La famille Parizeau est furieuse. Et on peut la comprendre.
Depuis quelques semaines, des vagues d’articles, d’analyses et de témoignages viennent soulever une question aussi taboue que douloureuse : et si Jacques Parizeau était en réalité le vrai responsable du départ des Nordiques de Québec?
Poser la question, c'est y répondre. Jacques Parizeau est bel et bien le grand coupable dans cette saga qui brise encore aujourd'hui le coeur du Québec.
Ce n’est pas un chroniqueur marginal ou un polémiste qui le suggère. C’est Marcel Aubut lui-même, ancien président des Nordiques, dans une entrevue à cœur ouvert accordée au Journal de Montréal.
Et c’est Réjean Tremblay, le plus respecté des chroniqueurs sportifs du Québec, qui l’a relayé sur Punching Grace, ce qui nous a donné les larmes aux yeux.
Ce n’est pas une théorie du complot. C’est une conférence téléphonique, un appel désespéré, des mots clairs. Et une porte claquée.
Au moment fatidique de la signature confirmant le départ des Nordiques, Réjean Tremblay a raconté que Marcel Aubut a été pris d’une véritable panique.
Assis dans le bureau, devant les contrats de vente des Nordiques au groupe Comsat, entouré des avocats américains et des conseillers, il ne pouvait plus respirer.
Le cœur comprimé, la gorge nouée, il s’est levé sans un mot, a quitté la pièce, et a composé le numéro du bureau du premier ministre.
«Jean… c’est Marcel. Les contrats sont sur la table. Mais je veux pas les signer. Dis-moi, y a-t-il une chance que M. Parizeau change d’idée?»
La réponse glaciale de Jean Royer, alors chef de cabinet : «Non Marcel, l’affaire est close. Il faut conclure.» Ce fut le point de non-retour. Aubut est retourné dans le bureau, le cœur en miettes, et il a signé.
Ce jour-là, ce n’est pas seulement une franchise qui est morte. C’est un rêve collectif qui a été étouffé. Un symbole identitaire. Une forme de fierté populaire qui faisait du bien à une nation souvent rabaissée. Et dans la foulée, cinq mois plus tard, le Québec disait non à son propre pays.
La famille Parizeau a de quoi être outrée. Mais elle devra faire face à la vérité. L’histoire, aujourd’hui, est réécrite avec des faits, pas avec des mythes.
Ce que Marcel Aubut avait mis sur la table à l’époque était audacieux, mais visionnaire : construire un nouveau Colisée, adjoint à un casino qui permettrait de rembourser les investissements publics.
Une formule novatrice, qui aurait permis au Québec de garder son équipe sans alourdir la dette de l’État. Mais Jacques Parizeau a refusé. Par idéologie? Par prudence politique? Par manque de vision? On ne le saura jamais.
Ce qu’on sait, c’est que Parizeau s’est entêté. Et que son entêtement a coûte les Nordiques.
L’ironie, c’est que ce départ est survenu au moment même où le Québec se préparait à son plus grand rendez-vous historique : le référendum sur la souveraineté.
Comment convaincre les Québécois qu’ils peuvent gérer un pays quand ils ne sont même pas capables de garder une équipe de hockey dans leur capitale?
Le sociologue Luc Dupont l’a très bien dit :
« Le pays s’est perdu en même temps que les Nordiques. » Le vote francophone à Québec pour le Oui n’a même pas atteint 54%. Une aberration dans une ville pourtant au cœur du projet souverainiste.
Pourquoi? Parce que le départ des Nordiques a tué l’espoir. Il a tué la confiance. Il a envoyé un message subliminal : « Vous ne pouvez pas. »
La même année, le CIO a rejeté la candidature de Québec pour les Jeux olympiques de 2002. Et le Non a gagné de justesse.
Le tout sur fond de départ des Expos, d’hôpitaux en ruine, de routes défoncées, d’écoles en décomposition. Le Québec s’est lentement resigné. Et tout a commencé avec le départ des Nordiques.
La famille Parizeau peut bien s’insurger contre cette lecture. Mais les faits sont les faits. Ce n’est pas Gary Bettman qui a refusé d’aider les Nordiques. Ce n’est pas la LNH qui a fermé la porte à Marcel Aubut. C’est Jacques Parizeau. Ce sont ses mots. « L’affaire est close. »
Aujourd’hui encore, certaines personnes veulent refaire l’histoire. On cherche à blâmer Bettman, Geoff Molson, les Anglo-Montréalais, les élites fédéralistes.
Mais la vérité, c’est que c’est le Parti Québécois qui a laissé partir les Nordiques. Avec un maire souverainiste, Jean-Paul L’Allier, et un premier ministre indépendantiste, Jacques Parizeau, on aurait pu s’attendre à un geste fort. Il n’est jamais venu.
Marcel Aubut, lui, a tout essayé. Il a même utilisé Charlie Lyons comme épouvantail. Il lui a dit dès le début :
« Tu n’auras jamais mon club. Je vais me servir de toi pour faire bouger mon monde. » Et il croyait réellement que Parizeau finirait par plier. Il s’est trompé. Il a attendu. Il a appelé. Il a été rejeté.
Le message envoyé aux Québécois, ce jour-là, était terrible. Il disait : « Votre ville ne mérite pas une équipe de la LNH. » Il disait : « Vous êtes un marché secondaire. » Il disait : « On ne veut pas de vous. »
Et ce message a eu des conséquences réelles. Quand les gens de Québec sont allés voter en octobre, ils avaient déjà un goût amer dans la bouche. Ils venaient de perdre leur fierté. Leur identité sportive. Leur symbole.
Réjean Tremblay l’a dit avec émotion. Le jour où les Nordiques sont partis, le pays est mort avec eux. Les mots du plus grand journaliste sportif de l'histoire du Québec nous a donné froid dans le dos:
"Les Nordiques ont quitté. Les Expos allaient les suivre. Le Québec a vécu l’épouvantable scandale des commandites, les hôpitaux en décrépitude, les infrastructures dégradées, les rues pleines de trous, les écoles en ruines, le système de Justice débordé et inefficace. Quand un peuple a peur…"
Trente ans plus tard, il est temps d’arrêter de mentir. Ce n’est pas Gary Bettman qui est responsable. C’est Jacques Parizeau. Et s’il était encore en vie, peut-être aurait-il le courage de le reconnaître.
La famille Parizeau, aujourd’hui, voit rouge. Mais elle devrait plutôt faire preuve de lucidité. Le peuple québécois a le droit de connaître la vérité. Et cette vérité, aussi brutale soit-elle, est essentielle pour comprendre pourquoi le Québec a cessé de rêver.
Le 25 mai 1995, on a perdu bien plus qu’une équipe. On a perdu un pays.
Aujourd’hui, avec le recul, les chiffres donnent froid dans le dos. Marcel Aubut demandait entre 125 et 200 millions de dollars au gouvernement pour garder les Nordiques à Québec. Une somme considérable pour l’époque, certes, mais qui aurait pu tout changer.
Plutôt que de saisir cette opportunité, Jacques Parizeau et son entourage ont jugé ces demandes « ahurissantes ». Résultat? L’équipe a été vendue pour 75 millions de dollars américains à Comcast.
Et maintenant?
La franchise, devenue l’Avalanche du Colorado, vaut aujourd’hui 1,6 milliard de dollars. Une évaluation qui fait mal. Une évaluation qui expose crûment l’aveuglement de nos dirigeants. Le manque de vision du gouvernement de l’époque a non seulement privé Québec d’un fleuron identitaire, mais a aussi coûté une fortune en valeur économique et symbolique.
Ce n’est pas seulement une équipe que nous avons perdue. C’est un patrimoine. Une culture. Un levier politique. Un rêve.
Pendant qu’à Québec on discute encore du troisième lien, du tramway ou du Centre Vidéotron vide, Denver, elle, récolte les fruits de notre abandon collectif. À trop vouloir gérer les passions avec des calculs à court terme, on finit par hypothéquer l’âme d’une ville.
Et trente ans plus tard, les chiffres ne mentent pas. Le désastre est total. Et la famille Parizeau, aussi furieuse soit-elle aujourd’hui, devra un jour faire face à l’évidence : l’erreur historique porte leur nom.