La bourde monumentale de Martin St-Louis a été un coup de massue sur la crédibilité du banc du Canadien
Dimanche soir au Centre Bell, le rideau est tombé brutalement. Pas seulement sur une partie de hockey, mais sur l’illusion persistante que Martin St-Louis pouvait naviguer, à force d’instinct et d’intelligence émotionnelle, dans les eaux troubles d’une série éliminatoire.
L’inexpérience évidente du coach du Canadien est apparue en pleine lumière, au moment précis où il a décidé – à 2 minutes 47 secondes de la fin – de retirer Jakub Dobes. Trop tôt. Beaucoup trop tôt.
Les journalistes présents dans la salle de presse l’ont senti immédiatement. L’erreur était évidente, palpable, révoltante.
Dans un match où le Canadien était en contrôle du momentum malgré un score défavorable de 3-2, Martin St-Louis a cédé à l’empressement, croyant pouvoir provoquer un miracle offensif en forçant le jeu.
Mais au hockey, comme dans la vie, il y a des moments pour forcer et d’autres pour attendre. Cette subtilité, cet instinct du temps juste, St-Louis ne l’a pas encore.
Et quand il s’est présenté devant les médias le lendemain, son orgueil blessé pouvait se sentir sous chacun de ses mots.
« Je ferais la même chose si c’était à refaire », a-t-il tranché, comme pour couper court à toute autocritique. Pas un once de remise en question.
Pourtant, tout le monde savait. Tout le monde dans la salle savait. Même ses plus grands défenseurs regardaient leurs chaussures. Car ce n’était pas une décision courageuse. C’était de l’inexpérience, habillée en courage mal placé.
La dure réalité : Martin St-Louis se fait out-coacher.
La différence est sans pitié.. En face, Spencer Carbery, malgré ses 42 ans, démontre une maîtrise tactique supérieure.
Pourquoi ? Parce qu’il a fait ses classes. ECHL, OHL, AHL, adjoint dans la LNH avant de devenir chef. Un vrai cheminement d’entraîneur, un apprentissage dur et méthodique, loin de la gloire instantanée.
Carbery sait comment manipuler les confrontations, comment installer son plan de match et comment ajuster ses trios en fonction de l’évolution du match.
Et surtout, Carbery s’est entouré de vétérans aguerris comme Kirk Muller, un stratège reconnu et respecté. Pendant ce temps, Martin St-Louis, lui, s’est isolé dans un cercle de confiance hermétique, où le seul guide est son propre instinct.
Dimanche soir, ça lui a explosé au visage.
Le Centre Bell a assisté à un naufrage en direct.
Le Canadien avait la possession en zone offensive, oui. Mais retirer ton gardien aussi tôt, sans certitude absolue de domination territoriale, contre une équipe comme Washington, robuste et efficace, c’était suicidaire.
En quelques secondes, Lane Hutson perd la rondelle sous la pression de Brandon Duhaime, Nic Dowd récupère et le but d’assurance est inscrit dans un filet désert.
Cinq secondes. C’est tout ce que ça a pris pour transformer une défaite crève-cœur en humiliation.
Et pendant ce temps-là, dans la salle de presse, le malaise était évident. Quand les journalistes ont doucement insinué que St-Louis avait commis une erreur de débutant, il s’est braqué.
On connaît l’ego de Martin St-Louis. Fier, borné parfois. Il refuse de donner des munitions aux critiques. Mais au fond, il savait. Son regard fuyant, son ton sec, tout trahissait qu’il savait.
La réalité froide est clair et nette : Martin St-Louis est intelligent, mais il n’est pas encore un entraîneur complet.
La gestion d’une fin de match de série éliminatoire ne s’apprend pas en salle de conférence, ni en repassant ses exploits de joueur étoile.
Cela s’apprend en mangeant des coups, en faisant des erreurs dans des ligues de moindre pression, en vivant des échecs formatifs dans l’ombre.
Martin St-Louis a été parachuté directement à la tête du plus grand club de hockey au monde, sans jamais avoir fait ses classes. Et aujourd’hui, la vérité éclate : il lui manque des outils. De gros outils.
Oui, il a changé la culture de l’équipe. Oui, il a insufflé de l’enthousiasme, du respect, une approche humaine. Mais lorsqu’il s’agit de coacher une série de la LNH, dans la boue, sous la pression, contre des stratèges rusés… il est dépassé.
Le pire dans tout ça : il refuse d’apprendre de ses erreurs.
Il aurait pu, lundi, désamorcer la bombe. Reconnaître, même du bout des lèvres, que peut-être il aurait pu attendre quelques secondes de plus avant de retirer son gardien. Mais non. Il a campé sa position. Il s’est barricadé dans son entêtement.
« J’avais encore mon temps d’arrêt », a-t-il plaidé. « Avec six gars, même si tu perds la mise au jeu, tu as plus de chances de récupérer. »
Des justifications théoriques. Déconnectées du contexte réel : la nervosité de son jeune groupe, la pression monstrueuse, le fait que l’adversaire attendait ce genre d’erreur pour planter le dernier clou dans le cercueil.
À l’image de ses erreurs de "matchups" — où Carbery parvient toujours à sortir Dylan Strome du duel contre Suzuki —, Martin St-Louis se fait dominer.
Et à chaque mauvaise décision, la pente devient de plus en plus lourde.
Le résultat?
Le Canadien est aujourd’hui au bord de l’élimination. Tout ça parce que dans un moment critique, un coach inexpérimenté a fait confiance à son instinct au lieu de respecter les règles élémentaires du jeu tactique.
Parce qu’au hockey de séries, la patience est une arme. Savoir attendre. Savoir provoquer son moment. Ne pas forcer.
Carbery l’a compris. St-Louis, pas encore.
Le message est clair : si Martin St-Louis veut réussir à long terme, il va devoir évoluer.
Il va devoir accepter que l’instinct, aussi aiguisé soit-il, ne remplace pas l’expérience. Il va devoir s’entourer de stratèges capables de le challenger, de lui souffler à l’oreille des conseils difficiles à entendre. Il va devoir apprendre à écouter.
Sinon, d’autres soirs comme celui de dimanche se reproduiront. Encore. Et encore.