Jonathan Drouin, l’enfant brisé de Sainte-Agathe, le joueur qu’on croyait perdu, a signé un contrat de deux ans d’une valeur de 8 millions de dollars avec les Islanders de New York.
Et derrière cette signature se cache une revanche. Une revanche contre l’oubli, contre la moquerie, contre le système… et contre Martin St-Louis.
Et si cette signature fait autant parler, ce n’est pas seulement à cause de l’argent ou du nom de l’équipe. C’est parce que derrière ce pacte se cache l’union de deux revanchards, deux hommes qui ont été humiliés dans la sphère montréalaise : Jonathan Drouin et Patrick Roy.
Et maintenant, ces deux-là veulent « shock the world ».
Il faut dire les choses comme elles sont : Drouin revient de l’enfer.
On parle d’un gars qui, en 2021, a quitté la LNH pour sa santé mentale. Qui a été hué, détruit, enterré vivant sous les critiques.
Un joueur qu’on a dit fini. Un joueur qu’on a traité de caprice. Un joueur que Martin St-Louis a cloué sur le banc pendant un match entier… pour quelques minutes de retard à une réunion. Une humiliation publique, devant les projecteurs de la télé nationale. Un geste que même les vétérans du vestiaire n’ont pas compris.
Et pourtant, aujourd’hui, c’est Jonathan Drouin qui rit. Parce qu’avec sa signature à Long Island, Drouin a empoché pratiquement autant d’argent que Martin St-Louis dans toute sa carrière de joueur.
Oui. L’adoré St-Louis, 1033 points en 1134 matchs, 56,2 millions en carrière.
Jonathan Drouin? 374 points en 607 matchs… et un peu plus de 54 millions. Le compte y est. Et ce n’est pas terminé.
Au fond, Martin St-Louis n’a jamais pu pardonner à Jonathan Drouin ce que sa propre carrière n’a jamais pu lui offrir : la richesse sans le sacrifice extrême.
Aux yeux de St-Louis, Drouin était ce joueur privilégié, repêché dans le top 3, choyé par le système, grassement payé dès ses débuts, qui n’avait pas eu à « grinder » pendant des années pour faire sa place.
Lui, le petit gars rejeté par Calgary, ignoré à ses débuts, avait dû se battre pour chaque contrat, chaque point, chaque minute de jeu.
Et le voilà aujourd’hui obligé de voir un joueur qu’il a publiquement humilié (le fameux match sur le banc pour un simple retard) empocher, à 30 ans, un total qui sera supérieur à ses propres revenus de carrière.
Il faut rappeler le parcours.
En 2023, après son départ de Montréal, Jonathan Drouin n’a reçu qu’une seule vraie offre : 825 000 $ pour un an avec l’Avalanche. Il l’a acceptée sans sourciller. Il voulait jouer avec son ami Nathan MacKinnon. Il voulait retrouver l’amour du hockey.
Il a mis sa fierté de côté. Il a accepté de recommencer à zéro. Un an plus tard, il a refusé des offres à long terme sur le marché (4 ans, 5 millions par saison) pour rester à Denver, convaincu qu’il allait gagner la Coupe Stanley.
Résultat? Il a signé un autre contrat à rabais : 2,5 millions pour un an.
Et l’enfer a recommencé.
En séries, Drouin a été tassé. De premier trio avec MacKinnon, il a été rétrogradé sur un trio avec Charlie Coyle et Joel Kiviranta.
De l’avantage numérique #1, il a glissé vers le deuxième. Puis il a été rayé des unités spéciales. Invisible. Trois petites passes en sept matchs. Et le regard vide sur le banc, comme s’il n’y croyait plus.
Et pendant ce temps-là, Colorado préparait l’avenir. Martin Necas. Brock Nelson. Deux nouveaux venus qui ont tassé Drouin sans ménagement. Et dans l’ombre, les journalistes ont commencé à propager une fausse rumeur : est-ce que Drouin serait en partie responsable du départ de Mikko Rantanen?
Son contrat de 2,5 M$ a-t-il empêché Sakic de tout offrir à Rantanen? Est-ce que le DG avait trop misé sur Drouin?
La lune de miel était terminée. Et Drouin, trahi par sa propre famille de cœur, s’est retrouvé à nouveau seul.
Mais dans l’Est, Patrick Roy veillait.
Depuis longtemps, Roy rêvait d’un Québécois offensif pour jouer dans son top 6. Il ne voulait pas d’un joueur formaté. Il voulait un talent naturel. Quelqu’un qu’on avait écrasé ailleurs. Et son regard s’est tourné vers Drouin.
Les deux hommes se connaissent depuis longtemps. Roy a coaché contre Drouin dans le junior. Et il n’a jamais oublié son génie.
Mathieu Darche, lui, connaissait les chiffres. Il savait que malgré ses blessures, Drouin venait de produire 37 points en 43 matchs. Il savait que le talent était encore là.
Et surtout : il savait que Drouin avait encore quelque chose à prouver.
Pas aux journalistes. Pas aux fans. Mais à Martin St-Louis.
Car c’est là que tout converge.
La plus grande humiliation de Jonathan Drouin dans sa carrière n’a pas eu lieu à Tampa, ni à Colorado.
Elle s’est produite au Centre Bell.
Quand Martin St-Louis l’a laissé sur le banc tout un match.
Ce jour-là, c’est toute la dignité d’un homme qu’on a écrasée.
Et aujourd’hui, ce même homme signe un contrat de 8 millions avec le principal rival de St-Louis dans l’univers québécois : Patrick Roy.
C’est la boucle qui se referme.
C’est une gifle subtile. Une revanche silencieuse. Mais c’est une revanche quand même.
Et au-delà de l’argent, il y a le cœur.
Lors de son entrevue avec NHL Network, Drouin a été éloquent.
« Mon passage à Montréal n’a pas été très bon pour moi. Il y a beaucoup de pression, beaucoup d’attention. J’ai vécu des choses difficiles là-bas. Mais au Colorado, ils m’ont aidé à retrouver mon jeu. », a-t-il confié.
« Le staff à Denver a beaucoup de mérite là-dedans, Nate aussi évidemment. Il m’a aidé à reprendre confiance, à retrouver ma passion. Jouer plusieurs matchs avec lui, là-bas, m’a énormément aidé. » »
Et il veut maintenant amener cette passion à Long Island.
Pourquoi? Parce que c’est un endroit parfait pour un Québécois qui veut vivre sans pression. Parce que l’aréna est neuf. Parce que les fans sont fidèles. Parce que l’organisation est classe.
« Tous les gars à qui j’ai parlé ont aimé vivre sur l’île. Le quartier, les restaurants, les banlieues, tout le monde m’a dit que c’était un bel endroit pour élever une famille. Et avec leur tout nouvel aréna, c’est un environnement super attrayant. »
« Honnêtement, j’ai été impressionné. Quelques jours après avoir signé, j’ai reçu des cadeaux pour mes enfants, des chandails, des casquettes, plein de petits trucs. C’est un détail, mais ça montre à quel point ils se soucient de leurs joueurs. C’est une organisation de grande classe. », a-t-il raconté, visiblement ému.
Et parce que Patrick Roy lui a dit : « On va leur prouver qu’ils se sont trompés. »
« J’ai bien connu Ray Bennett au Colorado *adjoint à Long Island), je suis content de le retrouver. Et il y a d’autres gars que je connais bien aussi : Anthony Duclair, qui est un bon ami à moi, et évidemment Patrick Roy, qui a coaché contre moi souvent dans le junior. Je le connais un peu, mais j’ai hâte d’apprendre de lui. »:
« J’ai eu de très bonnes discussions avec Mathieu Darche et Patrick Roy. On est tous sur la même longueur d’onde. J’ai hâte de me rendre là-bas et de commencer. »
Il y a aussi les chiffres.
Avec ce contrat de 8 millions sur deux ans, Drouin atteint 59,8 millions en carrière. Si on ajoute les bonus, les commandites, et ce qu’il touche hors glace, il dépasse déjà les 60.
Il aura été un joueur de 60 millions… sans jamais franchir le cap des 400 points.
C’est à la fois incroyable, surréaliste… et fascinant.
Parce que ça prouve une chose : dans la LNH, tout est une question de moment, de représentation, de narration.
Et le meilleur conteur de cette histoire? Allan Walsh.
Le redoutable agent a toujours su placer Drouin au bon endroit, au bon moment. Il l’a protégé à Montréal. Il l’a placé avec MacKinnon à Denver. Et il l’envoie maintenant chez Roy à Long Island.
Avec un seul but : redonner à Drouin la gloire… et la paix.
Il y aura des sceptiques. Il y aura des moqueurs. Il y aura ceux qui diront que Drouin ne mérite pas tout cet argent.
Mais il y a une chose qu’on ne pourra jamais lui enlever : son courage.
Drouin aurait pu fuir. Il aurait pu tout abandonner. Il aurait pu partir jouer en Europe.
Mais il est resté. Il a reconstruit sa vie. Il a reconstruit sa carrière. Il a reconquis son respect. Et il a forgé une alliance qui pourrait changer le destin des Islanders.
Drouin avec Barzal? Avec Horvat? Avec son meilleur ami Duclair?
« J’aime beaucoup le groupe d’attaquants. Bo Horvat et Mat Barzal sont deux joueurs incroyablement talentueux. J’aime aussi le groupe de défenseurs, c’est un très bon noyau. »
Ce n’est plus un rêve. C’est une réalité.
Et cette fois, Drouin n’a pas seulement signé un contrat.
Il a signé son retour. Sa revanche. Sa renaissance.
Et avec Patrick Roy dans son coin… tout est possible.