Au moment où le Centre Bell vibrait au rythme des exploits de Juraj Slafkovsky et de Cole Caufield, un malaise sourd s’installait dans les entrailles du vestiaire montréalais.
Car pendant que les jeunes lions du Canadien réinventaient l’avantage numérique avec une vivacité étourdissante, Patrik Laine, lui, assistait impuissant à ce qui pourrait bien être le tournant fatal de sa carrière à Montréal.
Le premier but est venu planter le décor avec brutalité.
Sur une magnifique entrée de zone orchestrée par Slafkovsky sur le flanc gauche, le Canadien s’est installé comme un rouleau compresseur en supériorité numérique.
La rondelle a roulé de Hutson à Demidov, puis de Demidov à Slafkovsky, qui n’a eu qu’à la catapulter dans le haut du filet, allumant un Centre Bell en ébullition.
Quelques minutes plus tard, l’ouragan Demidov-Hudson-Caufield a frappé de nouveau.
Cette fois, une circulation d’école, rapide et chirurgicale, a permis à Caufield de décocher un tir sur réception parfait dans la lucarne de Logan Thompson.
Deux buts.
Deux démonstrations éclatantes.
Deux symboles d’un powerplay redevenu imprévisible, fluide, dangereux.
Et tout cela, sans Patrik Laine.
Le constat est brutal : au mois d’avril, le Canadien végétait avec un avantage numérique anémique, n’ayant inscrit qu’un seul but avec l’ancien franc-tireur des Blue Jackets à sa gauche.
Depuis que Laine a quitté pour des raisons médicales — le Canadien a tout simplement changé d’identité.
Ivan Demidov, parachuté sur la première vague en catastrophe, a apporté ce que Laine ne pouvait plus offrir : des jambes, de la créativité, de la vitesse, de l’instinct.
À travers tout cela, une question déchirante flotte au-dessus de Patrik Laine comme une épée de Damoclès : comment un tireur d’élite aussi craint peut-il, en si peu de temps, devenir un spectateur?
On ose imaginer la détresse silencieuse de Laine, seul dans l’ombre, regardant ses coéquipiers exploser de joie alors que lui-même peine à marcher sans grimacer.
Lui, qui toute sa vie avait bâti sa réputation sur son tir canon, sa menace constante en avantage numérique, voit aujourd’hui son art supplanté par la jeunesse, la fougue, et surtout, la santé retrouvée des siens.
Ce n’est pas un jugement moral.
Ce n’est pas une question de volonté.
C’est simplement la réalité cruelle du sport professionnel : quand tes jambes ne suivent plus, tout le reste s’effondre.
À 27 ans, Patrik Laine n’est plus un monstre physique.
Ses mains sont toujours aussi douces, son tir toujours aussi précis.
Mais sans la mobilité pour se libérer, pour créer des lignes de tir, pour étirer la défense adverse, il devient une cible facile, prévisible, neutralisable.
Ce soir, Montréal n’a pas eu besoin de Patrik Laine pour planter deux poignards dans le cœur des Capitals de Washington.
Ce soir, Montréal a prouvé que son avenir appartenait à d’autres noms.
Slafkovsky.
Demidov.
Hutson.
Caufield.
Et Suzuki, le capitaine, qui orchestre tout cela avec une maturité grandissante.
Pendant ce temps, dans le silence des corridors du Centre Bell, Patrik Laine vit peut-être le moment de vérité que tout athlète redoute.
Le moment où l’on comprend que le train a continué sa route.
Misère