Quelle revanche.
Il y a des soirs où un entraîneur, pourtant traité comme un imbécile en début de soirée, finit par se lever calmement, poser une seule carte sur la table… et faire exploser tout le narratif qui essayait de l’enterrer.
Ce soir-là, Martin St-Louis n’a pas simplement gagné un pari : il a humilié une foule entière qui criait déjà à l’incompétence avant même que la rondelle tombe.
Parce qu’il faut se rappeler l’ambiance avant le match. Dès que l’alignement est sorti, Montréal a pris feu. La rage a explosé au Québec.
Alexandre Texier, deuxième ligne. Avec Demidov. Avec Kapanen.
Les insultes sont sorties instantanément, sans filtre, sans nuance, comme si Martin St-Louis avait commis une trahison d’État, surtout que le public n'avait pas accepté que Florian Xhekaj sorte de l'alignement,
« Texier n'apporte rien à cet alignement. »
« Asseoir Florian est une insulte. »
« Martin St-Louis mérite d'être congédié. »
« Il me jouerait dans aucune équipe. »
« Martin St-Louis a perdu la tête »
« Mais qu'est-ce que fait Martin St-Louis? »
X était un volcan. Pareil sur Facebook et Instagram. La rage vibrait jusque dans les loges du Centre Bell. On parlait littéralement d’un coach qui allait se faire congédier avant Noël. Et puis… la rondelle est tombée.
Le hockey a parfois un sens de l’humour cruel, et ce soir, il a décidé de rire de tout le monde sauf de Martin St-Louis... avec une victoire de 3-2 en tirs de barrage contre les Jets de Winnipeg:
Parce que ce trio que personne ne voulait est devenu immédiatement la chose la plus cohérente et dangereuse du Canadien.
Kapanen a marqué. Texier a récolté une passe et a joué son meilleur match dans l’uniforme du CH. Et aurait pu en amasser bien plus. Demidov, lui, aurait pu terminer avec un tour du chapeau, tant il a reçu de rondelles parfaitement placées.
Surtout, le Russe a joué 19:29, son meilleur temps de jeu depuis qu'il joue dans la LNH. Et il a donné énormément de crédit à Texier en entrevue, parlant d'un joueur rempli de talent:
Les trois ont cliqué dès leur première présence, comme si ça faisait des mois qu’ils jouaient ensemble.
La ville qui hurlait au scandale s’est retrouvée bouche bée.
Le gars qu’on traitait de « zero », qu’on envoyait déjà dans le parking avec un sac brun, ce gars-là a été utile, dynamique, intelligent, créatif.
Il a été là où il fallait, quand il fallait, comme pour dire à tout Montréal :
« Merci pour les insultes, les gars. Voici ma réponse. »
On peut parler longtemps de systèmes, de temps de glace, de stratégie…
Mais il y a des histoires qui se racontent toutes seules.
Ce soir, Texier a été humilié publiquement.
Il a été peint comme un intrus dans cette équipe. Comme un bouche-trou sans valeur. Comme un obstacle aux jeunes.
Et ce soir, il a pris cette humiliation-là et l’a transformée en carburant.
Il a gagné des batailles. Il a complété des jeux. Il a joué plus de 17 minutes. Il a "fermé le clapet" à de milliers de personnes en même temps.
Il faut donner à St-Louis ce qu’il mérite.
On peut critiquer son man-to-man, son obsession pour les petites lignes, ses réponses arrogantes aux journalistes…
Mais ce soir, il faut être honnête : il a vu quelque chose que personne d’autre ne voyait.
Il a étudié Texier.
Il a remarqué que ses qualités ne servaient à rien sur un quatrième trio.
Il a noté que son jeu de possession, sa vision rapide et sa transition nord-sud pouvaient offrir exactement ce dont Demidov avait besoin : un joueur assez intelligent pour le suivre, assez calme pour ne pas paniquer, assez rapide pour tenir la cadence.
Et Kapanen, malgré toutes ses critiques, est un joueur cérébral, structuré, fiable. Mettre un électron libre et créatif (Demidov), un stabilisateur (Kapanen) et artiste avec ses mains (Texier), c’était osé.
Mais c’était logique. Et ça a marché. La victoire n'aurait pas été possible sans ce trio.
Ça a été la meilleure ligne du Canadien.
On peut détester St-Louis pour mille raisons. Mais ce soir, il a gagné. Il a vu juste. Et tout le monde s’est trompé.
Texier n’est pas un top-6 dans l'âme. Le Français n'est pas une solution long terme. Mais Texier n’est pas un clown non plus. Encore moins un imposteur.