Il y a des choix qui passent inaperçus. Et puis il y a ceux qui, au fil du temps, pourraient bien faire frissonner les recruteurs qui les ont ignorés.
Le nom de Bryce Pickford, sélectionné au 81e rang par le Canadien de Montréal, appartient sans doute à la seconde catégorie.
À première vue, rien ne semble extravagant dans ce choix de troisième ronde. Un défenseur droitier de six pieds, 190 livres, originaire d’Edmonton, repêché à sa deuxième année d’éligibilité, après avoir été snobé en 2024.
Mais derrière ce profil discret se cache peut-être une trouvaille. Un diamant pas encore poli, mais déjà scintillant par instants.
Et à voir les gestes posés par Kent Hughes au cours des derniers jours, l'acquisition de Noah Dobson et sa signature à long terme, une chose est claire : le Canadien a un plan. Un plan qui mise sur la relance, la mobilité et le jeu de transition à haute vitesse. Et Bryce Pickford incarne parfaitement cette philosophie.
On parle d'un défenseur offensif explosif. La preuve? Ses 20 buts en 2024-2025... explosifs...
Pickford a connu une saison éclatante avec les Tigers de Medicine Hat dans la WHL, enfilant 47 points en 48 matchs en saison régulière, avec un différentiel de +34.
Mais c’est surtout en séries qu’il a fait sauter les radars : 13 buts et 24 points en seulement 18 rencontres, jouant un rôle clé dans la conquête du championnat de la WHL.
Les Tigers ont atteint la finale de la Coupe Memorial, s’inclinant contre les puissants Knights de London, mais Pickford est ressorti grandi de cette expérience.
Il a non seulement été un électrochc offensif, mais aussi un leader : il portait un « A » sur son chandail, témoignage de la confiance que lui vouaient ses entraîneurs.
Dans les moments importants, il ne fuyait jamais la responsabilité. C’est dans le feu des séries qu’il a forgé sa réputation d’arrière dangereux, imprévisible, capable de marquer ou de créer un jeu à tout moment.
On parle du prototype du défenseur moderne.
Dans la foulée de l’acquisition de Dobson et du Calder de Lane Hutson, puis de la sélection de Pickford, le message est clair : le Canadien bâtit une armée de défenseurs modernes.
Des joueurs capables de récupérer la rondelle, d’effectuer une première passe chirurgicale ou, mieux encore, de prendre le jeu à leur compte en transportant la rondelle à travers les zones. Pickford, c’est exactement ça.
Il est reconnu pour son sens du jeu, sa capacité à lire l’action et à attaquer les espaces libres. Il adore se positionner au point d’appui pour décocher des tirs, mais sait aussi feinter, bouger latéralement pour se créer une ligne de tir ou distribuer la rondelle à un coéquipier démarqué.
Sa précision est redoutable, tant sur son tir frappé que sur son lancer des poignets.
Sa façon de cacher ses intentions, de recevoir une passe dans le mouvement et de déclencher sans avertir, rappelle par moments certains spécialistes de l’attaque à cinq dans la LNH.
Certains observateurs osent même une comparaison flatteuse : un style inspiré de Cale Makar, bien sûr, sans prétendre à ce niveau de domination, mais avec un profil stylistique semblable.
Pourquoi a-t-il glissé au repêchage?
On peut s’interroger : pourquoi un tel joueur a-t-il été ignoré en 2024? Et pourquoi certains classements en 2025 l’ont-ils encore classé aussi bas, jusqu’à 262e?
La réponse se trouve dans son développement tardif et ses limites perçues en défensive. Pendant longtemps, Pickford était vu comme un joueur unidimensionnel, trop porté sur l’attaque, manquant de constance en couverture et de robustesse en zone défensive.
Il y a aussi son gabarit : six pieds, ce n’est ni petit ni imposant, et certains recruteurs recherchent des défenseurs plus massifs, surtout dans les rondes tardives.
Mais à Medicine Hat, Pickford a rectifié le tir. Il est devenu plus responsable, plus fiable. Il comprend maintenant quand appuyer l’attaque, quand reculer.
Il ne remporte pas toutes ses batailles physiques, mais il lit bien les trajectoires et coupe les jeux. Son intelligence compense certaines carences physiques. Il est aussi un excellent patineur, ce qui l’aide à revenir rapidement en position.
Dans un repêchage où de nombreux défenseurs robustes, mais limités offensivement, ont été choisis plus tôt, le Canadien a osé faire un pari technique, un pari d’intelligence hockey.
Bryce Pickford n’est pas le genre de joueur qui va dominer dans le coin de la patinoire, mais il peut changer l’allure d’un match sur une relance éclaire ou une passe millimétrée.
Cette audace, elle rappelle les stratégies de certaines équipes modernes comme le CH, qui misent sur des défenseurs agiles pour alimenter l’attaque plutôt que sur des piliers strictement défensifs.
Pickford n’est pas un produit fini. Loin de là. Il doit améliorer son positionnement défensif, apprendre à être plus physique dans ses batailles à un contre un, et à réagir plus rapidement aux changements de direction en zone défensive.
Il peut parfois être pris à contre-pied quand il tente de sauter dans le jeu offensif sans couverture adéquate derrière lui.
Sa prise de décision sous pression doit aussi gagner en constance. Il lui arrive encore de forcer une passe risquée, ou de retarder un peu trop l’action.
Mais ce sont des erreurs corrigibles, surtout pour un joueur qui démontre une volonté évidente d’apprendre et de progresser.
Il reste une inconnue : le parcours de développement de Pickford. Il n’a pas encore confirmé s’il demeurera dans la WHL ou s’il tentera sa chance dans la NCAA, où il pourrait bénéficier d’un horaire allégé et d’un encadrement plus ciblé.
Certains experts estiment qu’un passage dans la NCAA l’aiderait à ajuster son jeu à la rigueur défensive nord-américaine et à se préparer pour l’AHL puis la LNH.
Mais peu importe la voie choisie, l’important sera qu’il reçoive du temps de glace, qu’il continue à jouer sur l’avantage numérique, et qu’on lui permette de polir ses instincts sans lui imposer une camisole de force.
Au moment où le Canadien bâtit une défensive dynamique, Bryce Pickford pourrait s’insérer, à long terme, dans un troisième duo capable de soutenir l’attaque et de jouer sur le deuxième avantage numérique.
Mais s’il atteint son plein potentiel, et qu’il parvient à corriger ses faiblesses, il pourrait très bien devenir un défenseur top 4 à saveur offensive.
Son plus haut plafond? Un joueur capable de produire 30 à 40 points, tout en étant fiable sur 18 à 20 minutes par match.
À l’ombre des projecteurs, dans une troisième ronde souvent dominée par des joueurs plus conservateurs, Kent Hughes et Jeff Gorton ont peut-être mis la main sur un joyau méconnu. Pickford n’a pas le nom le plus séduisant, ni le profil le plus rassurant à court terme. Mais son "upside" est indéniable.
Avec Dobson et Hutson, le Canadien est en train de se bâtir une défense faite de relance, de flair et de prise d’initiative. Le message est clair : la vitesse, l’audace et la créativité sont au cœur du projet.
Et Bryce Pickford, le 81e choix au total, pourrait en être l’un des éléments les plus intrigants.