C’est un chef-d’œuvre contractuel. Une opération chirurgicale, un coup de génie administratif, une démonstration éclatante de la supériorité stratégique de Kent Hughes.
Le directeur général du Canadien de Montréal, qui fut jadis un agent rusé et respecté dans la LNH, vient de livrer un véritable tour de force en signant Ivan Demidov, son prodige russe tant attendu, à un contrat d’entrée « unique » selon les mots mêmes du spécialiste Hart Levine, fondateur de PuckPedia.
Mais ce contrat ne se limite pas à une simple entente de trois ans. C’est une partition parfaitement orchestrée, avec des bonus habilement balisés, des limites stratégiques, des concessions calculées, et une lecture fine des risques à long terme.
Le résultat : un contrat structuré pour protéger la masse salariale du Canadien, tout en laissant à Demidov une perspective de croissance financière… conditionnelle à des performances dignes de sa réputation.
À première vue, le contrat d’Ivan Demidov pourrait paraître standard : trois ans, salaire de base de recrue. Mais en réalité, rien n’a été laissé au hasard.
Dès que Demidov a été libéré par le SKA de Saint-Pétersbourg, Hughes a foncé. Il a agi vite, avec précision, mais surtout, avec un plan clair en tête.
Le DG savait que la première année du contrat serait automatiquement brûlée en raison de l’arrivée tardive du joueur à Montréal. Il ne voulait surtout pas que cette année coûte une fortune en bonus inutiles.
Alors, que fait-il? Il négocie un contrat avec des clauses rares, voire inusitées. Un boni de 550 000 $ est accordé à Demidov… s’il remporte le trophée Conn-Smythe remis au joueur par excellence des séries éliminatoires.
Une récompense qui n’a été offerte qu’à une poignée de recrues dans l’histoire. Résultat : un « petit bonbon » qui fait bonne figure sur le contrat, sans réellement représenter un risque comptable pour la direction.
Plus encore, deux autres bonis totalisant 55 000 $ sont prévus si Demidov dispute cinq matchs de séries… puis cinq autres. Symboliques, ces bonus permettent à l’agent Dan Milstein de sauver la face, tout en préservant la structure salariale du CH.
Mais c’est dans les années 2 et 3 que l’on voit tout le génie de Kent Hughes. Pour la deuxième année du contrat, Demidov a droit aux bonis maximaux de type A (850 000 $), mais ses bonis de type B, ceux qui peuvent grimper jusqu’à 2 millions $, sont plafonnés à… 1 million.
Et pour la troisième année? Même chose… mais avec une subtilité de taille : les bonis de type B sont autorisés jusqu’à 2 millions $, mais à condition que la somme totale des bonis de type B sur les années 2 et 3 ne dépasse pas 2,5 millions $.
C’est ce qu’on appelle une police d’assurance salariale. En termes clairs : si Demidov explose au point de mériter tous ses bonis, il sera récompensé, mais le CH n’aura pas à assumer une explosion incontrôlable sur sa masse salariale en raison des fameuses pénalités de dépassement liées aux bonis de performance.
Comme le souligne Hart Levine : « Les Canadiens ont fait la même chose avec Lane Hutson, Jacob Fowler… et maintenant avec Demidov. D’autres équipes le font, mais pas aussi souvent que Montréal. »
Là où Dan Milstein peut se péter les bretelles, c’est avec la valeur annuelle moyenne du contrat : 2,63 millions $. Un chiffre respectable, qui positionne bien Demidov dans le paysage des jeunes recrues.
Mais la beauté du contrat réside dans l’illusion. Cette moyenne inclut des bonus qui, pour certains, sont conditionnels à des exploits héroïques ou à une constance difficile à atteindre pour un joueur de 19 ans.
Kent Hughes a donc offert un contrat qui fait briller l’agent… sans jamais perdre le contrôle. C’est un équilibre rare, une victoire des deux côtés de la table.
Dans une rare déclaration publique sur un contrat, Hughes a affirmé :
« Il dispute un ou deux matchs avant le début des séries éliminatoires, si nous sommes en mesure d’y accéder. Nous allons voir comment il s’intègre. »
Puis, interrogé sur la bureaucratie entourant l’arrivée du jeune Russe à Montréal, il a précisé :
« Dès qu’il aura son permis de travail, il sera ici dans les plus brefs délais. »
Des mots simples, mais lourds de sens. Hughes ne vend pas la peau de l’ours. Il garde le cap. Il protège son équipe. Il prépare son joueur.
En moins d’un an, Kent Hughes a signé Lane Hutson, Jacob Fowler et Ivan Demidov à des contrats d’entrée exemplaires.
Il a structuré ces ententes pour éviter les pièges de la masse salariale. Il a refusé de céder à la pression médiatique ou aux appels d’offres déraisonnables. Il a pris des décisions intelligentes, précises, chirurgicales. Et surtout : il a gagné.
Dans le cas Demidov, c’est une victoire totale. Après un an de tension avec le SKA, après des mois d’inquiétude à propos de sa libération, après un passage houleux dans les gradins et des blessures évitées de justesse, voilà que le joyau de l’organisation est enfin libre… et sous contrat.
Demidov ne disputera que quelques matchs en fin de saison, si le CH atteint les séries. Mais l’essentiel est ailleurs : il est maintenant un membre à part entière de l’organisation.
Et dès la saison prochaine, il pourra s’implanter de manière durable dans le top 6. Plusieurs le voient déjà aux côtés de Suzuki et Caufield.
Mais en coulisses, l’arrivée du jeune prodige a été pilotée par un Kent Hughes plus stratégique que jamais. Hughes ne voulait pas brûler une année du contrat pour rien.
Il ne voulait pas se retrouver à payer 10, 11 ou 12 millions $ dans trois ans, comme ce sera sans doute le cas pour Lane Hutson. Le DG a joué à l’agent… et il a gagné.
Dans une LNH obsédée par les chiffres, les marges, les projections et les échéances, Kent Hughes vient de livrer une œuvre d’art contractuelle.
Il n’a pas simplement signé Ivan Demidov. Il a signé un message. Un avertissement aux autres DG. Une déclaration d’intelligence et de contrôle. Une promesse à ses partisans : Montréal est entre bonnes mains.
Et lorsque Demidov, ce diamant brut venu de Russie, fera sa première sortie dans l’uniforme bleu-blanc-rouge, ce sera bien plus qu’un moment sportif.
Ce sera le fruit d’un travail minutieux, le sommet d’une patience redoutable, et la consécration d’un homme qui mérite désormais un seul titre :
Directeur général de l’année.