Ambiguïté totale : Florian Xhekaj plongé dans un message à double tranchant

Ambiguïté totale : Florian Xhekaj plongé dans un message à double tranchant

Par André Soueidan le 2025-11-22

L’harmonie est parfois un luxe fragile dans un vestiaire jeune, surtout quand la robustesse devient un enjeu identitaire.

Et à la veille d’affronter les Maple Leafs, Martin St-Louis a envoyé un message qui a résonné comme un mélange de permission… et d’avertissement.

Un message qui a fait lever quelques sourcils, surtout du côté de Florian Xhekaj.

Parce qu’on a beau aimer l’idée romantique des deux frères Xhekaj réunis au Centre Bell, ce rappel-là n’a rien d’un geste sentimental.

Le Canadien cherche désespérément une étincelle, de l’énergie, un peu de chien. Et St-Louis le sait. Mais il sait aussi à quel point ce type d’énergie peut basculer du bon côté… ou faire exploser l’équipe.

Quand on lui a demandé ce qu’il voulait exactement de Florian, le coach a choisi un registre qui n’a rien de clair.

« Je veux qu’il joue sa game dans notre game », a-t-il lancé, un sourire contrôlé au visage.

« Je sais qu’il marche sur la ligne et je ne veux pas l’empêcher de le faire, mais il faut qu’il contrôle ça en amenant sa robustesse et son énergie. »

C’est tout? Non.

Et c’est là que l’ambiguïté éclate en plein visage : Martin St-Louis veut la version brute, affamée, dérangeante de Florian Xhekaj… mais il trace en même temps une ligne rouge qu’il ne veut surtout pas voir franchie.

En clair, on lui demande d’être le même Xhekaj qu’à Laval, celui qui bouscule, qui dérange, qui fait lever le banc ... mais seulement dans les limites d’un plan de match serré, calculé, contrôlé.

Une demande presque paradoxale, surtout quand on sait comment son grand frère Arber s’est brûlé à essayer de décoder cette ligne invisible.

D’un côté, St-Louis accepte ouvertement l’idée que Florian « marche sur la ligne ».

De l’autre, il laisse entendre que cette ligne-là peut coûter cher si elle est franchie au mauvais moment.

Et ce sous-entendu traverse toute son intervention : le Canadien veut du muscle, mais pas du chaos. Il veut de la présence physique, mais pas un problème supplémentaire à gérer.

C’est une drôle de position, quand on y pense. Parce que si un joueur représente parfaitement le chaos apprivoisé, c’est bien Arber Xhekaj.

Et St-Louis n’a pas hésité à le rappeler en parlant de son grand frère. Il a évoqué sa maturité nouvelle, le fait qu’il « a appris » à mieux contrôler ce qu’il fait.

Pourtant, tout le monde voit que Xhekaj n’est plus le même. Il ne se bat plus comme avant. Il ne dicte plus le ton. Il ne prend plus le jeu personnellement.

Son swag s’est évaporé au fil des combats ratés, de la peur de faire payer l’équipe, et des pressions grandissantes pour « rester dans la game ».

Et c’est précisément cette fracture identitaire qui rend les propos de St-Louis si déroutants. Comment demander à Florian de marcher sur la ligne… quand on ne laisse plus vraiment son frère marcher dessus?

Même le jeune attaquant semble avoir perçu cette tension. Lorsqu’il a raconté son rappel, il avait encore la voix tremblante de l’adrénaline de la veille :

« Je faisais ma sieste d’avant-match… J’ai reçu quelques appels, mais j’étais fatigué et j’essayais de dormir, alors je les ai ignorés. Quand j’ai vu que c’était Pascal Vincent qui me disait que j’étais rappelé… j’étais sans mots. »

Une réponse simple, sincère, mais qui montre aussi un jeune homme qui arrive dans un contexte qui peut avaler un rookie en deux périodes.

Ce qui suit n’est pas plus rassurant pour lui :

« Leur style de jeu cadre bien avec le mien et je pense qu’on peut s’appuyer les uns et les autres », dit-il en parlant d’Evans et Anderson.

Une phrase qui sonne comme un désir de bien faire, mais qui porte aussi un poids lourd : celui de ne surtout pas être celui qui fout le trouble dans un match où le Canadien est déjà fragile.

Car le sous-texte de cette journée, c’est ceci : Florian est rappelé pour son énergie, mais il marche dans un corridor où chaque faux pas va être scruté.

Et pendant ce temps, son grand frère n’a plus le droit à l’erreur. Xhekaj n’est plus le policier redouté qu’il était.

Des combats perdus, des silences dans des moments où on attendait une réponse… et une équipe qui s’est fait brasser par Washington sans réplique collective.

La défaite contre les Caps a mis en lumière le problème : Montréal n’intimide plus personne.

Et c’est là que l’ambiguïté de St-Louis frappe le plus fort. Il veut du mordant, mais tempéré.

Du courage, mais pas de débordement.

De la robustesse, mais parfaitement calibrée.

Sauf que la robustesse calibrée, chez un Xhekaj, ça finit souvent par ressembler à un gars qui n’ose plus être ce qu’il est.

Le message du coach laisse donc deux lectures possibles : une invitation à embrasser son identité ou un avertissement que l’équipe ne tolérera plus les dérapages.

Dans les deux cas, Florian entre dans ce match avec une pression gigantesque.

Et derrière cette pression, une vérité que personne n’ose dire à haute voix : le Canadien espère que le rappel du petit frère réveille le grand.

Parce qu’en ce moment, l’identité physique du CH repose sur deux jeunes hommes qui n’ont jamais été aussi observés, aussi attendus, aussi jugés.

Et Montréal n’a plus le luxe d’être soft.

Pas contre Toronto.

Pas après Washington.

Pas avec la saison qui commence déjà à glisser.

L’ambiguïté de St-Louis n’est peut-être pas une erreur.

C’est peut-être son seul moyen de provoquer l’étincelle qu’il n’arrive plus à trouver ailleurs.

Misère...