Patrik Laine n’est pas parfait. Il ne l’a jamais prétendu. Mais vendredi, dans ce qui pourrait bien être sa dernière apparition publique en tant que joueur du Canadien de Montréal, il a fait quelque chose que peu avaient vu venir : il a parlé. Et il a visé juste.
Devant les médias réunis pour le traditionnel bilan de fin de saison à Brossard, Laine s’est levé. Il a répondu à ceux qui, depuis des semaines, l’attaquent comme s’il était une coquille vide. Comme s’il n’était qu’un contrat de 8,7 millions en errance. Comme s’il n’était pas un être humain.
Et parmi ceux qu’il a visés sans les nommer, personne ne doute que Martin McGuire était dans la ligne de mire.
Souvenons-nous : à l’aube du cinquième match de la série contre Washington, McGuire, au micro du 98,5 FM, avait laissé tomber une bombe. Son ton était celui de l’évidence. Son regard, celui du croque-mort.
« Patrik Laine, je pense qu’on l’a vu pour la dernière fois. Il n’a plus sa place ici. »
Une déclaration lourde, brutale, publique. Comme si tout était dit. Comme s’il fallait déjà passer à autre chose.
Cette semaine, la chute a atteint un nouveau palier. Ce qu’on a vu à l’entraînement du Canadien de Montréal selon McGuire, ce n’est plus du désengagement passif. C’est de l’exclusion active.
Patrik Laine, seul dans son coin, les bras croisés, la tête basse, évité par ses coéquipiers comme un indésirable. Même Martin St-Louis, d’ordinaire prompt à mettre l’humain avant le système, a refusé tout contact. Il l’a ignoré. Ouvertement.
La scène a tellement choqué Martin McGuire qu’il n’a pas pu retenir ses mots.
« Il bougonne un peu, il est tout seul dans son coin », a-t-il dit au micro du 98,5 FM, la voix chargée de malaise. Puis cette phrase, poignante :
« Au niveau de son langage corporel, c’est comme si les stores étaient fermés. »
Mais comme si ce n’était pas assez, une nouvelle humiliation a émergé dans les jours suivants. Martin McGuire, toujours lui, a affirmé que Laine était rentré de Washington avec « le genou gros comme sa tête ».
Un mensonge honteux.
Le club a même demandé à ce que l’extrait audio soit retiré du site du 98,5. Une tentative d’effacement. De contrôle de dégâts.
Mais le mal était fait. Et surtout, il trahissait une chose : la fracture totale entre l’organisation et ses diffuseurs. Entre Laine et McGuire. Entre vérité et mensonge.
Dans les faits, c’est bien au doigt que Laine s’est fracturé. Il l’a confirmé lui-même lors du bilan de saison, ajoutant une flèche subtile à ses détracteurs :
« Ce que certaines personnes ne font pas quand elles vous jugent, c’est considérer les circonstances. »
Une réponse à McGuire ? Assurément.
Mais Laine, lui, n’avait pas encore dit son dernier mot.
Quand on lui a demandé de faire le bilan de sa saison, Laine a confirmé qu'il s'était fracturé le doigt lors du 2e match contre les Capitals de Washington.
Il aurait pu esquiver. Il aurait pu sourire poliment, dire que ce sont les séries qui comptent, remercier les partisans et rentrer chez lui. Mais non. Il a tenu à parler. À tout dire. Et dans ses mots, il y avait autant de douleur que de fierté.
« Si on regarde les circonstances — ce que certaines personnes ne font pas quand elles vous jugent — j’ai fait ce que j’avais à faire », a-t-il lâché, dans un mélange de colère et de mépris.
La phrase est lourde de sens. Laine n’a jamais été un joueur comme les autres. Et cette saison, il l’a vécue comme un revenant.
Une année plus tôt, il était au bord de la retraite. Son genou l’avait trahi. Son moral aussi. Il n’avait plus envie. Il n’avait plus de feu. Puis, il a choisi de revenir. Et il a marqué 20 buts en 52 matchs.
Mais au moment où l’équipe avait besoin de lui dans la série contre Washington, son doigt a cédé. Fracture. Silence. Et pendant que TVA Sports et 98,5 FM le détruisaient en ondes, personne ne savait.
Depuis le début, l’aventure de Laine à Montréal a été un déraillement. L’ovation monstre lors de sa présentation au Centre Bell.
Son départ canon : 8 buts en 9 matchs. Puis, les premières critiques. Son langage corporel. Son isolement dans l’avion. Son mutisme sur le banc. Son individualisme sur la glace.
Tout ça est vrai.
Mais tout ça ne dit pas tout.
Car ce que les journalistes n’ont jamais tenté de comprendre, c’est que Laine n’est pas comme les autres. Il ne sourit pas à tout vent. Il ne serre pas des mains dans le vestiaire. Il ne crie pas pour célébrer une mise en échec. Il vit dans sa tête. Il ressent tout… mais il ne montre rien.
Et dans une ville comme Montréal, ça ne pardonne pas.
Le revirement de situation, on le connaît. Match numéro 2. Washington mène 2-1. Il reste moins de deux minutes. Martin St-Louis retire son gardien. Il envoie ses meilleurs éléments. Mais Laine reste sur le banc. Et toute la troisième période, il n’a pas joué une seule seconde.
St-Louis, questionné, a été glacial :
« Ce sont des décisions de coach. Je suis allé avec ceux qui pouvaient nous aider. »
Traduction? Laine ne peut plus aider. Il est rayé. Effacé. Fini.
Dans le studio de TVA Sports, Antoine Roussel et Maxim Lapierre en rajoutaient : « Ça pue au nez. C’est terrible ce qu’on voit. »
Lapierre, plus incisif encore : « J’ai fini de le défendre. Ce qu’il fait sur la glace, ça n’a aucun sens. »
Mais jamais, au grand jamais, ces hommes n’ont présenté leurs excuses lorsque la fracture du doigt a été confirmée. Pas un mot. Pas un mea culpa.
Alors vendredi, dans un calme étonnant, Laine a remis les pendules à l’heure.
« Je peux toujours mieux jouer. Mais je pense avoir retrouvé le plaisir de jouer. »
Une phrase simple. Mais immense.
Il n’a pas crié. Il n’a pas pleuré. Il n’a pas réclamé une réhabilitation publique. Il a juste dit : je suis encore debout. Et je suis fier de ce que j’ai fait.
Son avenir? Il le sait. Le rachat est presque inévitable. Kent Hughes le sait. Martin St-Louis ne veut plus le voir. Le vestiaire ne le comprend plus. Demidov s’en vient, et personne ne veut lui coller Laine dans les pattes.
Alors quoi?
Une transaction? Peu probable, à 8,7 M$. À moins de l’envoyer à Pittsburgh avec Michael Hage, Logan Mailloux et quelques choix pour rapatrier Sidney Crosby. Un rêve. Mais un rêve plausible, dans le grand échiquier de Hughes.
Mais le plus probable, c’est le rachat. Dès le 1er juillet. Un chèque, un adieu, un vide.
Ce qui restera de Laine à Montréal, ce ne sont pas ses buts. Ce ne sont pas ses absences. Ce ne sont même pas ses "réchauffages de banc". Conclusion : Montréal n’a pas enfoncé le joueur. Mais elle a trahi l’homme.
Ce qui restera, c’est un gars qu’on n’a jamais essayé de comprendre. Un gars qu’on a jugé sur des apparences. Un gars dont la main était brisée… mais qu’on a poignardé dans le dos.
Et ça, c’est indigne de Montréal.
Alors, Martin McGuire, TVA Sports, et tous ceux qui ont joué les destructeurs : peut-être qu’un jour, vous reconnaîtrez que Laine méritait mieux. Pas un contrat. Pas un traitement de faveur.
Juste un peu d’humanité.
Parce qu’un doigt cassé, ça guérit.
Mais un cœur trahi? Jamais.