Connor McDavid est à la croisée des chemins.
À 28 ans, il est non seulement l’icône incontestée de la LNH, mais aussi le joueur qui se trouve dans la position la plus absurde et frustrante de l’histoire récente du hockey professionnel.
Selon Frank Seravalli, l’attaquant vedette des Oilers d’Edmonton serait à deux doigts de signer une prolongation de contrat historique : entre 16 et 17,5 millions de dollars par saison, probablement sur une durée de quatre ans.
À 17,5 millions de dollars par année sur 4 ans... on parle de 70 millions de dollars...
Une entente qui fera encore de lui le joueur le mieux payé de la LNH… mais aussi l’un des contrat plus sous-évalués de toute l’histoire du sport moderne.
Car il faut le dire : si McDavid vivait dans un monde sans plafond salarial, il pourrait, selon Elliotte Friedman, exiger et obtenir un salaire annuel de 50 millions de dollars.
Cinquante millions pour un joueur capable de changer à lui seul l’issue d’une saison. Cinquante millions pour un athlète qui, dans une autre ligue, serait payé à la hauteur de son influence.
Mais la réalité de la LNH, c’est qu’aucun joueur ne peut dépasser 20 % du plafond salarial, fixé à 95,5 M$ pour 2025-2026. Résultat : le maximum absolu auquel McDavid peut prétendre est de 19,1 M$ par saison.
Ce plafond n’est pas seulement une barrière financière : c’est un piège stratégique. S’il pousse son contrat jusqu’à cette limite, il devient un poids pour les Oilers.
Chaque dollar investi dans son salaire est un dollar de moins pour combler les énormes trous dans la formation, et Dieu sait qu’ils sont nombreux.
Edmonton n’a pas de gardien digne de ce nom, sa profondeur offensive est suspecte, et sa défense repose sur Evan Bouchard, brillant offensivement, mais encore vulnérable dans sa zone.
C’est la base même du problème : McDavid pourrait rester le joueur le plus dominant au monde, et pourtant, ses chances de soulever la Coupe Stanley demeureraient fragiles, faute d’un effectif équilibré autour de lui.
Et c’est là qu’entre en jeu la vraie question : pourquoi rester? Pendant des mois, une rumeur persistante circulait dans les médias d’Edmonton : si McDavid décidait de tester le marché des joueurs autonomes, Montréal serait la destination la plus logique.
Un marché de hockey passionné, un contexte médiatique à la hauteur de son aura, et une équipe prête à prétendre aux grands honneurs.
Mais avec cette prolongation imminente, ce rêve vient de s’éteindre pour les partisans montréalais.
Rester à Edmonton, c’est miser sur la fidélité, mais aussi accepter de porter seul une équipe structurellement incomplète.
Et ce n’est pas la première fois que McDavid exprime sa frustration. Après l’élimination crève-cœur en finale, il avait lâché un constat brutal :
« On continue de faire la même foutue chose encore et encore. » Autrement dit, la direction ne corrige pas les erreurs, et les saisons se suivent en se ressemblant.
En acceptant un contrat autour de 17 M$, McDavid enverra un message clair : il est prêt à rester loyal, mais il n’est pas prêt à sacrifier autant que Sidney Crosby l’avait fait à Pittsburgh avec un contrat à rabais.
Le montant serait colossal dans le cadre du plafond actuel, mais il demeurerait inférieur à sa vraie valeur marchande.
Pour comparer, Dak Prescott en NFL touche 10,6 % des revenus de son équipe, Steph Curry en NBA en touche 7 %, et Juan Soto en MLB, un impressionnant 24,6 %. En appliquant la moyenne de ces ratios aux revenus annuels des Oilers (388 M$, selon Forbes), McDavid devrait logiquement toucher près de 47,5 M$ par saison.
Prenons Shohei Ohtani, vedette absolue du baseball, qui a signé avec les Dodgers un contrat de 700 millions sur 10 ans, soit environ 70 millions par saison. Ohtani n’est pas seulement payé pour ses performances sur le terrain, mais aussi pour son aura mondiale, ses revenus marketing et l’impact économique qu’il génère pour sa franchise.
Même Patrick Mahomes, en NFL, avec un contrat de 450 millions sur 10 ans (45 M$ par saison), bénéficie d’un pourcentage de revenus d’équipe bien supérieur à celui de McDavid.
Lionel Messi, à son arrivée à l’Inter Miami en MLS, a touché un salaire annuel d’environ 60 M$ incluant les ententes commerciales avec Apple et Adidas, un modèle inexistant dans la LNH.
Ce contraste alimente un ressentiment croissant chez McDavid : non seulement il est prisonnier d’un plafond salarial qui bloque ses revenus directs, mais il est privé de structures contractuelles innovantes qui pourraient lui permettre d’atteindre une rémunération globale comparable à celle de ses homologues d’autres sports.
Pour un joueur qui domine autant son sport que le font Ohtani, Mahomes ou Messi dans le leur, voir ces contrats mirobolants passer sous ses yeux ne fait qu’accentuer l’impression de vivre une carrière amputée de son plein potentiel, tant sur le plan financier que sportif.
Le problème est donc double : la LNH bloque artificiellement les salaires des superstars, tout en laissant croire qu’elles sont parmi les mieux payées.
Et dans le cas de McDavid, cette injustice pourrait lui coûter non seulement des centaines de millions sur l’ensemble de sa carrière, mais aussi la possibilité de jouer dans un environnement gagnant.
Car même si les Oilers acceptaient de lui verser le maximum autorisé, il faudrait couper ailleurs, et ce sont encore et toujours les postes clés qui manqueraient de ressources.
Les partisans montréalais, eux, doivent se résoudre à tourner la page. Le fantasme d’un McDavid au Centre Bell, dynamitant l’Est de la LNH, s’évapore.
La réalité, c’est qu’il est prêt à s’engager pour quatre nouvelles saisons dans un marché où l’espoir de soulever la Coupe Stanley repose plus sur la foi que sur la logique.
C’est un choix de cœur… mais peut-être aussi une erreur stratégique monumentale.
Car à long terme, on pourrait bien se souvenir de cette décision comme du moment où McDavid a scellé son destin : celui d’un joueur légendaire, mais d’un champion éternellement frustré.
Dans 10 ans, il pourrait avoir tous les trophées individuels du monde à l'infini (Art Ross, Hart, Ted Lindsay(, tout en voyant d’autres moins talentueux soulever le trophée le plus convoité.
Et tout ça pour avoir choisi de rester fidèle à une organisation incapable de corriger ses failles.
Cette prolongation à Edmonton risque de marquer un tournant. Pas pour ce qu’elle rapportera à McDavid, car en chiffres absolus, 17 M$ par an est énorme, mais pour ce qu’elle lui coûtera en opportunités de gagner.
Le plafond salarial le sous-paie. Les Oilers le surchargent de responsabilités. Et les partisans qui rêvaient d’un transfert vers un marché prêt à tout pour lui, comme Montréal, doivent désormais se contenter de regarder de loin.
Dans le fond, c’est une tragédie sportive : le joueur le plus électrisant de sa génération, coincé dans un système qui l’empêche d’atteindre son plein potentiel… et qui pourrait bien le condamner à rester le meilleur joueur à ne jamais gagner.