Ivan Demidov débarque… et déjà, ça grince dans le vestiaire du Canadien...
Le phénomène russe Ivan Demidov n’a pas encore enfilé le chandail bleu-blanc-rouge qu’il provoque déjà un mini-séisme à l’interne.
Alors que toute la ville de Montréal est en ébullition à l’approche de ses débuts officiels, une autre température règne à l’intérieur du vestiaire du Canadien : la méfiance. Voire, pour certains, l’agacement. Et dans certains regards, une pointe de jalousie qui ne trompe pas.
La scène s’est déroulée jeudi, au Centre Bell, dans un vestiaire qui sentait davantage la tension que l’excitation. Et les propos de Patrik Laine, le joueur vedette censé porter ce fameux deuxième trio avec Alex Newhook, ont glacé l’ambiance.
Interrogé sur l’arrivée imminente d’Ivan Demidov, Laine a répondu d’un ton sec, presque méprisant :
« Je sais qu’il est Russe et qu’il est gaucher… c’est à peu près tout. Je ne regarde pas les matchs de la KHL. »
«Je ne regarde plus la KHL, mais il paraît qu’il a de bonnes habiletés. Le hockey européen est ennuyant en raison de la taille des patinoires. C’est plus lent. Je préfère ici, il y a moins de patinage.
C’est un ajustement que tous les Européens doivent faire. C’est la meilleure ligue au monde et il arrive au moment où les séries vont débuter. Ce n’est pas la transition la plus facile»
Puis, pour toute marque de respect envers l’un des plus grands talents offensifs à émerger du hockey russe depuis Kirill Kaprizov, Laine s’est contenté de marmonner :
« Il paraît qu’il est talentueux. On verra. »
On verra. Voilà tout ce que Demidov mérite, selon Laine. Pas un mot d’enthousiasme. Pas une phrase pour l’accueillir. Pas même un sourire en coin pour masquer l’inconfort.
On aurait dit un vétéran inquiet de perdre sa place sur l’échiquier. Comme si le roi Demidov venait d’arriver dans une partie déjà jouée, et que le fou Laine sentait l’étau se resserrer.
Comme si ce n’était pas assez, Patrik Laine a tenu à glisser une petite pique bien sentie à l’endroit du parcours de Demidov dans la KHL.
Au lieu de saluer son talent brut ou ses statistiques impressionnantes pour un joueur de 19 ans, Laine a préféré insister sur le fait que la KHL est une ligue “différente”, où les joueurs ont “plus de temps pour effectuer des jeux”.
Il a même évoqué la taille des patinoires comme un facteur à considérer, comme pour amoindrir d’avance les attentes envers le jeune Russe.
Ce genre de déclaration n’est pas anodin. C’est le discours typique d’un joueur insécure qui tente de se rassurer en minimisant la menace.
Plutôt que de reconnaître que Demidov arrive en terrain conquis, Laine préfère poser un filtre déformant sur son bagage russe.
Mais soyons clairs : ce n’est pas la grandeur des patinoires qui fait la différence entre ces deux hommes. C’est la grandeur d’esprit.
Mais comment peut-on expliquer cette attitude hautaine et détachée ? Peut-être parce que Laine sait, au fond, que son trio est dans le mur.
Depuis dix matchs, il n’a récolté que quatre maigres points, dont trois buts. Son partenaire de ligne, Alex Newhook, n’en a que trois.
Et le troisième membre de la ligne ? Il change plus souvent qu’un slogan électoral. Oliver Kapanen est là pour l’instant, mais tout le monde sait que Demidov s’en vient prendre une place.
C’est une honte. Un trio supposément offensif, supposé complémenter Suzuki-Caufield-Slafkovsky, qui n’offre absolument rien en retour. Rien, sauf de la gêne.
Et malgré ce naufrage offensif, Laine et Newhook ne semblent pas accueillir le prodige avec gratitude. Bien au contraire. Leurs propos trahissent un inconfort profond. Une insécurité évidente. On dirait deux joueurs qui sentent que leur territoire vient d’être envahi.
Newhook, d’ailleurs, n’a pas caché son anxiété déguisée derrière un faux calme :
« Jouer avec des nouveaux compagnons de trio, j’ai fait ça toute l’année… Ce serait seulement un autre nouveau coéquipier pour moi. »
On appelle ça un aveu non assumé. Newhook ne dit pas qu’il est inquiet. Il ne dit pas qu’il panique. Mais il le respire. Il le transpire. Il le vit comme un joueur qui sait très bien qu’il vient de perdre la guerre sans l’avoir encore livrée. Et il est lucide :
« Il faut qu’on soit efficaces chaque soir. Je dois m’assurer d’être ce type de joueur là. »
Mais il ne l’est pas. Ni lui, ni Laine. Et c’est pour ça que Demidov arrive. Parce que ce trio est une plaie béante dans un alignement qui s’approche miraculeusement des séries.
Et il est hors de question que Martin St-Louis continue de protéger l’orgueil de ses vétérans au détriment de la logique.
Demidov, lui, arrive avec toute la lumière. Il est le prodige. Le prince russe. Celui que Montréal attendait depuis des mois, celui pour qui des centaines de partisans sont allés à l’aéroport de Dorval sans même savoir quand il arriverait. Celui qui fait rêver les jeunes, fait vendre des chandails, fait vibrer la ville. Et ça, ça dérange.
Ça dérange des gars comme Laine, qui ne veulent pas perdre leur statut de vedette.
Ça dérange des gars comme Newhook, qui sentent que la place qu’ils croyaient acquise est maintenant fragile.
C’est un choc d’ego. Un affrontement générationnel. Demidov, c’est l’ascension fulgurante. Laine et Newhook, c’est la stagnation douloureuse.
Et quand on met les deux dans la même pièce, ça fait des étincelles. Pas des étincelles créatives. Des étincelles d’inconfort.
Ivan Demidov n’a pas dit un mot encore dans ce vestiaire, mais il parle déjà plus fort que tous les autres. Par son talent. Par son aura. Par ce qu’il représente.
Et certains joueurs, qu’on croyait solides, sont en train de flancher sous la pression de sa simple présence.
Laine, le sniper silencieux, semble déjà éteint.
Newhook, le patineur polyvalent, semble déboussolé.
Et Martin St-Louis, lui, devra bientôt trancher. Qui jouera avec Demidov ? Qui sera sacrifié ? Qui survivra à l’ouragan ?
Ce qui est sûr, c’est que Demidov vient d’entrer dans la bergerie… et les loups commencent à se mordre entre eux.