Arber Xhekaj veut sa revanche ce soir.
Car il y a des matchs qui comptent au classement, d’autres qui comptent pour le vestiaire, et puis il y a ceux qui comptent pour l’identité d’un joueur, pour ce qu’il est, pour ce qu’il représente, pour ce qu’il prétend encore être.
Celui de ce soir appartient à cette dernière catégorie pour le défenseur.
Parce que Tanner Jeannot n’est pas qu’un adversaire de plus. Il représente le moment précis où le mythe du shérif a commencé à se briser, avant de s’effondrer sous le regard de tout le Québec:
On se souvient très bien de ce combat-là. Ce n’était pas un duel équilibré, ou une guerre d’usure. Xhekaj ne pouvait pas dire que c'était un combat où chacun est reparti meurtri, mais debout.
C’était une correction. Une domination claire, nette, sans équivoque. Le Shérif s'est retrouvé sur le derrière et a été humilié devant le Québec en entier.
Ce soir-là, ce n’est pas seulement un combat que le shérif a perdu. C’est son aura. Son autorité. Sa fonction.
À partir de là, tout a changé. Arber Xhekaj a perdu combat après combat. Certains chroniqueurs ont cherché un coupable facile, allant jusqu’à lancer des accusations gratuites, la plus grave provenant de TVA Sports, où Jean-Charles Lajoie a affirmé en ondes que Georges Laraque serait responsable de la chute mentale et technique de Xhekaj.
Laraque a calmement répondu qu’il ne travaillait plus avec Xhekaj depuis longtemps, que la rupture est survenue lorsque le défenseur montréalais a mal accepté que Laraque entraîne aussi Matt Rempe, et que, surtout, une directive claire de l’organisation du Canadien a mis fin à cette collaboration, précisant même que le dernier à avoir travaillé avec des joueurs du CH sur cet aspect précis était PJ Stock.
On peut comprendre pourquoi Xhekaj s'est écroulé. Stock lui enseignait la technique de "tie-up", efficace pour un petit bagarreur courageux de son gabarit, mais qui ne correspond absolument pas au profil explosif et massif d’un monstre comme Xhekaj, ce qui explique bien mieux la perte d’instinct, l’hésitation et la correction contre Jeannot.
Xhekaj tentait de s'agripper par peur au lieu de se battre pour vrai.
Les combats suivants n’ont plus été des réponses naturelles, mais des tentatives de réparation. Toujours la même histoire : Xhekaj qui accepte, Xhekaj qui s’expose, Xhekaj qui encaisse plus qu’il n’impose. Ce qui était autrefois un rôle assumé est devenu un piège. Ce qui intimidait est devenu une invitation à se faire tabasser.
Et c’est précisément pour ça que ce soir est différent..
Parce que Xhekaj ne monte pas sur la glace avec une dette ordinaire à payer. Il arrive avec la dette fondatrice, celle qui a fait basculer la perception autour de lui, celle qui a donné naissance à ce discours de plus en plus répandu : le shérif n’existe plus.
Et dans une organisation où son jeu défensif est constamment remis en question, où ses minutes sont fragiles, où son nom circule sur le marché des transactions, il n’a plus le luxe de choisir ses moments.
Ce n’est pas une question de vengeance émotionnelle. C’est une question de survie professionnelle.
Car soyons clairs : sans cette dimension physique dominante, Arber Xhekaj devient un défenseur remplaçable. Il n’est pas un quart-arrière. Il n’est pas un spécialiste du désavantage numérique. Il n’est pas un stabilisateur silencieux. Il est, ou il était, un dissuadeur.
Un avertissement vivant. Un message envoyé avant même la mise au jeu.
Or, quand ce message n’est plus crédible, tout le reste s’écroule.
Ce soir, face à Jeannot, Xhekaj ne peut pas se permettre un combat tiède. Il ne peut pas se permettre une glissade, une perte d’équilibre, un échange sans conclusion.
Il ne peut pas se retrouver à genoux. Il doit reprendre le territoire, au sens symbolique du terme. Pas nécessairement gagner avec panache, mais imposer le respect. Sortir de l’échange debout et stable.
Parce que si Jeannot le domine une deuxième fois, dans le même récit, devant la même ligue, la sentence sera définitive.
Et c’est là que le contexte devient cruel : Xhekaj n’a plus droit à l’erreur, alors que d’autres, autour de lui, progressent sans cette pression écrasante. Adam Engström pousse à la porte. Le Canadien, lui, veut son shérif de retour.
Ce combat-là n’est donc pas une parenthèse dans le match. Il est le match dans le match. Celui qui décidera si Xhekaj peut encore imposer sa loi, ou s’il n’est plus qu’un vestige d’une époque révolue, celle où sa simple présence suffisait à calmer les ardeurs adverses.
La LNH est une ligue sans mémoire affective. Elle se souvient uniquement de ce que tu fais maintenant.
Et ce soir, Arber Xhekaj n’a qu’une option : réécrire l’histoire face à celui qui l’a fait dérailler.
Parce que s’il tombe encore… ce ne sera plus une phase difficile.
Ce sera la fin du shérif.
