Lane Hutson le savait.
Il savait, dès la signature de son contrat de huit ans à Montréal, qu’il acceptait un rabais monstre. Il savait que ce qu’il signait, ce n’était pas le reflet réel de sa valeur sur le marché, mais plutôt le prix d’un engagement à long terme envers une organisation qui voulait le verrouiller avant qu’il explose.
Mais il ne pouvait pas prévoir à quel point ce serait flagrant.
Parce que depuis la signature de Thomas Harley à Dallas qui vient d'être confirmée, huit ans pour 84,7 millions de dollars, soit une moyenne annuelle de 10,587 millions, il n’y a plus aucun doute possible : Lane Hutson s’est fait avoir. Pas un peu. Pas à peu près.
Deux trajectoires, un joueur qui a accepté un rabais maison, l'autre qui a fait sauter la banque... dans un état (Texas) pratiquement pas taxé.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Harley, 24 ans, sort d’une saison de 50 points en 78 matchs avec les Stars. Il joue 23 minutes par soir, a participé au tournoi des 4 Nations, et s’impose tranquillement comme un monstre défensif, non seulement à Dallas, mais surtout dans la LNH au grand complet.
Mais sur le plan offensif pur, il est en deçà de Lane Hutson. À seulement 21 ans, le défenseur du Canadien est déjà un moteur de jeu élite. Il est plus dynamique, plus créatif, plus audacieux, et il possède cette touche offensive qu’on ne peut pas enseigner.
À cinq contre cinq, il génère plus de chances de marquer que n’importe quel autre défenseur du CH depuis P.K. Subban.
Et selon les données avancées compilées par Sportlogiq, Hutson figure déjà au 12e rang de toute la LNH pour les batailles gagnées pour la rondelle. C’est un chiffre qui en dit long sur son évolution. Il n’est plus simplement un artiste offensif ; il est devenu un défenseur complet.
Pourtant, quand on compare les deux contrats, la différence est horrible pour l'agent de Hutson,
Quand on regarde les chiffres froidement, le coup reste dur à encaisser. Harley vient de signer un contrat de 8 ans (10,587 M$/an), alors que Hutson, pourtant plus jeune, plus dynamique offensivement, et déjà en avance sur son développement, a accepté un contrat de 70,8 millions sur 8 ans (8,85 M$/an).
L’écart de 1,737 million par saison, multiplié sur huit ans, représente 13,9 millions laissés sur la table. Et quand on sait que Harley n’a jamais dépassé les 50 points en carrière alors qu’Hutson est déjà perçu comme un quart-arrière de premier plan en avantage numérique, ça laisse un goût amer.
Le surnom « Wayne Hutson » attribué à Lane par ses coéquipiers, prend tout son sens, mais son contrat, lui, ressemble à une aubaine XXL pour le CH.
Le Canadien de Montréal s’est offert une véritable aubaine.
C’est un chef-d’œuvre administratif de Kent Hughes. Une œuvre comptable que d’autres directeurs généraux regardent avec un mélange d’admiration et d’envie.
Mais l'association des joueurs (NHLPA) et le monde des agents est toujours aussi en furie contre Lane Hutson et son agence, Quartexx Management.
Mais pour le joueur, c’est une autre histoire.
Hutson aurait pu autour de 10 à 11 millions de dollars par année selon la NHLPA.
Et tout ça à cause d’un timing calculé : le CH l’a signé à rabais pour plusieurs raisons.
D’abord, la pression était énorme. Le vestiaire du CH repose sur une dynamique salariale très serrée où chacun, sans exception, a accepté de faire sa part.
Cole Caufield a signé en dessous de sa valeur réelle. Juraj Slafkovský, pourtant premier choix au total, a lui aussi consenti à une entente inférieure aux projections salariales de la LNH, Nick Suzuki, capitaine, gagne moins que la plupart des centres #1 de la LNH. Même Noah Dobson, ailleurs dans la ligue, a signé en dessous du marché pour rejoindre Montréal.
Tout le monde s’est plié à la structure. Tout le monde… sauf Lane Hutson avant de signer son contrat. Et le plus fou dans tout ça, c’est que cette position intransigeante ne venait pas de lui. C’est son père, Rob Hutson, qui a mis l’organisation dans une position délicate, multipliant les exigences, se montrant inflexible, et exigeant un contrat qui aurait déséquilibré l’ensemble de l’équipe.
C’est Lane lui-même qui a dû intervenir pour dire stop. Pour dire : « Je veux être ici. Je veux faire partie du groupe. »
Il a fait taire les ambitions montéraires paternelles pour préserver l’équilibre de l’équipe. Il a accepté le rabais, même s’il valait plus.
Voilà pourquoi ce contrat n’est pas juste une aubaine. C’est une décision de vestiaire. Un geste de leadership avant que la LNH n’explose à nouveau avec le contrat de Harley, et surtout avant que la communauté des agents ne se révolte contre ce qu’ils appellent désormais « l’effet Hutson ».
Depuis sa signature, plusieurs agents de joueurs, en coulisses, pestent contre la tendance des jeunes étoiles à accepter des contrats sous-évalués pour « aider » leur équipe à demeurer compétitive.
Martin Leclerc (Radio-Canada) l’a expliqué récemment : la NHLPA est frustrée de voir des talents de premier plan comme Hutson accepter des salaires qui, dans le contexte actuel, affectent artificiellement la valeur du marché.
Et le cas Harley vient confirmer leur pire crainte : les défenseurs offensifs de nouvelle génération sont désormais capables de dépasser la barre symbolique des 10 millions par année, même sans trophée Norris.... ou trophée Calder.
Ça doit briser le coeur des agents de Hutson.
Parce que Harley n’a ni la vision, ni la fluidité, ni le QI hockey de Hutson. Et pourtant, il touchera le salaire d’un "franchise player."
Harley est toutefois un stud reconnu comme étant plus complet que Hutson... juste parce qu'il mesure 6 pieds 3 et pèse 214 livres.
Parions que si Hutson avait ce gabarit, il aurait empoché plus de 10 M$ par année et ne se serait pas couché à la dernière minute.
Au sein du vestiaire montréalais, le respect pour Hutson est immense.
Selon Renaud Lavoie (BPM Sports), ses coéquipiers l’ont surnommé « Wayne Hutson », en référence directe à Wayne Gretzky. Ce n’est pas une blague ni un simple running gag : c’est une marque d’admiration pour un jeune joueur qui, chaque soir, change le cours d’un match.
Avec « Little Bro » (Slafkovský), « Medium Bro » (Caufield) et « Big Bro » (Suzuki), Hutson fait désormais partie du cœur d’équipe, de cette génération dorée qui redéfinit l’identité du Canadien.
Ces surnoms traduisent une vérité profonde : ce groupe-là aime jouer ensemble. Et c’est exactement ce que Kent Hughes et Jeff Gorton voulaient instaurer.
Voilà pourquoi Hutson a signé à rabais.
À long terme, Hutson pourrait devenir l’équivalent moderne d’un Cale Makar ou d’un Quinn Hughes. Sauf que son contrat, lui, ressemblera davantage à celui d’un défenseur de deuxième paire lorsque le plafond salarial continuera d'exploser.
Oui, le Canadien a fait une affaire en or.
Mais tout le monde le sait maintenant : Lane Hutson valait beaucoup plus que ça.
