Tristesse pour Ivan Demidov: il lance un cri du coeur

Tristesse pour Ivan Demidov: il lance un cri du coeur

Par Marc-André Dubois le 2025-07-14

L’information ne vient pas d’une fuite malveillante, mais bien d’un compatriote, Bogdan Konyushkov, défenseur du Torpedo de Nijni Novgorod, qui l’a croisé à Montréal en marge du camp de développement du CH.

Dans une entrevue accordée au média russe Sport24, Konyushkov a livré une phrase simple, mais lourde de sens :

« Ivan m’a dit qu’il s’ennuyait de la Russie, mais qu’il avait choisi de s’entraîner ici, au Canada. Je le comprends et je le soutiens. »

Ces mots, remplis de bienveillance, soulèvent néanmoins une question cruciale pour l’organisation du Canadien : comment encadrer, soutenir, protéger ce jeune homme de 19 ans qui porte déjà sur ses épaules les attentes d’une ville, d’une province, et peut-être même d’une franchise qui vise non seulement les séries, mais bientôt le grands honneurs?

Depuis qu’il a été repêché au 5e rang en 2024, Ivan Demidov fait tout correctement. Il a accepté de quitter le SKA de Saint-Pétersbourg plus tôt que prévu. Il a joué des matchs avec le CH en fin de saison. Il est resté à Montréal cet été pour apprendre l’anglais (et le français), s’entraîner avec les préparateurs physiques du club, s’adapter au fuseau horaire, à la culture, au mode de vie. Il ne pouvait pas en faire plus.

Mais derrière ce comportement exemplaire, il y a un être humain. Un jeune homme déraciné. Un adolescent transformé en superstar en l’espace de quelques mois, plongé dans une culture où la langue, la nourriture, les médias, les coéquipiers, les codes sociaux, tout est nouveau.

Et voilà que, pour la première fois, on apprend qu’il a « le mal de son pays ».

Personne ne devrait s’en surprendre. On peut bien vendre Montréal comme une ville francophone, accueillante, culturelle, cosmopolite… pour un jeune Russe qui a grandi dans la structure rigide et nationaliste du SKA, ce n’est pas chez lui.

Ce n’est pas la Russie. Et pour quelqu’un comme Demidov, qui n’a pas encore 20 ans et dont la vie entière s’est déroulée dans l’univers fermé et hypercontrôlé du hockey russe, l’éloignement est forcément brutal.

D’autant plus que dans l’univers des joueurs russes, l’entraide entre compatriotes est une règle d’or. Les Russes aiment se tenir ensemble. S’épauler. Rire dans leur langue. Cuisiner leurs plats. Écouter leurs chansons. Parler de leurs familles. Et à Montréal, Ivan Demidov est seul.

Il est le seul Russe de l’organisation du Canadien de Montréal. Aucun compatriote dans l’alignement. Aucun vétéran pour le guider. Aucun ancien de la KHL pour le conseiller. Aucune figure paternelle dans son cercle de joueurs.

Comment peut-on espérer que Demidov s’épanouisse pleinement sans repère culturel autour de lui? Comment demander à un adolescent de se fondre dans un groupe nord-américain, où l’anglais est roi et où le hockey est pratiqué avec des codes différents, sans même un tuteur naturel à ses côtés?

La question devient stratégique. Et elle relance inévitablement un autre dossier : celui d’Evgeny Kuznetsov.

Rejeté il y a quelques semaines par le Canadien de Montréal, l’ex-centre des Capitals de Washington avait pourtant exprimé, par l’entremise de son agent Shumi Babaev, un vif désir de se joindre à l’équipe.

Il voulait venir à Montréal. Il voulait jouer avec Demidov. Il voyait une dernière occasion de relancer sa carrière et de guider un jeune talent russe dans la jungle nord-américaine.

Mais le Canadien, à l’époque, avait répondu : « il n’y a pas de place ».

Une formule polie pour dire « non merci ». Une réponse diplomatique, certes, mais désormais remise en question à la lumière des aveux de Konyushkov.

Si Demidov souffre de solitude culturelle, n’est-ce pas précisément le momentd’avoir un Kuznetsov à ses côtés? Un grand frère. Un vétéran. Un centre expérimenté pour l’aider à faire ses premiers pas dans la LNH, sur la glace et en dehors?

Oui, Kuznetsov traîne un passé trouble. Oui, il sort d’années difficiles. Oui, son professionnalisme a été remis en cause. Mais il connaît Demidov. Il a joué avec lui au SKA. Et il veut venir. Peut-on vraiment se permettre de rejeter cela?

Sinon, faut-il alors songer à une autre piste?

Evgeni Malkin, par exemple.

Toujours à Pittsburgh malgré les rumeurs, Malkin refuse jusqu’ici de lever sa clause de non-échange. Il veut finir sa carrière avec les Penguins.

Mais que se passerait-il si Sidney Crosby exigeait un échange? Que se passerait-il si Kent Hughes proposait une transaction dans laquelle Malkin viendrait encadrer Demidov et Bolduc sur le 2e trio pour une dernière saison?

Le prodige ne l’a jamais caché : son idole absolue, c’est Evgeni Malkin. Depuis l’enfance, il le regarde avec des étoiles dans les yeux.

Il connaît ses feintes par cœur, il imite ses célébrations, et il l’a même une fois décrit comme « le joueur que je veux devenir, sur la glace et en dehors ».

Pour Demidov, Malkin est un dieu. Il a grandi en revisionnant ses saisons avec Pittsburgh, en collectionnant ses cartes, en recopiant ses gestes pendant les entraînements au SKA.

C’est un attachement sans limite, presque familial. Alors imaginez une seule seconde ce que représenterait, pour lui, la possibilité de partager un vestiaire avec Geno. Le voir enfiler le chandail du Canadien. Le côtoyer au quotidien. Lui parler russe, le rassurer, lui transmettre les codes de la LNH. Ce ne serait pas juste bénéfique pour le développement de Demidov : ce serait une transformation psychologique complète, un déclencheur émotionnel incroyable, et peut-être même la clé de son adaptation réussie en Amérique du Nord.

En ce moment, Demidov est admirablement discipliné. Il s’entraîne. Il s’adapte. Il donne tout ce qu’il a. Mais à long terme, il faudra plus. Il faudra créer autour de lui un cocon. Une stabilité. Une familiarité.

Il faut éviter à tout prix le scénario que tant d’espoirs russes ont vécu : celui du décrochage culturel. Celui où l’isolement devient frustration. Où l’incompréhension se transforme en blessure. Où le mal du pays devient le début d’un retour précipité en KHL.

Ce n’est pas ce qu’on veut pour Ivan Demidov. Et ce n’est pas ce qu’il veut non plus.

Montréal a fait un pari énorme en sélectionnant Demidov au 5e rang. Il faut maintenant sécuriser ce pari. Le soutenir. L’entourer. Le nourrir humainement, pas juste sportivement.

Et si cela passe par l’ajout d’un vétéran russe, qu’il s’appelle Kuznetsov, Malkin ou un autre, alors Kent Hughes devra ravaler sa fierté et revisiter les décisions de juin.

Parce que rien n’est plus dangereux qu’un diamant qu’on laisse seul trop longtemps dans l’ombre.

Maintenant qu’on sait qu’il s’ennuie de la Russie, le Canadien n’a plus le droit de faire semblant que tout va bien.

il faut trouver un compatriote à Demidov... et vite...