Il ne crie pas. Il ne frappe pas sur la table. Il ne se plaint même pas. Il est là. Présent. Constant. Silencieux.
Et c’est justement ça qui dérange.
Parce que depuis le début du camp des recrues à Brossard, Adam Engström souffre en silence, et autour de lui, personne ne sait quoi lui dire.
Il a coché toutes les cases. L’adaptation culturelle? Complétée.
Le passage à la glace nord-américaine? Fait.
Le jeu défensif? Raffiné.
L’été de musculation et de cardio? Livré.
Et pourtant, chaque fois qu’il sort du vestiaire ou rentre sur la glace, c’est comme si on regardait à travers lui.
« Il y a de très, très bons joueurs ici. Ça va être difficile », dit-il calmement.
Une phrase anodine en surface, mais qui résonne comme une réalité brutale.
Il sait qu’il n’est pas le nom en gras sur la feuille. Il sait que les journalistes ne se ruent pas vers lui. Il sait que dans l’organigramme du CH, il est dans la colonne des peut-être.
Et il vit avec ça. Sans éclats. Sans flafla. Mais ça pèse.
Il ne fait pas de promesses. Il ne dit pas qu’il mérite mieux. Il ne joue pas au politicien.
Il répète simplement qu’il est venu pour faire le boulot. « J’ai le même état d’esprit que l’an dernier. Je veux faire de mon mieux, me développer, et voir jusqu’où ça va me mener. »
Une phrase honnête, droite, mais qui cache une vérité crue : il ne sait pas si on le regarde encore.
Il n’est pas là pour faire le show. Il n’est pas Lane Hutson. Il n’est pas David Reinbacher.
Il n’a pas la hype, ni le privilège des caméras.
Mais quand il parle de Reinbacher, c’est avec respect. « J’ai adoré jouer avec lui l’an dernier. On s’aidait beaucoup. C’est un gars super gentil et un excellent joueur. »
Même dans l’ombre, il est loyal. Il fait le travail. Il soutient ses coéquipiers. Il joue son rôle de coéquipier modèle.
Et c’est justement ce rôle-là… qu’on semble avoir oublié de valoriser.
Parce que le CH ne manque pas de défenseurs offensifs.
Dobson, Hutson, Guhle… ça pousse de partout.
Alexandre Carrier est venu solidifier la brigade avec son expérience, mais ce n’est pas un joueur qui va faire 60 points.
Et c’est là qu’Engström voit sa fenêtre. Parce que lui, il a compris une chose que plusieurs dans la direction semblent encore ignorer : la Ligue nationale, ce n’est pas juste un highlight show.
C’est une ligue où tu dois survivre en zone défensive. Être dur. Gagner tes batailles.
« Le jeu défensif, c’est ce qui va me mener à la LNH. J’ai travaillé fort là-dessus, et je veux continuer. »
C’est peut-être pas sexy. Mais c’est essentiel.
Il le sait. Il l’a appris à la dure.
À son arrivée, le choc a été réel.
« C’était difficile au début. J’ai toujours joué en Suède, donc arriver dans une nouvelle culture, des patinoires plus petites… c’était pas évident. »
Mais il a tenu bon.
Et maintenant qu’il s’est adapté, qu’il a trouvé ses repères, qu’il a tissé des liens dans l’équipe, il est prêt.
Prêt à contribuer. Prêt à se battre. Prêt à exister.
Le problème, c’est que plus personne ne semble l’écouter.
Quand on lui demande ce qu’il pense de sa progression, il répond :
« L’an passé, je me suis senti de mieux en mieux chaque semaine. J’ai eu l’impression de jouer de mieux en mieux. »
Mais il dit ça comme s’il parlait dans le vide. Comme s’il savait déjà que ce qu’il dira, ça ne changera rien.
Et c’est là que le titre prend tout son sens. Adam Engström souffre en silence, oui.
Mais ce silence n’est pas le sien. C’est celui des autres. Celui du vestiaire. Celui des entraîneurs. Celui de l’organisation.
C’est ce moment où un joueur commence à se rendre compte que personne ne lui parle, parce que personne ne sait quoi lui dire.
Il n’a rien fait de mal. Il ne dérange pas. Il ne fait pas d’erreur. Il est juste là… et c’est peut-être ça le problème.
Il s’est entraîné tout l’été.
« Ce que je veux améliorer le plus, c’est ma robustesse dans la zone défensive, devant le filet, dans les coins. »
Il a ciblé exactement ce que l’organisation dit vouloir. Mais est-ce qu’ils l’écoutent encore?
Son modèle, c’est Gustav Forsling. Pas Lidstrom. Pas Karlsson. Forsling.
Un défenseur discret, mais essentiel.
Un gars qui fait tout bien, sans bruit. Un gars que tu ne remarques pas… jusqu’à ce qu’il soit blessé et que tu comprennes tout ce que t’avais.
Engström veut être ce genre de joueur. Mais encore faut-il qu’on lui laisse la chance de le devenir.
Ce n’est pas un article pour le plaindre.
Ce n’est pas un article pour le défendre.
C’est un constat.
Le Canadien a un joueur sous les yeux qui fait tout comme il faut, et qui, chaque jour, sent qu’on le regarde un peu moins.
Et dans ce genre de situation, ça ne prend pas une explosion pour qu’un joueur décroche.
Ça prend juste du silence.
Et lui, il commence à en avoir marre.
Il ne le dira pas. Il ne pointera personne du doigt. Il va continuer de s’entraîner, de répondre aux journalistes avec courtoisie, de parler de ses objectifs avec sérieux.
Mais écoute bien ses phrases.
Écoute bien ses silences.
Regarde ses yeux quand il parle de “voir jusqu’où ça va me mener”.
Ce n’est pas de la motivation. C’est de la résilience mélangée à de l’épuisement.
Engström ne demande pas la LNH demain matin.
Il demande juste une chance réelle. Une vraie.
Pas une tape dans le dos et une mention en bas de page.
Pas un spot de camp maquillé en évaluation.
Une vraie chance. Une vraie conversation. Un vrai projet.
Parce que plus le silence dure, plus le gars va décrocher.
Et à force d’encaisser, à force de sourire sans réponse, à force de livrer sans retour… il va se convaincre que sa place est ailleurs.
Et le jour où Adam Engström va partir, où il va se retrouver ailleurs, dans une organisation qui va enfin voir ce qu’il est… tout le monde ici fera semblant d’être surpris.
Mais ce jour-là, ce ne sera pas une surprise.
Ce sera juste le résultat inévitable d’un long, long silence.
Misère...