Il y a des silences qui en disent long.
Depuis vendredi, les projecteurs du Centre Bell sont braqués sur un seul et même constat : Ivan Demidov, la nouvelle sensation russe, ne sera pas sur la première unité d’avantage numérique pour commencer la série contre les Capitals de Washington.
Et pourtant, le gars crève littéralement l’écran depuis deux matchs. Chaque fois qu’il touche à la rondelle, il crée une menace.
Chaque fois qu’il entre en zone offensive, on a l’impression que la patinoire s’incline vers le filet adverse. Ce genre de joueur qu’on attend depuis 30 ans à Montréal.
Et là, alors que le CH a marqué un seul but en neuf matchs d’avril en avantage numérique, Martin St-Louis décide de le laisser sur la deuxième unité. Pourquoi ?
Parce que Demidov est populaire. Trop populaire. Parce qu’il attire les caméras, les yeux, les discussions. Et parce qu’au sein du vestiaire, certains n’apprécient pas de voir un gamin de 19 ans voler la vedette. À commencer, peut-être, par ceux qu’il menace de déloger.
Martin St-Louis a beau nier, le malaise est évident.
Quand on lui demande ce qu’il a observé de Demidov lors des deux matchs disputés, il dit : « Tu vois ses touches, ses changements de direction… c’est très, très dynamique. Je savais qu’il avait ça, mais pas à ce niveau-là. »
Il ajoute cependant, en guise de réserve : « Une fois qu’on est dans notre zone, il est correct. C’est la transition entre les zones qui reste à travailler. »
Une critique douce, mais assez claire pour justifier son absence de la première unité. Le véto semble venir d’en haut, ou du moins, du coeur du vestiaire.
Car pendant ce temps, Juraj Slavkovsky, auteur d’un seul but en avantage numérique depuis deux mois, conserve sa place sur la première vague.
Cole Caufield, en panne sèche. Patrick Laine, invisible depuis trois semaines. Et pourtant, on garde le même quintette.
Suzuki à droite. Laine à gauche. Caufield en bumper. Slavkovsky bas. Hutson à la pointe.
Pendant que Demidov se retrouve avec Gallagher, Newhook, Matheson et Suzuki sur la deuxième vague.
Une vague qui, selon Suzuki lui-même, « a plus d’un mindset d’attaque ». Alors que la première, toujours selon lui, « parle beaucoup, essaie des choses, mais doit être meilleure. »
Nick Suzuki, en bon capitaine, essaie de tempérer.
Mais entre les lignes, on comprend que lui aussi commence à s’impatienter. « Les unités spéciales gagnent les matchs en séries », dit-il. «
Et on n’a pas été les meilleurs récemment en powerplay. »
Pas besoin de dessin. Quand t’as un joueur comme Demidov dans ton alignement, tu dois le mettre en position de réussir. Et ce joueur-là, il a besoin d’espace. Il a besoin de rondelle. Il a besoin de jouer avec les meilleurs.
Mais à Montréal, on aime mieux protéger les sensibilités. On ne veut pas vexer. On ne veut pas bousculer. Et surtout, on ne veut pas « faire paraître mal » des anciens choix de premier tour.
Alors Martin St-Louis s’entête. Il garde ses trios. Il garde ses unités. Et il espère que la magie va revenir.
Mais la magie, ce n’est pas quelque chose qui revient parce qu’on le souhaite. La magie revient quand tu mets les bons joueurs aux bonnes places.
Et là, Martin, t’as ton joueur magique.
Il s’appelle Ivan Demidov.
T’attends quoi ?
« Il faut que les cinq gars fassent leur part », a dit St-Louis. « Et ce n’est pas toujours le même gars qui va tirer. »
Parfait.
Alors donne la rondelle à Demidov. Et regarde ce qui se passe.
Parce que sinon, ce que tu vas voir, c’est Washington mener la série 2-0 avant même que t’aies osé essayer quelque chose de nouveau.
Et là, il sera trop tard.
Et si certains doutaient encore que cette décision de laisser Ivan Demidov sur la deuxième unité d’avantage numérique allait passer comme une lettre à la poste, ils n’ont clairement pas ouvert X (Twitter) depuis vendredi.
Car la réaction des partisans a été immédiate, brutale, et sans filtre.
« C’est quoi le plan ? Le cacher du scouting ? »
« Martin veut pas froisser Slaf, alors il punit Demidov. Pathétique. »
« T’as un diamant entre les mains et tu l’envoies faire des tirs de punition en 2e vague avec Gallagher… wow. »
Et ce ne sont pas que des comptes anonymes.
Plusieurs analystes sérieux ont commencé à remettre en question la gestion du vestiaire par Martin St-Louis.
Pas sur la base de ses connaissances — il n’y a aucun doute que Martin connaît son hockey — mais plutôt sur sa tendance à vouloir ménager les égos, au point de sacrifier l’efficacité.
Car c’est bien de ça qu’il s’agit : de l’efficacité.
Depuis qu’on sait que le CH affrontera les Capitals, tout le monde s’accorde à dire que l’avantage numérique sera déterminant.
Washington n’est plus ce qu’elle était, mais l’équipe a encore de gros canons comme Ovechkin et Carlson qui peuvent te faire payer à la moindre faute.
Et nous? On arrive avec une première unité qui n’a marqué qu’un seul but en avantage numérique au mois d’avril.
Un. Seul. But.
Mais malgré ça, Martin refuse de donner sa chance à Demidov sur cette première unité. Et pourquoi? Parce qu’il sait très bien ce que ça voudrait dire politiquement : déloger Juraj Slafkovský.
Celui-là même à qui Kent Hughes a offert une prolongation de contrat de plus de 60 millions.
Mais là, on va se dire les vraies affaires : Slaf ne produit plus depuis un mois. Il semble fatigué, son exécution est lente, et sa prise de décision est douteuse en zone offensive. Ce n’est pas un crime. Il est jeune. Il va rebondir.
Mais si tu es coach dans la LNH, tu n’as pas le luxe de distribuer des minutes sur la base des émotions. Tu dois jouer les cartes qui vont te faire gagner.
Et là, ton as, c’est Demidov.
Ce qu’on reproche à Martin, ce n’est pas d’être prudent. C’est d’être en train de saboter l’élan d’un prodige pour ne pas déranger une hiérarchie qui, franchement, ne devrait pas exister.
Parce que dans le vestiaire, tout le monde a vu ce que Demidov a montré à l’entraînement.
Et les vétérans le savent : si le kid avait un autre nom et qu’il portait un autre chandail, il serait déjà en train d’orchestrer la première unité.
Mais à Montréal, on marche encore sur des œufs.
Parce qu’on ne veut pas froisser les anciens. Parce qu’on veut faire ça à la bonne franquette.
Mais le hockey, ce n’est pas une réunion de famille. C’est une guerre. Et en séries, tu dois envoyer tes meilleurs soldats au front.
Et pour une fois, Montréal en a un. Un vrai. Ivan Demidov.
Le gars a fait peur aux Capitals dès son premier match dans la LNH, avec des entrées de zone comme on n’en a pas vues depuis… peut-être Alex Kovalev.
Et tu veux me dire que ce gars-là va attendre son tour, pendant qu’on essaie encore de réveiller un Patrick Laine qui dort debout?
Non. Assez. Assez des excuses. Assez de la prudence. Assez du politiquement correct.
Martin St-Louis est un coach adoré. Respecté. Inspirant.
Mais s’il continue à faire passer la diplomatie avant la production, il va finir par se retrouver dans une situation où il devra rendre des comptes non seulement aux médias… mais à ses propres joueurs.
Parce que dans le vestiaire aussi, on voit qui est prêt et qui ne l’est pas.
Et pour l’instant, Demidov est prêt. Slaf ne l’est pas.
Le reste, c’est du bruit.
AMEN