La saison 2025-2026 n’a même pas encore débuté que la pression sur Martin St-Louis est déjà à un niveau rarement atteint pour un entraîneur-chef du Canadien de Montréal.
L’époque des excuses est terminée. Les blessures, le fameux « mix » dont on a tant parlé l’an dernier, la jeunesse de l’équipe… tout cela ne sera plus accepté comme justification d’un éventuel échec.
Si le Canadien « choke » cette saison, le poste de St-Louis sera directement en danger.
L’an passé, au tournoi de golf annuel du CH, on ne parlait pas de séries éliminatoires comme objectif officiel. Kent Hughes, Jeff Gorton et Martin St-Louis répétaient tous le même mot : mix.
On voulait évaluer la progression du groupe, voir comment les jeunes s’intégraient aux vétérans, mesurer le caractère collectif de l’équipe. Personne n’osait s’avancer sur la scène médiatique pour dire que l’objectif était de jouer au printemps.
Et pourtant, malgré des séquences frustrantes et un calendrier infernal, le Canadien a réussi l’exploit de se faufiler en séries.
Oui, ce ne fut qu’une présence éclair de cinq matchs, mais ce fut suffisant pour transformer le discours. L’organisation est passée de « prudente » à « ambitieuse » en quelques mois.
En 2025-2026, les attentes ne sont plus floues. Les séries éliminatoires sont l’objectif. Et pas seulement pour y faire de la figuration.
Alexandre Carrier, qui a connu son premier printemps montréalais l’an dernier, l’a dit sans détour :
« Clairement, les attentes envers l’équipe seront différentes. Les autres équipes nous attendront différemment. Elles seront plus prêtes à nous affronter. »
Cette phrase résume bien le changement de perception. Le CH n’est plus vu comme un club en reconstruction qu’on prend à la légère.
Avec les ajouts de Noah Dobson et Zachary Bolduc, sans oublier une saison complète d’Ivan Demidov, le Tricolore ressemble désormais à une équipe prête à rivaliser contre les meilleurs.
Dobson, acquis des Islanders en échange de deux choix de premier tour et d’Emil Heineman, est une pièce maîtresse.
Défenseur droitier de 6’4’’, mobile, solide défensivement et capable de relancer l’attaque, il vient combler un vide béant laissé par la retraite de David Savard. Carrier l’a reconnu lui-même :
« C’est bon d’avoir de la compétition à l’interne. Et c’est vrai qu’on manquait de défenseurs droitiers. »
Bolduc, lui, apporte du punch offensif et un flair pour les gros moments. Sa présence, combinée à celle d’un Demidov en pleine ascension, promet un top-9 capable de marquer dans les matchs serrés.
Si le CH est attendu au tournant cette saison, il bénéficie aussi d’un avantage inédit : un calendrier plus clément. L’an dernier, Geoff Molson a vu rouge devant la charge de voyagement imposée à son équipe. Des séquences absurdes, comme traverser le continent pour deux matchs dans l’Ouest, ont usé joueurs et entraîneurs.
Martin St-Louis a toujours refusé d’invoquer le calendrier comme excuse, mais il le glissait souvent dans ses commentaires. Le message était clair : ce facteur pesait lourd.
Cette année, grâce à l’intervention musclée de Molson auprès de Gary Bettman, le CH sera l’une des équipes qui voyageront le moins.
Le club ne fera que 16 voyages (moyenne de la ligue : 16,875), parcourra 35 056,9 milles (27e rang de la LNH, bien en dessous de la moyenne de plus de 40 000 milles) et n’aura à composer qu’avec 26 changements de fuseau horaire (moyenne : 32,84).
Bref, plus d’excuses logistiques. Le CH sera reposé. Les défaites ne pourront plus être attribuées au manque de fraîcheur.
Si la pression est forte à l’interne, elle l’est aussi à l’externe. Les partisans, après avoir goûté aux séries, veulent plus. Les médias ne pardonneront pas un recul. Les rivaux, eux, traiteront désormais le CH comme un adversaire à surveiller de près.
Ce changement de statut est à double tranchant. Il peut galvaniser un vestiaire… ou l’écraser. C’est là que Martin St-Louis doit démontrer ses qualités de leader.
Les joueurs eux-mêmes savent que la marge de manœuvre est mince. Carrier le reconnaît : l’équipe est encore jeune, mais elle a grandi.
Dobes, le jeune gardien qui amorcera la saison comme adjoint de Samuel Montembeault, parle d’un « rêve devenu réalité » et insiste sur l’importance de « tout donner chaque jour ».
Cette mentalité, St-Louis doit la cultiver… et la maintenir toute la saison.
Pour St-Louis, cette saison pourrait bien définir son héritage comme entraîneur-chef. Depuis son arrivée derrière le banc, il a bâti une réputation d’enseignant, de motivateur, de figure inspirante.
Il a gagné le respect de ses joueurs, des dirigeants et d’une partie des partisans. Mais à Montréal, tout cela ne tient qu’à une corde : gagner.
Un entraîneur peut être adoré dans le vestiaire et congédié le lendemain si les résultats ne suivent pas. St-Louis le sait. Cette saison, la direction, Hughes et Gorton en tête, n’aura pas peur de prendre une décision difficile si l’équipe s’écroule.
Les excuses liées à la jeunesse, au manque de profondeur ou aux blessures ne passeront plus. Le noyau est en place. Les renforts sont arrivés. Le calendrier est favorable. L’objectif est clair.
Les acquisitions estivales ne se limitent pas à Dobson et Bolduc. Samuel Blais et Joe Veleno viennent ajouter de la profondeur et du caractère.
Le vestiaire compte désormais un noyau de Québécois plus important, ce qui plaît aux partisans… mais aussi au propriétaire, qui voit là un moyen de renforcer le lien émotionnel avec le public.
Cette profondeur d’effectif signifie que St-Louis devra faire des choix difficiles. La « saine compétition » vantée par Carrier peut aussi devenir un casse-tête si les résultats ne suivent pas et que des joueurs mécontents commencent à s’exprimer.
Les cinq matchs de séries disputés au printemps dernier ont offert un échantillon révélateur. On a vu un CH capable de rivaliser par séquences… mais incapable de maintenir le rythme sur une série complète. La marche est haute, et St-Louis doit trouver le moyen de combler cet écart.
Il ne s’agit pas seulement de motiver les troupes, mais de bâtir un système capable de résister aux ajustements adverses et aux moments de pression maximale. Les séries ne pardonnent pas les failles tactiques.
À Montréal, chaque match est disséqué, chaque décision est débattue. St-Louis a jusque-là réussi à naviguer dans cette tempête médiatique grâce à son franc-parler et à son charisme. Mais la lune de miel pourrait prendre fin rapidement si l’équipe connaît un départ raté.
La moindre séquence négative, trois ou quatre défaites consécutives, pourrait relancer les rumeurs de changement de coach. Et dans ce marché, une telle rumeur enfle à la vitesse grand V.
Kent Hughes et Jeff Gorton ont bâti ce groupe à leur image. Ils ont investi des choix, des contrats et des ressources pour fournir à St-Louis une équipe capable de performer. S’ils sentent que l’entraîneur ne maximise pas le potentiel de l’effectif, ils n’hésiteront pas à agir.
Et Hughes, malgré son amitié et son respect pour St-Louis, sait qu’un changement derrière le banc est parfois nécessaire pour envoyer un message au groupe.
Martin St-Louis entre dans une saison où tous les voyants sont au vert… sauf celui de la patience. Le CH est plus talentueux, plus profond et mieux protégé par son calendrier. Les attentes sont élevées, et la ville n’acceptera pas de reculer après avoir goûté au printemps.
Cette saison sera un test non seulement pour l’équipe, mais pour St-Louis en tant qu’entraîneur de la LNH. Peut-il transformer un groupe prometteur en une machine à gagner ?
Peut-il gérer la pression d’un marché unique, tout en gardant ses joueurs concentrés et affamés ? Peut-il survivre à la dure réalité d’une ligue où les entraîneurs sont souvent les premiers sacrifiés ?
Chantal Machabée, la vice-présidente aux communications du Canadien, aura un rôle crucial cette saison pour protéger Martin St-Louis de la tempête médiatique qui guette.
Dans un marché où chaque mot est analysé et amplifié, elle devra contrôler le message avec une précision chirurgicale, filtrer les demandes d’entrevues, encadrer les conférences de presse et éviter que les rumeurs ne prennent feu avant même que la direction ne puisse réagir.
Son mandat sera clair : maintenir l’image d’un entraîneur en plein contrôle, même si la pression monte et que les critiques se font plus cinglantes.
Chantal Machabée ne sera pas seulement la gardienne du message, elle sera le bouclier humain de Martin St-Louis.
Dans un marché où une mauvaise séquence de trois matchs peut faire exploser les lignes ouvertes et inonder les réseaux sociaux de critiques, elle devra ériger un mur entre l’entraîneur et la tempête.
Elle connaît les médias par cœur, leurs angles d’attaque, leurs pièges et leurs titres assassins. Cette saison, chaque point perdu pourrait devenir un procès public, et Machabée devra éteindre les incendies avant qu’ils ne se propagent.
Son expérience et son intelligence émotionnelle feront la différence entre un Martin St-Louis acculé au pied du mur et un Martin St-Louis encore capable de diriger sans suffoquer sous la pression.
Une chose est sûre : à Montréal, l’heure des excuses est terminée.
Et pour Martin St-Louis, l’heure de vérité a sonné.