80 millions de dollars: Jeff Gorton avertit l'agent de Lane Hutson

80 millions de dollars: Jeff Gorton avertit l'agent de Lane Hutson

Par David Garel le 2025-07-10

C’est une scène de coulisses qui ne passe pas inaperçue : Jeff Gorton, vice-président exécutif des opérations hockey du Canadien, est intervenu directement dans un dossier qui, habituellement, est le territoire réservé de Kent Hughes : les négociations contractuelles.

Et ce n’est pas un détail. Parce que lorsque Gorton s’implique personnellement dans la relation entre un DG et un agent, c’est qu’il y a une tension, une friction, une pression qu’il faut désamorcer.

Et cette pression, elle s’appelle Sean Coffey, l’agent le plus difficile à gérer du moment à Montréal.

Ce dernier négocie le futur contrat de Lane Hutson, gagnant du trophée Calder, prodige qui est déjà une superstar, et pièce centrale de l’avenir du Canadien.

Et d’après plusieurs sources, Coffey ne vise rien de moins que de faire de Hutson le joueur le mieux payé de l’histoire de la franchise.

Et c’est là que Jeff Gorton a décidé d’intervenir. Parce que pour lui, il y a une limite aux techniques louches des agents.

« Le pourcentage, le pourcentage, le pourcentage »

Voici ce que Gorton a déclaré, dans un moment de rare franchise, qui était clairement dirigé vers Sean Coffey, sans jamais nommer son nom :

« Les agents, ils aiment ça. C’est comme ça qu’ils s’accrochent. Le plafond monte, et là, c’est le pourcentage, le pourcentage, le pourcentage.

Mais en même temps, eux, ils n’ont pas à gérer une équipe. Ils ne sont pas dans le vestiaire, ils ne comprennent pas ce que ça fait quand un gars revient dans la chambre avec beaucoup plus d’argent qu’un autre… comment tu expliques ça?

Du côté de l’équipe, c’est plus compliqué. Tu veux gérer tout ça, et tu ne veux pas qu’un joueur moins bon gagne plus qu’un gars qui est meilleur. C’est réel, ça. Alors quand les agents argumentent juste avec des pourcentages du cap, ça devient un peu trop, à mon goût. »

C’est une déclaration-choc. Parce que dans l’univers politique du hockey professionnel, les cadres supérieurs évitent en général de s’attaquer frontalement aux agents, surtout ceux qui représentent plusieurs joueurs dans la ligue. Mais Gorton a jugé que la situation exigeait une mise au point publique.

Et ça en dit long.

Hutson veut devenir le mieux payé

Il faut le dire : Sean Coffey vise un contrat de 8 ans à 10 millions $ par année pour 80 millions de dollars. C’est ce qu’il veut. Il veut faire de Hutson un joueur qui franchit le cap des 12 % du plafond salarial, ce qui, historiquement, n’a été accordé qu’à des attaquants élites ou à des défenseurs dignes du trophée Norris à répétition.

Et à ce chapitre, les récentes signatures d’Alexander Romanov (8 ans, 50 M$) et Evan Bouchard (4 ans, 10.5 M$/an) ont changé la donne.

Romanov, un défenseur purement défensif, touche 6.25 M$. Bouchard, un joueur avec d’énormes lacunes défensives, vient de toucher le jackpot à court terme avec les Oilers.

Et pendant ce temps, Kent Hughes a réussi à signer Noah Dobson pour 8 ans à 9.5 M$ par saison. Un contrat absolument magistral pour un défenseur droitier de première paire, de 25 ans, à son apogée.

Alors comment justifier qu’un joueur comme Hutson, aussi spectaculaire soit-il, soit payé plus que Dobson? Voilà la question de Gorton. Voilà le dilemme.

En tout cas, ça sent la fin de la solidarité salariale à Montréal?

Depuis l’arrivée de Hughes et Gorton, il y avait une certaine forme d’équilibre. Suzuki à 7.875 M$, Caufield à 7,85 M$, Slafkovsky à 7,6 M$, Guhle à 5.5 M$, Dobson à 9.5 M$, Montembeault à 3.15 M$. Tout le monde avait l’impression qu’il y avait un plafond interne non écrit. Une logique.

Mais là, le contrat de Hutson menace de faire exploser cet équilibre.

Et c’est ce que Gorton tente de prévenir. Car si Hutson obtient 10 millions, que dira Dobson? Que dira Suzuki? Comment gérer la chambre?

Gorton le dit lui-même :

« C’est réel. »

Et c’est sans doute l’élément le plus sous-estimé de toute cette affaire. L’économie d’une équipe de hockey ne se gère pas qu’en dollars. Elle se gère aussi en hiérarchie, en perception, en sentiments, en légitimité.

Mais si Hughes refuse de donner 10 millions, Coffey pourrait conseiller à Hutson de signer un contrat de transition, comme Auston Matthews l’a fait à Toronto. Un contrat de 4 ou 5 ans, très lucratif, mais qui permettrait à Hutson de faire sauter la banque à 25 ou 26 ans. 

Et c’est exactement ce que Hughes veut éviter. Car 2025 est la dernière année où les clubs peuvent offrir des contrats de 8 ans avant l’entrée en vigueur du prochain CBA (convention collective). Ensuite, les règles pourraient changer, et la flexibilité disparaître.

C’est donc le moment de le signer à long terme.

Et Hughes a une offre sur la table : 8 ans, 72 M$, soit 9 M$ par année. Est-ce suffisant? Pas pour Coffey. Pas encore.

Pour ajouter au climat d’incertitude, voilà que Pierre LeBrun rapporte que Connor McDavid  pourrait viser 8 ans à 20 M$ par saison. La tendance est à l’argent massif pour les jeunes stars.

Alors imaginez Coffey, lisant tout ça en sirotant son café. Pour lui, la courbe salariale vient de virer verticale.

Et c’est pour ça qu’il rit. Il est crampé. Il sait qu’il a le bon joueur, au bon moment, avec le bon profil, dans la bonne ville. Et il n’a aucune intention de faire un rabais.

Mais maintenant, Coffey devra composer avec deux cerveaux : Hughes, l’ancien agent, et Gorton, le stratège froid, sans pitié, calculateur. Ce dernier n’a pas l’intention de plier devant les caprices d’un agent.

Son intervention vise à préserver l’écosystème salarial du CH. Il a défendu publiquement son DG. Il a envoyé un message clair :

« On comprend que t’as un bon joueur, Sean. Mais t’es pas en train de nous rouler. Pas ici. Pas maintenant. »

Et s’il faut dire non à 10 M$, Gorton est prêt à le dire. S’il faut résister à la pression médiatique, il le fera. Parce que l’avenir de l’équipe ne se joue pas juste sur la glace : il se joue aussi à la table des négos.

Nous entrons dans la phase la plus critique de l’été 2025 pour Kent Hughes. Ce n’est pas une transaction. Ce n’est pas une signature d’agent libre.

C’est une bataille d’influence. Un duel stratégique.

Hughes et Gorton vs Coffey.

Avec Lane Hutson au centre de l’échiquier.

Et une chose est sûre : si Coffey gagne cette bataille, l'agent de Demidov, Dan Milstrin, prendra des notes.