La fin d’une ère: TVA Sports tranche pour Michel Bergeron et Félix Séguin

La fin d’une ère: TVA Sports tranche pour Michel Bergeron et Félix Séguin

Par David Garel le 2025-10-08

À quelques heures de la première mise au jeu de la saison du Canadien de Montréal, TVA Sports a envoyé un message clair à ses détracteurs : malgré les années, malgré les critiques, malgré les malaises devenus viraux, le réseau assume ses figures médiatiques historiques.

Michel Bergeron a effectué sa première apparition de la saison en studio.

Félix Séguin, lui, a repris son micro malgré une année 2024-2025 marquée par des bourdes répétées et une exposition publique impitoyable.

Deux destins qui s’entrecroisent dans une chaîne en sursis, à l’heure où le monde médiatique sportif québécois change sous leurs yeux.

Michel Bergeron aura 80 ans au printemps prochain. Dans l’entretien qu’il a accordé récemment au Journal de Montréal, il a ouvert la porte à ce que cette saison soit sa dernière.

Ce n’est pas une simple déclaration. Depuis plus de quatre décennies, il est l’une des voix les plus reconnaissables du paysage hockey au Québec.

D’abord entraîneur flamboyant des Nordiques, ensuite figure médiatique incontournable, il a façonné sa légende dans l’énergie, la controverse et la démesure.

Or, lundi soir, lorsqu’il a pris la parole à TVA Sports pour la première émission de la saison, c’est un homme marqué par le temps qu’on a vu. Fatigué. Vieilli. Lucide. Mais toujours là.

Ce retour en ondes prend des allures de tour d’honneur. Bergeron sait que la fin approche. Ses proches lui répètent depuis des mois qu’il devrait quitter pendant que l’image est encore forte.

Ses enfants eux-mêmes l’ont exhorté à lâcher prise. Mais il s’accroche. Parce que le hockey est sa vie. Parce que la caméra est devenue son oxygène. Parce que, au fond, il redoute le silence qui viendra après.

Et TVA Sports, loin de l’écarter, lui donne encore une place centrale. Non pas par aveuglement, mais par fidélité et par calcul : Bergeron, qu’on l’aime ou qu’on le déteste, attire encore l’attention.

Son cas illustre mieux que tout la tension dans laquelle TVA Sports évolue. Le réseau sait qu’il perdra très probablement les droits de diffusion de la LNH en 2026.

Il sait aussi qu’il n’a pas les moyens financiers de RDS ni la profondeur de personnel pour réinventer son offre. Alors il capitalise sur ses figures familières, même lorsqu’elles sont enfoncées par la critique.

Bergeron a beau être régulièrement accusé de ressasser le passé, notamment ses éternelles références aux Nordiques et à Peter Stastny, TVA Sports n’a pas cherché à le transformer. Elle l’expose tel quel, comme une légende vieillissante qu’on regarde avec une forme de fascination mêlée de malaise.

Cette posture assumée se reflète aussi dans le cas de Félix Séguin. Au cœur d’un été médiatique particulièrement brutal, où ses jeux de mots douteux au tennis et ses descriptions parfois forcées sont devenus des mèmes viraux, il aurait pu reculer.

Il ne l’a pas fait. TVA non plus. Le réseau l’a remis au micro pour la saison de hockey et continue de lui confier d’importants mandats de diffusion.

Dans une industrie en pénurie de talents, où RDS verrouille ses piliers historiques (Pierre Houde et Marc Denis), TVA n’a pas vraiment d’alternative. Séguin reste en poste, envers et contre tous.

Ce choix a une portée symbolique. Félix Séguin traîne depuis dix ans une image de successeur raté de Pierre Houde.

Dès son arrivée à TVA Sports en 2014, il a été comparé au descripteur mythique de RDS, une comparaison qu’il n’a jamais pu effacer.

À chaque phrase prononcée, à chaque moment fort, le public entendait l’écho d’un autre. Et plutôt que d’être accepté pour ce qu’il était, Séguin est devenu le punching bag d’un auditoire impitoyable.

Cet été, son commentaire malheureux sur Victoria Mboko (« Victoria, on t’aime Mboko (beaucoup) ») a suffi pour déclencher une tempête numérique.

Des extraits moqueurs ont circulé partout. Ses erreurs techniques, liées à une mise en onde déficiente sur LCN, ont été détournées comme si elles étaient de sa faute.

Même lorsqu’il s’agissait simplement d’un problème de téléphone ou d’un délai satellite, le public lui tombait dessus avec une jubilation presque cruelle.

Ce climat d’acharnement ne date pas d’hier. Félix Séguin a confié dans plusieurs entrevues la lourdeur de cette pression : l’angoisse d’ouvrir son téléphone au lendemain d’un match, la peur d’une énième tempête de moqueries, la conscience d’être jugé à chaque syllabe.

Cette tension psychologique, il la porte depuis des années. Elle a fini par façonner son rapport au métier. Il sait qu’il ne sera jamais aimé comme Houde. Il sait aussi que chaque erreur, même minime, prend une ampleur démesurée lorsqu’elle est associée à son nom.

Et pourtant, il continue. C’est là qu’il rejoint Michel Bergeron. Deux hommes que tout oppose en âge et en style, mais qui partagent une même résilience : celle de ne pas fuir le regard public malgré la sévérité de la critique.

TVA Sports, en maintenant ces deux figures à l’avant-scène, assume pleinement sa stratégie : miser sur des visages connus pour traverser la tempête, même au prix de nourrir les controverses.

Le réseau est conscient que le public le critique. Il est aussi conscient qu’il parle encore de lui. Dans une ère où la moindre erreur devient virale, Bergeron et Séguin sont devenus des aimants à attention. TVA en profite, faute de mieux.

Il faut aussi comprendre le contexte industriel. TVA Sports traverse une période de déclin d'entreprise. La perte annoncée des droits de la LNH en 2026 mettra fin à une ère entamée en 2014, lorsque Québecor avait arraché à RDS une partie du contrat national.

Depuis, le réseau n’a jamais vraiment réussi à se construire une identité propre. Ses équipes de description ont été constamment comparées à celles de RDS. Ses figures les plus polarisantes ont été scrutées, ridiculisées, taillée en pièce sur les réseaux sociaux.

L’été 2025, avec les bourdes autour de Mboko et l’entrevue ratée de Michel Godbout, a encore accentué cette spirale de moqueries. Sur TikTok et X, TVA Sports est devenue une marque dont on se moque avant même d’écouter.

Dans ce paysage abîmé, la persistance de Bergeron et Séguin relève presque d’un acte de défi.

Michel Bergeron, malgré ses problèmes de santé, malgré ses regrets personnels accumulés, revient en studio comme on revient sur une patinoire une dernière fois : par amour du jeu, par refus de céder, par instinct de survie médiatique.

Félix Séguin, malgré les attaques "non-stop", reprend le micro comme un boxeur amoché qui refuse de jeter la serviette.

TVA Sports, de son côté, les garde en première ligne, consciente que leur simple présence crée de la discussion, donc de la visibilité.

Le public, lui, est partagé entre ras-le-bol et fascination.

Tanné devant les répétitions de Bergeron, devant les maladresses de Séguin, devant une chaîne qui semble figée dans une autre époque.

Fasciné parce que ces deux personnages incarnent, chacun à leur manière, une vérité humaine : vieillir sous les projecteurs, se tromper en direct, encaisser sans fuir. Ce sont des figures imparfaites dans une époque où la moindre imperfection devient virale.

Dans quelques mois, Bergeron soufflera ses 80 bougies. Ce sera sans doute l’heure de la retraite. Pour Séguin, l’avenir est plus incertain : sans hockey à TVA Sports, il devra se réinventer ou s’effacer. À moins que Pierre-Karl Péladeau arrive à grapiller quelques matchs... pour garder la station sur le respirateur artificiel.

Mais pour le réseau, cette saison 2025-2026 ressemble à une dernière danse.

Et pour le public québécois, ce sera une nouvelle saison à observer, critiquer, commenter… tout en continuant à regarder...

Après tout, un cirque est toujours divertissant à épier...