On peut reprocher bien des choses à Patrick Roy; sa rigidité, son impulsivité, ses mots durs. Mais on ne peut pas lui enlever ça : il a du flair pour les Québécois qu’on a trop vite crucifiés.
Et dans le cas de Drouin, il ne s’agissait pas d’un pari statistique, mais d’un engagement affectif. Roy a toujours suivi de près la trajectoire de Drouin. Il savait à quel point ce joueur avait été bousillé par la machine montréalaise, puis oublié à la moindre baisse de régime au Colorado. On le ballottait de trio en trio, alors qu'il avait signé là-bas pour jouer avec son chum Nathan MacKinnon.
Alors, quand est venu le temps de bâtir un projet offensif à Long Island, Roy a fait plus que recommander Drouin. Il l’a placé au centre du plan.
Il a convaincu Mathieu Darche de lui donner un contrat de deux ans, 8 millions au total, avec un message clair :
« Je crois en toi. Et je vais te le montrer. »
Premier trio. Première vague d’avantage numérique. Utilisation moyenne de 17:46 par match. Tout, absolument tout, indique que Roy considère Drouin comme un joueur d’élite.
Et c’est là que réside la beauté de cette histoire : ce n’est pas seulement un coach qui relance un joueur. C’est un homme qui rend à un autre sa dignité.
Jonathan Drouin revient de si loin qu’on oublie parfois tout ce qu’il a dû encaisser avant de renaître à Long Island.
Au Colorado, il avait enfin trouvé un refuge après des années de tourmente à Montréal ( les blessures, l’anxiété, les rumeurs toxiques), l’humiliation publique du banc complet sous Martin St‑Louis, les jugements constants, la pression suffocante d’un marché qui l’avait transformé en cible plutôt qu’en être humain.
Avec l’Avalanche, il avait retrouvé son ami Nathan MacKinnon, il avait retrouvé son sourire, et il avait même accepté un contrat à rabais, un an à 2,5 millions, refusant des offres de quatre ans pour rester dans un environnement où il se sentait enfin respecté.
Mais en séries, tout s’est effondré : rétrogradé du premier trio, écarté de l’avantage numérique, invisible contre Dallas, filmé sur le banc avec le regard vide d’un joueur brisé, il a compris dans un silence brutal que sa “famille de hockey” venait de l’abandonner.
Ll a quitté le Colorado avec le cœur en mille morceaux.
Ce n’est qu’après cette trahison, alors que toute la ligue murmurait qu’il était fini, que Patrick Roy a tendu la main. Et c’est pour ça que son retour en force aujourd’hui n’est pas une surprise : c’est la revanche d’un joueur que tout le monde avait enterré trop tôt, sauf un homme... et cet homme s’appelle Patrick Roy.
Ce que fait Drouin cette saison ne devrait surprendre personne. Car l’ancien du CH n’a jamais manqué de talent. Il a manqué d’espace. Il a manqué de foi autour de lui.
Le Québécois aurait pu signer pour plus. Des offres à 4 ans à 5 M$/an, il en avait. Chicago. Columbus. Même Edmonton. Mais il a choisi Patrick Roy. Il a choisi la structure, la compréhension, la stabilité.
Il a choisi la main tendue plutôt que le plus offrant. Et aujourd’hui, il est en train de prouver à tous qu’il avait raison de miser sur un homme plutôt que sur un chèque.
Ses passes sont chirurgicales. Son tempo ralentit le jeu. Il est en feu avec Mathew Barzal et Simon Holmstrom. Et sur la première unité d'avantage numérique avec Bo Horvat, Kyle Palmieri, Matthew Schaefer et Barzal, il fait tout simplement de la magie.
Et les journalistes de Long Island, d’abord sceptiques, commencent à le dire à voix haute : ce gars-là est peut-être un génie du hockey qu’on avait juste oublié.
Ce que Roy répète à qui veut l’entendre :
« Drouin est un des joueurs les plus talentueux de la LNH. » Et c’est là que le message devient presque politique. Parce que ce n’est pas simplement une histoire de performance.
C’est une déclaration contre les déctracteurs du Québcois. Contre ceux qui ne croient plus aux deuxièmes chances.
Drouin joue aujourd’hui comme un homme libre. Et Roy dirige comme un coach qui veut donner du sens à ses décisions. Ensemble, ils forment une alliance rare dans la LNH moderne : celle d’un entraîneur qui ne regarde pas le passé, et d’un joueur qui n’a plus peur de l’avenir.
La suite?
À ce rythme, Jonathan Drouin pourrait connaître la meilleure saison de sa carrière. Et s’il franchit la barre des 60 points, si les Islanders entrent en séries, il deviendra l’un des plus beaux coups du marché des agents libres 2025.
Mais au-delà des chiffres, ce qu’on retiendra, c’est la chaleur de cette histoire. Un Québécois rejeté, recueilli par deux dirigeants québécois. Un vestiaire froid transformé en refuge. Une flamme ravivée, alors que Patrick Roy lui a remis sa passion du hockey entre les mains.
Dans une ligue qui adore les histoires dignes d'Hollywood, de force et de domination, celle-ci est différente. C’est celle d’un gars doux, talentueux, trop souvent jugé, qui retrouve sa place.
C’est celle d’un coach à fleur de peau, qui sait encore voir ce que les autres refusent de regarder. C’est celle d’un pacte entre deux hommes qui avaient encore quelque chose à prouver.
Et cette fois, c’est nous qui sommes bluffés. Bravo Jonathan. Bravo Patrick. Bravo à Mathieu Darche.
Des Québécois qui nous rendent fiers. On ne voit pas ça tous les jours.
