Arber Xhekaj vient peut-être de sauver sa peau – ou peut-être juste de retarder l’inévitable.
Dans une soirée trempée d’émotions, de nostalgie et de frissons avec l’hommage à Andrei Markov, c’est finalement le “Shérif” lui-même qui a décidé d’enflammer le Centre Bell à sa façon : en jetant les gants, et en remportant le combat le plus important de sa carrière… parce que c’était probablement sa dernière chance de prouver qu’il respire encore.
Et l’adversaire n’était pas n’importe qui.
Adam Lowry.
Six pieds cinq, 210 livres, capitaine des Jets, pas un “heavyweight”, mais un vrai colosse, un vrai homme, un vrai joueur mature qui ne tombe pas dans le piège facilement.
Exactement le genre de gars qu’un Xhekaj en crise d’identité n’aurait jamais affronté il y a deux semaines.
Et pourtant, ce soir…
Xhekaj n’a pas seulement levé les gants : il a levé une montagne entière.
Dans un Centre Bell nerveux, épuisé, traumatisé par deux humiliations de suite et par l’impression que la structure de Martin St-Louis s’effrite comme un meuble IKEA mal vissé, Xhekaj a choisi le seul langage qu’il maîtrise encore parfaitement : frapper pour rester en vie.
Un combat clair. Une victoire claire. Une réponse claire.
Personne ne l’a manqué.
Personne ne l’a ignoré.
Personne ne peut prétendre que ça n’a rien changé dans l’ambiance.
La foule a sauté comme si on venait de marquer un but en prolongation.
Mais est-ce que ça règle quelque chose?
C’est là que l’histoire devient cruelle, parce que cette bataille n’était pas une bataille sportive.
C’était une bataille de survie.
Depuis 48 heures, Arber Xhekaj était devenu l’homme le plus haï de Montréal.
Décrit comme un lâche, ridiculisé par les partisans, déchiqueté par les médias, et exécuté verbalement par Gilbert Delorme, qui avait littéralement déposé son épitaphe :
« C’est la fin de sa carrière à Montréal. »
Quand un ancien joueur qui connaît la ville dit ça, ça résonne comme une condamnation.
Et Xhekaj l’a entendu.
C’était visible sur sa face depuis une semaine :
Plus aucun sourire.
Plus aucune confiance.
Plus aucune présence physique.
Un joueur qui se cachait derrière son bâton comme si la bande allait le sauver.
Pendant ce temps, les rumeurs de transactions s’accumulaient :
Vancouver.
Nashville.
St. Louis.
Même l’idée folle d’un package Xhekaj + un 1er choix pour aller chercher du vrai talent offensif.
Son nom était devenu du “stock”, pas un joueur.
Alors oui, ce combat contre Lowry était une réponse.
Mais c’était surtout un cri.
Un dernier « je suis encore là ».
Un dernier « laissez-moi une chance ».
Un dernier « je ne suis pas fini ».
Martin St-Louis l’a entendu… mais est-ce qu’il va y croire?
Parce que c’est là le vrai problème.
Xhekaj n’a pas seulement été hué :
Il a été transformé.
Robotisé.
Débranché de tout ce qui faisait de lui le Shérif.
On a voulu en faire un défenseur moderne.
Un joueur “smart”.
Un gars prudent, studieux, calme, calculateur.
On l’a dénaturé.
On a retiré la prise électrique qui alimentait sa carrière.
Et maintenant, c’est lui qui paye le prix.
On ne peut pas demander à un ours de devenir un danseur de ballet.
On ne peut pas demander à un volcan de devenir un pot Masson décoratif.
Xhekaj est ce qu’il est : un chaos ambulant.
Un marteau humain.
Un acteur du désordre qui nourrit une équipe molle et qui empêche les enfants de se faire intimider.
Le timing est terrible… ou parfait.
Parce que le Canadien vit exactement le genre de séquence où un shérif devient utile :
Un jeu d’équipe fissuré, une identité perdue, un système en panique.
Une ligne bleue qui fond dès qu’on la touche.
Et au milieu de cette période gris foncé…
Xhekaj se lève.
Le pire moment?
Ou le seul moment où ça voulait encore dire quelque chose?
Il y a un monde où cette bataille rallume une mèche.
Un autre où ça ne change rien.
Mais ce combat n’était pas sportif.
C’était symbolique.
Pendant que l’équipe s’écroule, pendant que Suzuki se fait auditioner devant les dirigeants d’Équipe Canada, pendant que tout le monde est sur la loupe… Xhekaj vient rappeler qu’il reste encore un cœur qui bat dans ce vestiaire.
Alors, est-ce suffisant?
Honnêtement?
Personne ne le sait.
Peut-être que Kent Hughes a déjà décidé.
Peut-être que Montréal a déjà tourné la page.
Peut-être que tout ça ne fait que retarder la fin.
Mais il y a une vérité impossible à nier :
Ce soir, Arber Xhekaj n’a pas seulement gagné un combat.
Il a retrouvé son âme.
AMEN
