Dans les coulisses du Centre Bell, une vérité inconfortable plane au-dessus du bureau de Kent Hughes. Officiellement, le Canadien s’inquiète pour Ivan Demidov, pour son avenir, pour son transfert, pour son visa.
Officieusement, il y a peut-être un léger soupir de soulagement. Parce que pendant que tout le monde parle des blessures, de la pression psychologique, des menaces d’un camp militaire ou du silence soudain de sa copine, une réalité froide et comptable rattrape le Canadien : la gestion du plafond salarial est une bombe à retardement.
L’exemple le plus flagrant? Lane Hutson. Le jeune défenseur vient d’égaliser un record mythique, celui de Chris Chelios, avec 64 points à sa première saison complète.
Une saison phénoménale, à couper le souffle. Mais cette explosion statistique arrive avec un prix. Et pas seulement au tableau.
Le CH devra très bientôt le payer… très cher. Parce qu’en ayant brûlé une année complète de son contrat d’entrée en jouant seulement deux matchs l’an dernier, Hutson est déjà admissible à une renégociation.
Et les chiffres qui circulent donnent le vertige : 10 millions? 11 millions? Pour un jeune arrière aussi spectaculaire, c’est le genre de décision qui va faire mal financièrement.
Et voilà pourquoi Ivan Demidov devient, bien malgré lui, une sorte de « soulagement stratégique ». Parce que si Demidov avait pu s’amener à Montréal en avril, en pleine course aux séries, on aurait tous hurlé de joie… mais au prix d’une année de contrat d’entrée brûlée pour quelques semaines de hockey.
Une année en moins avant sa prochaine entente. Et tout le monde le sait : Demidov, c’est Kaprizov 2.0, un génie offensif capable de réclamer le pactole dans trois ans.
On parle déjà, en coulisse, d’un joueur qui pourrait se situer dans les mêmes eaux que Hutson sur le plan contractuel.
Alors imaginez ce que ça représente : deux superstars à re-signer au même moment, deux monstres offensifs qui pourraient réclamer, ensemble, plus de 22 millions de dollars sur la masse salariale.
Kent Hughes ne le dira jamais en public. Il affichera toujours un ton inquiet, compatissant, solidaire. Il dira être en contact avec les agents, qu’il respecte la situation en Russie, qu’il comprend les délais.
Mais dans le secret de son bureau, il sait très bien que ce délai forcé avec Demidov, ce flou inquiétant, c’est aussi une aubaine comptable.
Parce que chaque jour de plus que Demidov passe à Saint-Pétersbourg, c’est un jour de gagné sur la prochaine tempête salariale à Montréal.
Car ce qui se prépare en parallèle, c’est une négociation dantesque avec l’agent de Lane Hutson. Et cet agent, ce n’est pas n’importe qui.
Sean Coffey, ancien de l’agence Quartexx… fondée par Kent Hughes lui-même. L’élève contre le maître. Une relation transformée en duel tendu depuis la débâcle du dossier Jacob Fowler.
Coffey, humilié d’avoir perdu face à Hughes, s’est fait claquer la porte au nez sur le contrat d’entrée de Fowler. Bonus à rabais. Contrat repoussé. Zéro levier. Et ce revers, Coffey l’a toujours en travers de la gorge.
Mais voilà qu’avec Hutson, il détient une carte maîtresse. Un défenseur d’exception, finaliste au Calder, dominant offensivement, adoré par le public, propulsé dans les comparaisons avec Cale Makar, Quinn Hughes, et Brian Leetch.
Et surtout, déjà admissible à une prolongation de contrat. Et ça, Kent Hughes l’a encore en travers de la gorge. Parce que cette année brûlée pour deux maigres matchs, c’est un cauchemar administratif : le CH doit déjà négocier. Et Coffey est prêt. À sortir les armes. À réclamer 10, 11, voire 12 millions de dollars par saison. Oui, 96 millions. Peut-être plus.
Coffey n’a pas oublié l’échec du dossier Fowler, et il ne fera aucun cadeau. Surtout pas à son ancien patron. Il ne négociera pas comme Pat Brisson. Il ne cherchera pas à s’intégrer à une structure salariale. Il vient pour prendre tout ce qu’il peut. Et il le fera avec le sourire.
Et c’est là que le retard involontaire d’Ivan Demidov devient, pour Hughes, un tampon stratégique. Parce que si les deux négos – Hutson et Demidov – avaient dû se dérouler en parallèle, le Canadien aurait été étranglé.
Deux agents redoutables. Deux superstars offensives. Deux dossiers inflammables, deux contrats à 10 millions + sur la table. De quoi faire exploser la masse salariale… et les nerfs d’un président.
Et Geoff Molson dans tout ça? Il devra bientôt sortir le chéquier. Car si Hutson exige 11 M$, Demidov en demandera autant.
Et le contexte est explosif : un plafond salarial en hausse rapide, un marché avide de contrats records, une équipe qui tente de rester compétitive tout en consolidant son noyau.
Hughes savait qu’en brûlant une année pour Hutson, il ouvrait une boîte de Pandore. Mais il ne pensait pas que la boîte s’ouvrirait si vite, si fort.
Aujourd’hui, il doit déjà affronter la machine Coffey. Et heureusement pour lui, il n’a pas à affronter la machine Demidov en même temps. Pas encore.
Parce que le jour où Ivan Demidov débarquera à Montréal, ce sera une bénédiction sportive… mais un cauchemar comptable.
On parle déjà d’un contrat comparable à celui de Kirill Kaprizov, voire supérieur. Et comme Demidov joue à l’aile, aux côtés de Patrik Laine, il sera directement en mesure de produire… et donc de réclamer le gros lot, rapidement.
Mais en le gardant à Saint-Pétersbourg encore quelques mois, le CH gagne un an complet sur l’entrée en vigueur de son contrat de trois ans
Au lieu d’avoir deux bombes à désamorcer en même temps, Hughes pourra les espacer.
Chaque jour de plus à Saint-Pétersbourg, c’est un jour de gagné.
Chaque match manqué en LNH par Demidov, c’est un an de plus avant la vraie bataille salariale.
Et pour Kent Hughes, acculé dans le coin par Sean Coffey, chaque respiration compte.
Il sait que le temps, c’est de l’argent. Et en ce moment, Demidov lui fait gagner les deux.