On croyait le dossier des gardiens « réglé » lorsque Kent Hughes a annoncé, le 1er juillet, l’embauche du vétéran Kaapo Kähkönen pour 1,15 M$.
Pour plusieurs observateurs, il était évident que le gardien plombier allait devenir le second de Samuel Montembeault, reléguant Jakub Dobes à Laval, surtout après les propos cinglants du DG du CH.
En conférence de presse, Kent Hughes a tenu des propos qui ont été perçus comme une prise de position ferme. À la question sur l’embauche de Kaapo Kähkönen, il a répondu sans détour :
« On ne signe pas un gardien dans le but de l’envoyer au ballottage. »
Une phrase lourde de sens, qui laissait entendre que le vétéran finlandais, qui doit impérativement passer par le ballottage pour être rétrogradé, était vu comme le favori pour seconder Samuel Montembeault dès le début de la saison.
Dans la même prise de parole, Hughes avait aussi évoqué l’importance de la compétition, mais tout en précisant que l’organisation voulait éviter de perdre un actif gratuitement.
En d’autres mots, pour Hughes, la logique contractuelle devait primer : Dobee est exempté du ballottage, donc plus facile à envoyer à Laval.
Kähkönen, lui, risquerait d’être réclamé. Il fallait donc protéger l’investissement. Une vision prudente, mais qui, comme on l’a vu plus tard, ne faisait pas l’unanimité à l’interne.
Les propos de Hughes n’aura pas survécu à l’été.
Car voilà que Jeff Gorton, vice-président exécutif des opérations hockey, a offert une version tout à fait différente des faits lors d’une entrevue avec le RG Média. Et c’est un véritable choc.
Gorton a lancé une bombe médiatique en contredisant de manière à peine voilée son propre directeur général. Il a affirmé :
« Je crois que Dobes nous en a montré beaucoup. Il nous a donné plusieurs gros points en fin de saison, et il est venu tenir le fort en séries, en plus d’obtenir une victoire dans des circonstances difficiles. »
Et surtout, il a lâché cette phrase lourde de sens :
« Si un joueur arrive au camp et gagne un poste, on va toujours regarder ça et essayer de promouvoir à l’interne. On veut que nos jeunes jouent quand ils sont prêts. »
Autrement dit, le poste est ouvert. Kähkönen n’a aucune priorité. Dobes n’a rien perdu. Et Hughes, avec sa sortie du 1er juillet, aurait peut-être parlé un peu trop vite.
Ce que ce désaccord révèle, c’est un fossé stratégique. Hughes, homme pragmatique en tant qu'ancien agent et soucieux de la gestion du personnel et du cap salarial, semble vouloir protéger ses actifs.
Il ne veut pas perdre Kahkonen au ballottage pour des raisons contractuelles et de valeur résiduelle alors qu'il pourrait échanger le Finlandais à la date limite des transactions s'il performe.
Gorton, lui, pense performance. Pour lui, le mérite dicte le rôle, peu importe les considérations contractuelles.
Et ce n’est pas une première. Des murmures circulent depuis un an sur le fait que Gorton et Hughes ne voient pas toujours les jeunes de la même façon, particulièrement en ce qui concerne le moment de les amener dans la LNH. Le dossier Dobee pourrait bien être la goutte de trop.
Ce désaccord a des répercussions concrètes sur la dynamique interne. Samuel Montembeault, établi comme numéro un, n’est pas naïf. Il comprend que l’idée d’un ménage à trois se profile à l’horizon. Et ça, ce n’est jamais bon pour un vestiaire.
Trois gardiens à l’entraînement, deux filets disponibles. Un doit s’exiler avec le coach des gardiens, Éric Raymond, pendant que les autres s’affrontent dans les exercices.
« C’est un inconfort qui ne dure jamais longtemps », souffle un ancien entraîneur de la LNH.
« Un des trois finit toujours par être sacrifié. »
Montembeault a beau avoir gagné sa place avec constance, il sait que chaque match laissé à Kähkönen ou Dobes est un risque, une perte de momentum.
Et surtout, il sait qu’en cas de mauvais départ, ce ménage à trois pourrait se transformer en guerre ouverte.
Et pendant que Hughes et Gorton se disputent sur Kähkönen et Dobes, un troisième nom rôde dans l’ombre : Jacob Fowler. Et lui, il est intouchable.
Tout le monde le sait : Jacob Fowler, 20 ans, est le gardien d’avenir de l’organisation. Gorton lui-même l’a répété dans l’entrevue :
« Le moment n’a jamais été trop gros pour lui. Il a gagné tous ses matchs contre Cleveland en séries. Il a tellement de confiance, de calme… C’est impressionnant. »
Le message est clair : tout le monde est remplaçable… sauf Fowler.
Et c’est peut-être justement ce qui rend la situation de Dobes si précaire. Le clan Dobes le sent : il est entre deux feux. Pas encore prêt à supplanter Montembeault, mais menacé par un prodige plus jeune, plus flamboyant, et mieux vu par les grands patrons.
Sur le plan technique, le dossier est clair comme de l'eau de roche : Kahkonen doit passer par le ballottage pour être envoyé à Laval. Dobes, lui, est encore exempté.
Cela donne une fausse illusion de sécurité à Dobes… mais c’est un piège.
Oui, il est exempté. Mais ça signifie surtout qu’il est le seul que l’équipe peut rétrograder sans rien perdre. Et ça, c’est souvent fatal.
« C’est toujours le gars sans ballottage qui mange la claque, peu importe ce que t’as fait l’année d’avant », souffle un ex-joueur.
Dobes pourrait bien être victime de son propre statut administratif, peu importe ses mérites sportifs.
Signé récemment à un contrat de deux ans à un volet, Dobes gagnera son salaire LNH peu importe où il joue. 965 000 $ par saison, un beau pactole pour un jeune de 23 ans.
Mais ce contrat n’offre aucune garantie de poste. Il ne contient pas de clause de non-échange, ni de bonus de performance. Il est un outil de gestion, pas une marque de confiance.
Et le clan Dobes le sait. Ce qui devait être une récompense pour services rendus pourrait devenir une punition déguisée. Le message du CH :
« Tu veux ta place? Gagne-la. »
Si Hughes veut absolument protéger Kähkönen du ballottage, c’est qu’il craint qu’il soit réclamé. Et avec raison. Plusieurs équipes (dont les Oilers) cherchent encore un gardien de profondeur. Kähkönen pourrait être gobé en quelques heures.
Mais protéger Kähkönen implique sacrifier Dobes… ou commencer l’année avec trois gardiens dans le vestiaire. Un cauchemar logistique.
Le DG se retrouve donc coincé entre son propre raisonnement contractuel… et la logique sportive défendue par Gorton.
Ce bras de fer est plus qu’une simple dispute de personnel. C’est un test de pouvoir.
Qui aura le dernier mot? Hughes, l’homme qui négocie les chèques? Ou Gorton, l’architecte du plan hockey?
Le camp d’entraînement sera explosif. Et le premier rappel en cas de blessure ou de contre-performance sera un indicateur clair de la vraie hiérarchie au sein de l’organisation.
Mais une chose est sûre : le poste de gardien numéro deux n’est pas encore réglé. Et les prochaines semaines risquent de faire couler beaucoup d’encre… et de sueur.