Il y a des soirs où tout va de travers. Où chaque geste se transforme en erreur, chaque décision en catastrophe.
Pour Arber Xhekaj, ce match d’ouverture contre le Kraken de Seattle restera comme une nuit d’enfer. Une soirée où tout ce qu’il a tenté s’est retourné contre lui, sous les yeux d’un Centre Bell médusé.
Le joueur qu’on présentait comme plus mature, plus discipliné, plus prêt que jamais à s’imposer dans la brigade défensive du Canadien, a offert sa pire prestation depuis des mois.
Et dans une organisation où la patience de Martin St-Louis a ses limites, ce genre de performance laisse des cicatrices profondes.
Dès la première période, les signes étaient là. Nerveux, hésitant, Xhekaj semblait jouer sur des œufs. Ses premières présences ont manqué de tranchant, ses passes étaient molles, son positionnement incertain.
Et puis, ce qui devait arriver arriva : sur le deuxième but du Kraken, tout s’écroule. Pas capable de recevoir une passe, Xhekaj rate le contrôle.
La rondelle lui glisse entre les patins, rebondit sur sa lame, et finit directement sur le bâton de Jared McCann. Deux secondes plus tard, bang : la rondelle est derrière Montembeault. Une erreur de recrue, commise par un défenseur qui ne devrait plus en être une.
Et le pire, c’est que ce n’était qu’un début.
Alors que le CH venait d'égaliser à 3-3, Xhekaj son homme. Il s’est retrouvé à dériver du côté opposé de la couverture, laissant son joueur libre devant le filet. Brandon Montour a saisi la rondelle, décoché un tir sec, et la rondelle a filé entre les jambières de Montembeault.
Un but affreux, et surtout une faute de positionnement impardonnable. C’était la deuxième erreur directe de Xhekaj sur un but encaissé, et à ce stade, tout le monde dans l’amphithéâtre l’avait compris : il vivait un cauchemar.
Son regard perdu, ses épaules affaissées, tout traduisait un joueur dépassé par le moment. Il a terminé la rencontre avec un différentiel de -1, à peine dix minutes de jeu, et la conviction partagée par tous les observateurs : ce n’est pas un défenseur régulier de la LNH.
Tout le banc du Canadien se fige. Même Martin St-Louis baisse la tête, mâchoire serrée. Le genre de moment où un coach comprend qu’il devra trancher.
Car ce n’est pas la première fois que Xhekaj déçoit dans un moment clé. Depuis le début du camp, il vit sur un siège éjectable. Chaque match est un test, chaque erreur une pièce à conviction dans le dossier que St-Louis bâtit contre lui.
Et ce soir, la défense du CH a craqué à deux reprises sur des séquences directement liées à son jeu de pied et à son manque de lecture. Dans une équipe qui prône la transition rapide et le contrôle, ça ne pardonne pas.
Dès la deuxième période, les réseaux sociaux se sont enflammés. Les commentaires fusaient :
« Sort Xhekaj du line-up »
« Struble mérite sa place »
« Le Shérif est perdu ». Même sur les pages officielles du club, les réactions étaient brutales. Pour plusieurs, c’était le signal clair que la hiérarchie devait changer. Et à voir le visage fermé de St-Louis derrière le banc, personne n’a eu besoin d’une confirmation officielle. Il n’en aura probablement pas besoin non plus après ce match.
Car pendant que Xhekaj cumulait les revirements, Jayden Struble attendait son tour. Le défenseur américain, plus mobile, plus discipliné, a connu un excellent camp. Il est prêt, il est calme, il est dans les bonnes grâces du coach.
Et surtout, il n’a pas de surnom "fake" de shérif, pas de cirque médiatique, pas d’historique de distractions hors glace. Pour Martin St-Louis, ça compte.
Le vrai drame, c’est qu’entre ces deux hommes, tout est devenu personnel. St-Louis n’a jamais aimé la culture d’ego.
Il veut des joueurs formatés par le système, pas des personnalités. Et Xhekaj, malgré tous ses efforts récents pour se taire et se concentrer, traîne toujours le poids de son image : celle du « Shérif », du gars de Laval devenu star, du défenseur populaire qui attire la lumière.
Pour St-Louis, ça reste un problème culturel. Et un match comme celui-ci ne fait que confirmer ses doutes : Xhekaj n’est pas prêt à devenir un pilier.
Pourtant, le défenseur avait tout fait pour se racheter. Perte de poids, nouvelle diète, discours de modestie, travail avec sa mère Simona sur la nutrition et la rigueur.
Mais sur la glace, la réalité est cruelle : un coach ne juge pas ton assiette, il juge ton positionnement. Et ce soir, tout son jeu semblait broche-à-foin.
Ses appuis étaient lourds, ses relances imprécises, ses décisions tardives. Un joueur en panique, dans un système qui exige la lucidité.
Ce naufrage individuel fait ressortir la vérité : celle d’un CH qui, malgré tous ses beaux discours sur la progression de Xhekaj, sait bien qu'il est trop fragile défensivement.
Dans ce contexte, chaque erreur coûte cher. Et ce soir-là, celles de Xhekaj ont failli coûter la victoire.
Heureusement pour lui, ses coéquipiers ont évité la catastrophe. Ivan Demidov et Cole Caufield l’ont littéralement sauvé d’une soirée qui aurait pu virer au désastre total. D’abord Demidov, avec un bijou de but à moins de trois minutes de la fin, ramenant le Canadien à égalité et réveillant une foule déjà inquiète.
Puis Caufield, encore lui, venu conclure le travail en prolongation avec un tir parfait après une passe chirurgicale de Lane Hutson.
Sans eux, Arber Xhekaj serait sorti de la patinoire sous les huées. À la place, il s’en tire avec une victoire maquillée, mais le mal est fait : sa performance désastreuse ne passera pas sous silence, et tout indique qu’il sera remplacé par Jayden Struble dès le prochain match.
Parce que si Demidov et Caufield l’ont sauvé ce soir-là, personne ne pourra le sauver du jugement de Martin St-Louis.
Le banc du Canadien vibrait d’une tension évidente. On a vu St-Louis murmurer à ses adjoints, secouer la tête, raturer ses notes.
À la télévision, la caméra l’a montré plusieurs fois comme pour dire :
« Au prochain match, Jayden Struble rentre. » Ce n’est qu’une question de temps.
Les partisans, eux, n’ont pas pardonné.
Les forums, les pages Facebook, les comptes X, tout s’est enflammé après la séquence du 4e but. Certains parlaient d’un joueur “distrait par sa marque personnelle”.
Dans le vestiaire, même si personne ne le dira publiquement, le malaise se sent. Quand un joueur accumule les bourdes sous le regard froid du coach, les coéquipiers le savent : il est dans le viseur.
Car pour Xhekaj, ce n’est pas qu’un mauvais match. C’est un tournant. Un de ces soirs où une carrière bascule. S’il est retranché dès le prochain match, et tout indique que ce sera le cas, il pourrait ne jamais retrouver sa place de manière stable.
Surtout avec Struble qui pousse, Engström qui frappe à la porte, et même des rumeurs internes voulant que le CH teste le marché pour certains défenseurs... qui sont de trop...
Après tout, Jayden Struble a été offert aux Bruins avec Joshua Roy et Oliver Kapanen pour Pavel Zacha. De quoi faire réfléchir le CH. Mieux vaut attendre avant de se débarrasser de Struble.
Le plus cruel dans tout ça, c’est que Xhekaj n’a pas livré un match où il a manqué d'effort. Il a simplement été submergé. Trop lent dans ses lectures, trop nerveux dans ses gestes, trop conscient de ses erreurs. Et à Montréal, quand tu joues pour ne pas faire d’erreurs, tu es déjà condamné.
Le coach, fidèle à lui-même, n’a pas crié. Il ne l’a pas humilié. Mais tout dans son langage corporel annonçait la sanction : le banc, puis le retrait. St-Louis l’a déjà dit :
« Dans cette ligue, quand tu perds ton gars, tu perds ta place. » Et Xhekaj l’a perdue, deux fois plutôt qu’une.
Les prochains jours seront déterminants. Si St-Louis décide de faire entrer Struble dans la formation, le message sera sans pitié : la tolérance zéro est de retour.
Et Xhekaj, malgré ses muscles, ses efforts et sa bonne volonté, redeviendra un spectateur. Ce serait une chute brutale pour celui qui, il n’y a pas si longtemps, était perçu comme le futur défenseur intimidant du CH.
Au final, il ne sera jamais plus qu'un 7e défenseur.