À Montréal, il ne reste plus que quelques semaines avant l’ouverture du camp d’entraînement du Canadien, et déjà, les couteaux sont sortis.
Sur papier, le Tricolore possède l’un des groupes de défenseurs les plus prometteurs de la LNH. Mais dans les faits, cette richesse vire au cauchemar logistique.
Parce qu’il y a trop de gauchers, trop de jeunes, trop de joueurs prêts, mais pas assez de place. Et dans cette foire d’empoigne, un nom revient trop peu souvent : Adam Engstrom.
Tout le monde parle de Jayden Struble. Tout le monde parle d’Arber Xhekaj. Mais Engstrom est le grand oublié de ce duel de colosses, lui qui progresse discrètement, méthodiquement, et qui, selon plusieurs observateurs, pourrait forcer la main de l’organisation plus rapidement qu’on le croit.
Depuis que Jayden Struble a signé son contrat de deux ans d’une valeur moyenne de 1,4125 M$, la pression est montée d’un cran dans l’environnement du Canadien. Struble a évité l’arbitrage, mais l’idée d’y aller n’était qu’un levier stratégique.
« Mon plan n’a jamais été d’aller en arbitrage », a-t-il confié à TSN690.
« C’était une façon de pousser les choses plus rapidement. Je ne voulais pas entendre mon club parler en mal de moi devant un arbitre. »
Puis, sans détour, il a reconnu la brutalité de la compétition actuelle :
« C’est difficile. Tu ne peux pas faire beaucoup d’erreurs quand tu es le premier à sortir de l’alignement. Chaque présence est un peu un do-or-die pour toi. J’essaie de ne pas trop y penser, j’essaie de faire mieux que je peux. J’essaie de jouer librement et me dire que je peux aider l’équipe. »
Ce qu’il ne dit pas, mais que tout le monde comprend, c’est que cette bataille se joue surtout contre Arber Xhekaj, son bon ami, mais aussi son rival direct pour un poste de régulier. Deux gauchers, deux profils robustes, deux gars aimés du public. Mais une seule chaise.
Et pendant que les projecteurs se braquent sur cette rivalité, Adam Engstrom patiente en silence. Mais sa patience pourrait bien être récompensée.
Adam Engstrom, 21 ans, est l’un des projets les plus fascinants du CH. Loin des feux de la rampe, il a épaté à Laval. Il est mobile, intelligent, calme, et il joue déjà comme un vétéran de 26 ans, selon un recruteur de l’Est.
Contrairement à Xhekaj ou Struble, Engstrom ne base pas son jeu sur l’impact physique. Il excelle dans la lecture du jeu, le transport de rondelle et la relance.
Et à une époque où la LNH valorise la vitesse, l’agilité et la prise de décision rapide, Engstrom correspond parfaitement à l’identité que Martin St-Louis tente de construire.
Il ne faut pas sous-estimer à quel point la direction croit en lui. Plusieurs sources affirment qu’Engstrom est vu comme intouchable sur le marché des transactions.
Et au sommet de cette pyramide congestionnée, il y a Mike Matheson, le vétéran respecté, aimé de tous… mais qui, à 31 ans, bloque littéralement l’ascension de la jeunesse.
Tout le monde croyait que Matheson serait échangé cet été. Mais surprise : il serait plutôt en voie de signer une prolongation de contrat à rabais. Il a rencontré Kent Hughes et Jeff Gorton à Buffalo lors du dernier Combine, et le message était clair :
« Tu veux rester à Montréal? Tu vas devoir faire un sacrifice. »
Pas de contrat à long terme. Pas de chèque à 6,5 M$. Pas de passe-droit. Mais Matheson, amoureux de Montréal, serait prêt à tout pour demeurer dans sa ville, quitte à accepter moins que les 4,875 M$ qu’il gagne actuellement.
C’est un geste noble. C’est un geste rare. Mais c’est aussi un geste qui pourrait coûter cher à Arber Xhekaj.
Parce que dans ce scénario, c’est Xhekaj qui devient le joueur de trop. Le gaucher sacrifié. Celui qui n’a jamais eu la pleine confiance de Martin St-Louis, et qui regarde tranquillement la hiérarchie se refermer sur lui : Matheson, Guhle, Hutson, Struble, Engstrom…
Et c'est sans oublier Owen Protz dans le junior.
Repêché en 4e ronde en 2024, Owen Protz monte en flèche. Le défenseur de 6’1”, 214 livres, a l’intensité d’un boxeur et la discipline d’un vétéran. TVA Sports dit qu’il « détient le monopole de la violence lorsqu’il débarque sur la glace ».
Il a participé présentement au camp d’Équipe Canada junior, et ne cache pas son ambition :
« C’est vraiment irréel! Je défends les couleurs du Canada au hockey pour la première fois. Je prône un style de jeu physique et demeurer un arrière fiable. C’est de bloquer des lancers et d’écouler des pénalités. »
En d’autres mots : c’est Xhekaj version 2.0. Mais moins impulsif. Moins pénalisé. Plus dans le moule.
Le département de développement adore son profil. Il est en train de monter. Il a joué avec Florian Xhekaj dans la OHL. Et si on veut faire de la place, qui sera sacrifié?
Xhekaj, c’est l’enfant du peuple. Le shérif du Centre Bell. Celui qui jette les gants pour défendre les siens. Mais depuis un an, son temps de glace diminue. Il est souvent laissé de côté. Et il le sent : quelque chose cloche.
Quand Jayden Struble a signé pour 125 000 $ de plus que lui, ce fut une gifle.
Et pendant que Struble se livre à cœur ouvert dans les médias, Xhekaj reste discret. Mais il pense de plus en plus que son avenir n’est peut-être pas à Montréal.
Il sait que le coach ne l’adore pas. Il se souvient de ces matchs où il a dû regarder ses coéquipiers des gradins. Et il sait que le genre de jeu qu’il propose n’est plus la priorité de l’organisation.
Mais derrière ce chaos contrôlé, il y a un homme qui rit dans son bureau : Kent Hughes.
Le directeur général a réussi un coup de maître. Jayden Struble touche exactement le même pourcentage de la masse salariale qu’Arber Xhekaj au moment de leur signature respective : 1,48 %. Ni plus, ni moins. Tout ça, en donnant l’illusion que Struble a été préféré.
C’est de la manipulation stratégique. C’est un message déguisé à la ligue. Et c’est une manière de gérer les émotions… tout en préparant le terrain pour une transaction éventuelle.
Parce qu’un défenseur doit partir. Et tout indique que ce sera Xhekaj... ou Struble...
Car Adam Engstrom les a déjà tassés.
Le camp d’entraînement 2025-2026 sera brutal. Struble et Xhekaj vont se battre pour un poste. Mais Engstrom pourrait forcer la main. Et si Hughes et Gorton prolongent Matheson, ce qui semble de plus en plus probable, ce sera le signal d’alarme.
Dans un tel scénario, on pourrait voir Xhekaj partir dans un échange impliquant un attaquant de deuxième trio. Le nom de Mason McTavish a circulé. Celui de Anthony Cirelli aussi. Mais peu importe le retour, le départ de Xhekaj ferait mal aux partisans. Très mal.
Et pourtant, ce serait logique. Matheson pour stabiliser la jeunesse. Struble pour son contrat. Engstrom pour le futur. Hutson pour l’élite. Guhle pour le cœur. Protz pour l’intensité.
Et Xhekaj pour la monnaie d’échange.
Ce qui s’en vient à Brossard n’a rien d’un simple camp d’évaluation. Ce sera un champ de bataille, avec des enjeux majeurs pour les carrières de plusieurs jeunes hommes.
Jayden Struble l’a dit :
« Chaque présence est un do-or-die ».
Il sait qu’il joue pour sa carrière. Xhekaj aussi. Et pendant qu’ils s’échangent leur place dans l’alignement, Engstrom avance dans l’ombre, prêt à bondir.
Et Kent Hughes? Il regarde tout ça se dérouler avec calme. Il a tout orchestré. Il a signé tout le monde à bon prix. Il a gardé de la flexibilité. Il n’a pas encore parlé aux médias… mais il va le rappeler quand le moment sera venu : il contrôle la tempête.
Et pendant ce temps, à Montréal, le sablier de Xhekaj et Struble s’écoule. Lentement. Mais sûrement. Vers un point de non-retour.
L'un des deux sera échangé. C'est écrit dans le ciel.