Il y a des matchs de saison régulière qui, malgré les points au classement, ne comptent pas vraiment. Et il y en a d’autres qui deviennent des rendez-vous nationaux.
Des matchs qui polarisent, qui divisent, qui allument les médias, qui excitent les partisans et qui créent des tensions bien au-delà de la patinoire.
Tout le monde avait encerclé la date du 1er novembre 2025. Enfin, demain, on aura droit au duel entre le Canadien de Montréal et les Sénateurs d’Ottawa au Centre Bell.
Parce que le coup de hache de Nick Cousins sur Ivan Demidov, le 30 septembre dernier au Centre Vidéotron, n’a pas été oublié. Ni par les joueurs. Ni par les partisans. Ni par Arber Xhekaj.
« On se souvient de ce qui s’est passé. Personne n’aime les coups salauds comme celui-là », a lâché Xhekaj, après l’entraînement de vendredi, les dents serrées.
Depuis ce soir-là à Québec, où Cousins a été expulsé sans jamais devoir répondre de ses actes, le sentiment d’injustice s'est amplifié.
À Montréal, les amateurs les plus enragés ont traqué Cousins sur les réseaux sociaux, allant jusqu’à l’intimider personnellement, au point qu’il a été forcé de rendre son compte Instagram privé.
Le joueur, dont la réputation de sale garnement était déjà bien établie, est devenu une figure détestée, méprisée, et peut-être même menacée.
À Ottawa, la direction s’est murée dans le silence, refusant de condamner clairement le geste, préférant noyer l’affaire dans l'argument d’un « match préparatoire émotif ».
Mais dans le vestiaire montréalais, personne n’a tourné la page. Et samedi soir, devant une foule chauffée à blanc, il y aura des comptes à régler.
Ça sent le bain de sang... comme à Québec...
Depuis le camp d’entraînement, cette rivalité ne cesse de grimper d’un cran. Le match du 30 septembre au Centre Vidéotron avait été un festival de punitions, avec 152 minutes décernées par les officiels.
Mais curieusement, le match retour disputé quelques jours plus tard au Centre Bell avait été d’un calme déroutant.
« C’était le dernier match présaison. Tout le monde souhaitait sortir du calendrier préparatoire sans se blesser », a expliqué Xhekaj.
Maintenant que la vraie saison est commencée, il n’y a plus d’excuse. Xhekaj, Anderson, Struble et les autres seront au rendez-vous. Et ils n’auront plus à se retenir.
« Je ne sais pas si on reprendra les choses là où on les avait laissées à Québec. Ça avait été pas mal fou. Mais ce sera assurément plus intense que lors du match suivant », a prévenu Xhekaj, prêt à bondir à la moindre étincelle.
Même discours du côté de Jayden Struble, qui a résumé l’ambiance d’un mot : haine.
« Ici, personne n’aime les Sénateurs et ils ne nous aiment pas. Quand la haine est mutuelle, ça donne toujours de bons matchs. »
Le message est clair : l’affrontement de samedi ne sera pas un simple match de hockey. Ce sera une guerre de tranchées, où les gestes passés ne seront ni oubliés ni pardonnés.
Depuis son geste ignoble contre Ivan Demidov, Nick Cousins est devenu l'ennemi public numéro un. Même dans son propre vestiaire, plusieurs vétérans auraient exprimé leur malaise face à l’intensité des réactions.
La famille de Cousins a même été visée sur les réseaux sociaux. Mais plutôt que de calmer le jeu, les Sénateurs ont choisi d’envenimer la situation en rappelant plusieurs joueurs dits « physiques » de la ligue américaine dans les jours suivants. L’objectif était clair : envoyer un message.
Résultat? Deux humiliations consécutives : une dégelée de 5-0 contre le Canadien, suivie d’un 7-1 contre les Blues de Saint-Louis. Douze buts encaissés contre une seule réussite. Les jambons envoyés pour protéger Cousins n’ont protégé personne. Et encore moins le filet.
Pas pour rien que les Sens se sont mal préparés pour la saison et qu'ils ont connu un mauvais départ en saison régulière. (ils se sont replacés et jouent maintenant au-dessus de 500 avec une fiche de 6-5-1).
Mais malgré tout, l’organisation persiste. L’entraîneur des Sénateurs, Mike Green, jette de l'huile sur le feu.
Il a affirmé que son club se faisait encore manger physiquement depuis le début du camp, comme si la solution était d’enfoncer davantage le clou de la brutalité.
La définition de la folie, c’est de répéter les mêmes erreurs en espérant un résultat différent. Et à Ottawa, la folie semble être devenue ligne directrice.
Le Centre Bell, demain, sera un ring de boxe ou le temple du règlement de comptes? Les deux en même temps.
Ce qui plane sur ce duel, au-delà des coups et des mots, c’est un malaise plus profond : celui d’un sport qui flirte avec la vengeance personnelle comme outil de justice.
Car si la LNH refuse de punir sévèrement des gestes comme celui de Cousins, elle force les joueurs à se faire justice eux-mêmes. C’est ce qu’Arber Xhekaj s’apprête à faire.
À chaque fois qu’il enfile son chandail rouge, Xhekaj devient l’exécuteur d’un code non écrit. Un code qui dit que certains gestes ne peuvent pas rester impunis. Et dans cette logique-là, Nick Cousins ne peut pas s’en sortir sans payer le prix.
Les partisans le savent. Les médias aussi. Il est quasiment certain que Xhekaj va courir après Cousins toute la soirée.
Mais il faudra un joueur plus petit que Xhekaj pour se battre avec "le rat". Le Shérif, lui, va se battre avec Kurtis MacDermid, que les Sens sont allés chercher au New Jersey uniquement pour ce match.
La ligne entre justice et vengeance reste floue. Est-ce qu’un coup de poing peut réparer un coup de hache? Est-ce qu’un bain de sang peut refermer une blessure symbolique? Le hockey vit avec cette ambiguïté depuis toujours. Et samedi, au Centre Bell, elle prendra forme devant 21 000 spectateurs en délire.
Comme l’a confirmé Martin St-Louis, c’est Samuel Montembeault qui sera devant le filet du Canadien pour cette rencontre électrique. Pour lui, ce sera un retour après dix jours de congé. Un test autant physique qu’émotionnel.
Si la bagarre éclate, si les esprits s’échauffent, si les Sénateurs reviennent avec leurs menaces à peine voilées, Montembeault devra garder la tête froide.
Mais au moins, il sait qu’il sera protégé.
Le vestiaire du CH, malgré les blessures et les tensions, est plus uni que jamais. Ce n’est pas la première fois que Xhekaj endosse le rôle de gardien de la paix. Ce ne sera pas la dernière. Et Demidov, toujours marqué par le geste de Cousins, sait qu’il pourra patiner l’esprit plus tranquille.
Malgré l’ampleur de la controverse, la LNH n’a jamais sévi sérieusement contre Nick Cousins. Pas de suspension. Pas de mea culpa. Rien. Un silence coupable.
Mais le public, lui, n’a rien oublié. Ce samedi, les huées fuseront dès la première présence de Cousins. Des pancartes seront levées. Des insultes pleuvront. Il n’est pas impossible que des projectiles atterrissent sur la glace. La colère est encore vive. Et le Centre Bell est prêt à exploser.
Et dans ce contexte-là, même la Série mondiale, si elle devait aller en sept matchs, aurait de la difficulté à rivaliser avec ce que le Centre Bell s’apprête à offrir.
Le plus inquiétant, c’est que cette rivalité, bien que captivante, commence à franchir les limites du raisonnable. Les menaces de mort reçues par Cousins, le harcèlement sur les réseaux sociaux, les rappels de goons, les coachs qui en redemandent… Tout ça dépasse le cadre du hockey.
Mais tant que la LNH restera passive, tant que les clubs valoriseront l’intimidation, tant que les spectateurs applaudiront les combats, rien ne changera.
Alors samedi, à défaut de justice officielle, le peuple réclamera vengeance. Et Xhekaj sera leur bras armé.
