Acquisition à Montréal: Kent Hughes choque Steven Stamkos

Acquisition à Montréal: Kent Hughes choque Steven Stamkos

Par David Garel le 2025-09-08

La conversation au téléphone n’aura pas duré longtemps.

À Nashville, Barry Trotz s’est véritablement demandé s’il ne devait pas corriger son pari de l’été dernier en expédiant Steven Stamkos ailleurs, question de reprendre le contrôle d’une transition qui dérape.

À Montréal, Kent Hughes a écouté poliment… puis a fermé le dossier. Net, sans équivoque, sans promesse. Pas de détour comptable, pas d’acrobatie à la rétention salariale, pas de « voyons voir ».

Steven Stamkos ne sera pas le deuxième centre du Canadien. Point final.

Ce refus ferme n’est pas un caprice. C’est une ligne de conduite. Depuis deux ans, Hughes répète que le seul investissement majeur qu’il fera à court terme, c’est pour un vrai 2C dans son âge d’or, capable d’épauler Nick Suzuki pendant que les Demidov, Caufield, Slafkovsky et Bolduc s’enflamment sur les ailes.

Or Stamkos, aujourd’hui, n’est plus ce profil. Il marque encore, oui. Il peut changer un match d’un seul tir, oui.

Mais il ne joue plus régulièrement au centre, il a besoin d’un écosystème taillé pour lui: minutes lourdes d’avantage numérique, ailiers transporteurs, abri défensif, et surtout, son contrat à 8 M$ par saison sur trois ans est le contraire de la flexibilité que Montréal s’est acharné à regagner en évacuant le dossier Carey Price.

Même dans une équipe où la profondeur au centre est catastrophique, Steven Stamkos n’obtient même pas le rôle de centre.

Les Predators alignent Filip Forsberg - Ryan O’Reilly - Jonathan Marchessault sur la première ligne, puis Steven Stamkos - Fedor Sveshkov - Luke Evangelista sur la deuxième.

Ensuite viennent Michael Bunting - Erik Haula - Zachary L’Heureux, et enfin Cole Smith - Michael McCarron - Matthew Wood sur la quatrième.

O’Reilly est le seul véritable centre établi et Stamkos est relégué à l’aile gauche du deuxième trio. Ça dit tout. Si Nashville ne lui fait même pas confiance au centre dans un alignement aussi limité, pourquoi le Canadien l'obtiendrait?

Le CH n’en veut pas. Et à vrai dire, personne ne se bouscule sur le marché des transactions.

C’est violent à écrire, mais c’est la réalité : le rêve Stamkos vient de se briser en deux. L’homme aurait accepté Montréal les yeux fermés: Martin St-Louis, la scène, le marché, l’histoire, mais le marché, lui, n’accepte plus Stamkos aux conditions de Stamkos.

Ce n’est pas une question de respect, c’est le verdict froid du « fit » hockey, des courbes d’âge, et d’un plafond salarial qui grimpe mais qu’on ne doit pas insulter.

On comprend mal l’empressement de Trotz à tester l’eau, sinon pour mesurer s’il existe, quelque part, un dirigeant nostalgique prêt à payer pour ce que fut Steven Stamkos.

Plus personne n'en veut.

À Nashville, on a tenté de lui greffer une seconde vie en tandem de prestige avec Marchessault, Forsberg et un top 6 à géométrie variable.

La greffe n’a pas pris. Le vestiaire n’a jamais trouvé sa cohérence. Et très vite, la question s’est posée en coulisses : qui mène vraiment l’attaque des Predators? Stamkos ne l’a plus menée. Il l’a accompagnée. Ça fait toute la différence.

À Montréal, le besoin est criant… mais précis. Le Canadien cherche un centre qui simplifie la glace, qui avale les missions défensives pour libérer Suzuki, qui nourrit Demidov sans l’étouffer, qui sécurise Patrik Laine quand le jeu s’ouvre à 200 à l’heure.

Un joueur de centre qui gagne ses mises au jeu, qui structure l’axe, qui joue dans la saleté sans réclamer un trône médiatique.

Ce portrait, c’est Ryan O’Reilly, c’est Nick Schmaltz, c’est Jared McCann, c'est surtout Mason McTavish si jamais Anaheim cesse de demander David Reinbacher et redevient cohérent. Ce n’est plus Steven Stamkos.

Et puis il y a l’argent. Le vrai nœud du problème. Stamkos, c’est 8 M$ par an encore trois saisons. Le message interne du CH est clair depuis des mois : nous paierons l’avenir, pas le passé.

La marge récupérée en manœuvrant le cap et en sortant le contrat de Price ne servira pas à polir une plaque souvenir, mais à fixer la colonne vertébrale d’une équipe qui veut frapper son pic entre 2027 et 2030.

Ce n’est pas sentimental, c’est stratégique. Tenter le coup Stamkos aujourd’hui, ce serait réécrire les pires réflexes d’une décennie perdue : acheter un nom pour calmer un été, retarder le plan, puis se réveiller coincé lorsque viendra le tour de Hutson, de Demidov, et, plus tôt qu’on pense, d’un vrai 2e centre qui coûtera en actifs et en dollars.

Il faut aussi parler hockey pur. Stamkos, à 35 ans, demeure un tireur d’élite, un point de mise en jeu en avantage numérique, un finisseur.

Or le CH a justement ajouté Patrik Laine pour occuper ce créneau de sniper à haute valeur ajoutée. Sans oublier Cole Caufield, Zachary Bolduc... et Ivan Demidov...

Ce n’est pas une question de talent, c’est une question de structure. Même dans le scénario où Stamkos accepte un rôle moins glamour, il faut lui faire de la place sur le PP1, modeler des entrées de zone pour sa palette, composer avec ses minutes gérées à cinq contre cinq.

Tout ça pour ne pas régler la faille centrale qui obsède Montréal depuis deux ans: un vrai 2e centre.

Le pire dans tout ça? La scène humaine. On devine à quel point Stamkos se serait plu ici. Il aurait retrouvé St-Louis, figure de grand frère respectée par chaque vétéran qui l’a croisé et ancien mentor à Tampa Bay.

Il aurait senti la montée d’un vestiaire jeune qui n’a pas peur d’apprendre, ni de répondre aux attentes d’une ville qui vibre fort.

Ce n’est pas facile d’écrire qu’« en fait, personne ne veut de Steven Stamkos ». Ce n’est pas tout à fait vrai, d’ailleurs : plusieurs clubs voudraient Stamkos… à leur prix, et pour leur rôle.

Ce qu’ils ne veulent plus, c’est le package qui exige salaire de star, statut de vedette et gravitation du jeu autour de lui. Ce temps-là est passé. Et le joueur n’a rien à se reprocher : ce sont les cycles qui se referment.

Trotz, lui, paye son été 2024. Il a cru que deux coups d’éclat (Marchessault, Stamkos, Skjei) suffiraient à boucher les trous et ne pas passer par la reconstruction.

Il découvre aujourd’hui qu’un vestiaire ne se construit pas en allant chercher des anciennes vedettes finies à l'os. Il s’en mord les doigts, regrette ses décisions, regarde la carte de la LNH… et appelle Montréal.

Sauf que Montréal est rendu ailleurs. La transaction Carey Price a débarré un verrou, pas pour dresser un musée de vétérans passés date, mais pour garder les ponts ouverts vers un vrai 2C, celui qui existe sur le marché aujourd’hui (à prix salé), ou celui qui s’ouvrira demain si la situation McDavid bascule et que tout le monde, comme l’avertit Elliotte Friedman, « dégage ses finances » pour être prêt.

C’est là que le refus Hughes prend toute sa puissance. Dire non à Stamkos, c’est dire oui à la discipline.

C’est protéger l’espace pour Hutson, Demidov... et compagnie...

On l’a assez martelé : le CH n’échangera pas la maison pour un nom. Le club veut un 2e centre du présent sans compromettre le futur.

Kent Hughes ne veut pas de Steven Stamkos. 

Pour le vétéran, c’est la fin d’une illusion montréalaise. Pour le Canadien, c’est la preuve qu’on ne dévie plus du plan pour un mirage. Et pour Nashville, c’est la facture d’une fuite en avant.

Les légendes ne méritent pas de finir ainsi, diront certains. C’est vrai. Mais les équipes, elles, ne méritent pas de se saboter pour un nom.

Kent Hughes a tranché. Montréal n’achètera pas son passé; il construit son sommet...