsky) qui rivalise en impact avec des trios ailleurs payés au prix fort, un luxe stratégique dans une ligue où le plafond grimpe en flèche.
Et puis, boum : Kent Hughes fait l’acquisition de Noah Dobson et le signe à 8 ans / 9,5 M$.
Sportivement, un coup de maître. Un droitier de première paire en plein "prime", ça ne se magasine pas tous les jours.
Politiquement, en revanche, c'est plus compliqué.
Pourquoi ? Parce que Dobson n’a pas été « éduqué » dans la hiérarchie interne du CH. Il arrive de l’extérieur, il pose sa valise, et il devient, hors Carey Price sur la LTIR, le joueur actif le mieux payé du vestiaire. Et là, sans même le vouloir, il rebat toutes les cartes.
C’est ici que l’intervention publique de Brisson prend une dimension encore plus lourde. Son « on a accepté que le capitaine gagne un peu plus » ne raconte pas seulement une négociation passée; il fige un principe.
Ce principe, ce sont les fondations même du projet HuGo : bâtir une équipe capable d’avaler la montée du cap sans exploser de l’intérieur.
Or l’arrivée brillante de Dobson force maintenant le CH à composer avec un salaire externe qui n’est pas passé par la « douane de Nick Suzuki » établie depuis 2022.
Et aujourd'hui? Au tour de Lane Hutson de passer à la caisse, et le contexte n’est plus le même. Le clan Hutson (Sean Coffey en tête) ne regarde pas un chiffre; il regarde un pourcentage.
La ligue a quitté 88 M$ pour 95,5 M$, et les projections font flirter le cap avec les 104 M$ en 2026 puis davantage ensuite.
On peut débattre tout l’après-midi du « vaut-il 9,5 M$ ? 10 M$ ? », Coffey répondra :
« Parlez-moi en % du plafond, pas en AAV figée. »
C’est aujourd’hui l’axe de négociation de tous les gros dossiers, et Brisson le reconnaissait déjà à l’époque en comparant son deal à… Suzuki.
Mais on est dans une chambre avec des visages, des égos, des carrières. Si Hutson franchit la barre Dobson, il devient le mieux payé du groupe, à 21 ans, après une seule saison complète.
Est-ce défendable sur le plan du marché ? Oui : Calder en poche, 66 points, quart-arrière de l’avanatge numérique, valeur rare en transition.
Est-ce simple à faire accepter humainement ? Non. Et c’est précisément pour ça que, côté direction, on pousse la ligne des 9,5 M$ comme « toit » psychologique… pendant que le clan Hudson maintient que 10 M$ est la nouvelle « normalité » dans une LNH en réinitialisation salariale.
Revenons à Pat Brisson, parce que son intervention n’est pas un simple détail pour dire à tout le monde qu'il ne s'est pas fait avoir.
Elle remet la focale au bon endroit : ce sont les joueurs, pas les agents, qui tranchent.
« Cole voulait au moins six ans… Nous, on a signé pour huit ans. »
Puis :
« C’était important… On a accepté cette situation-là. » Autrement dit, le fameux « Brisson s’est fait avoir » était un mythe utile pour les réseaux sociaux, mais faux sur le fond.
Cole a choisi. Slaf a choisi. Et ces choix ont fait gagner la direction.
Mais ça sert aussi l’adversaire. L'agent de Lane Hutson regarde exactement les mêmes tableaux. Il voit que la maison a économisé sur Suzuki/Caufield/Slafkovsky… et que cette économie dégage de la marge pour payer très cher le prochain contrat de son client.
Et voilà pourquoi, malgré toute la respectabilité de la « hiérarchie », le clan du #48 réclame de monter au-dessus. Pas par caprice. Par mécanique de marché.
La vraie ligne n’est pas comptable. Elle est émotionnelle. Brisson vient d’expliquer sans équivoque que son client a privilégié la cohérence interne du groupe.
Le vestiaire, ça compte. La figure du capitaine, ça compte. Très bien. Mais qu’arrive-t-il si, six mois plus tard, l’organisation entérine que le « nouveau » (Dobson) passe devant tout le monde… et que le « prodge génial » (Hutson) dépasse à son tour les « sacrifiés » ?
Rien n’explose demain matin, ce n’est pas un vestiaire jaloux. Mais la gestion fine des perceptions devient critique.
Et c’est précisément pour ça que le duo Hughes-Gorton laisse traîner les négociations avec le clan Hutson.
Leur ligne directrice: « on paie pour le rôle… sans casser la colonne vertébrale ».
Qu’on aime ou non, le hockey est entré dans l’ère des pourcentages. L’exemple Brock Faber (8,5 M$ qui représente 8,9 % sur 95 M$; transposé sur 104 M$, on parle d’environ 9,2 M$) est devenu une calculette que tous les camps utilisent.
C’est la seule manière d’éviter que les contrats signés l’an dernier deviennent « cheap » demain matin aux yeux des joueurs. C’est aussi ce qui explique pourquoi les dossiers « des méga-stars » (McDavid, Kaprizov) font trembler la table : si des super-étoiles montent à 15-16-17 M$ (18 à 20 % du cap), l’écart relatif grimpe pour tous.
Dans ce contexte, l’aveu de Brisson sur la logique Suzuki n’est pas qu’une anecdote montréalaise. C’est la démonstration que l’on peut, encore, faire primer des principes humain sur la spirale des pourcentages… si le joueur l’embrasse.
Mais c’est aussi une preuve involontaire que les prochains, eux, voudront probablement « recoller » au marché. Et le premier « prochain », c’est Hutson.
Où ça nous mène, concrètement ?
Brisson a lavé l’affront public : le contrat de Caufield n’est ni une erreur d’agent ni un piège du CH. C’est un choix assumé, aligné sur un principe d’équipe.
La « référence Suzuki » n’est plus universelle. L’arrivée de Dobson a déplacé la ligne. Le « mieux payé actif » est à 9,5 M$. Toute discussion Hutson tourne donc autour d’un 9,5 M$ (plafond psychologique interne)… vs 10 M$ (réalité revendiquée par le marché et les %).
Le compromis naturel sent le 9,5 M$ sur 8 ans, assez pour préserver la face des deux camps (Hutson devient #1 du vestiaire… à égalité avec Dobson), assez pour protéger la structure (tu ne casses pas la banque à 10 M$).
L’effet-retour sur le vestiaire sera géré par… la glace. Si Hutson produit comme un candidat au Norris et progresse défensivement, personne ne grincera longtemps des dents.
Si l’attaque reste flamboyante mais que les séries le secouent encore physiquement, son salaire deviendra controversé.
En blanchissant l’agent (lui-même) et en attribuant la décision à Cole, Brisson coupe court à une rumeur qui polluait la discussion : « le CH ne respecte pas ses joueurs, il écrase les salaires, les agents se font flouer ».
Faux. Et du même coup, ça enlève une arme aux "haters" qui voudraient utiliser le « précédent Caufield » pour mettre le feu aux poudres. La maison n’a pas « profité » de son buteur ; c’est lui qui a protégé la maison.
Mais attention : ce qui était vrai pour Cole ne s’impose pas automatiquement à Lane. Les profils, les lignes du temps et les comparables sont différents. Hutson a mis la ligue sur le derrière à 20-21 ans, dans un hockey en pleine inflation de cap. C’est normal que son clan cherche à capturer une part de cette inflation.
C’est ici que le 9,5 M$ sur 8 ans ressemble à une sortie de crise élégante. Le clan Hutson obtient le ruban (« mieux payé du club »).
Le club sauve son architecture (tu ne passes pas dans les doubles chiffres, tu restes collé au 9,5 de Dobson). Et, surtout, tout le monde évite une guerre publique qui ne profite à personne dans une ville où chaque virgule devient un bulletin spécial aux nouvelles.
Dans un été saturé de rumeurs et de « on me jure que », la sortie documentée de Pat Brisson est précieuse. Elle replace l’agent dans son vrai rôle (conseiller) et redonne au joueur la responsabilité de ses choix.
Cole a mis sa carrière et son portefeuille au service d’un principe commun. Le CH en récolte aujourd’hui les fruits.
À Kent Hughes, maintenant, de prouver qu'il peut garder une chambre soudée et payer justement le défenseur prodige qui enflamme le Centre Bell.
À Sean Coffey, d’admettre que « gagner » une négo, ce n’est pas seulement arracher un chiffre ; c'est aussi penser à l'équipe.
Lane Hutson signera bientôt son contrat. Ce n'est qu'une question de temps.
9 M$ ? 9,5 M$ ?
Qui mettra de l'eau dans son vin?