Perte de patience à Brossard: Martin St-Louis frustré par la question de Jeremy Filosa

Perte de patience à Brossard: Martin St-Louis frustré par la question de Jeremy Filosa

Par David Garel le 2025-10-06

Il ne fallait pas cligner des yeux dans la salle d’entrevue de Brossard pour ressentir la tension.

Martin St-Louis, habituellement maître de son discours, y était visiblement à fleur de peau. Et ce n’est pas un journaliste arrogant ou provocateur qui l’a déstabilisé. C’est une question calme, posée avec méthode par Jérémie Filosa de Cogeco, qui a mis le feu à la mèche.

La question était simple. Presque innocente, dans le contexte d’une équipe qui était sur le point de perdre Samuel Blais aux mains des Maple Leafs de Toronto via le ballottage : le quatrième trio du Canadien est-il suffisamment robuste pour survivre à la réalité de la LNH?

Une interrogation tout à fait pertinente, à l’heure où Jake Evans, Josh Anderson et Patrik Laine forment un quatrième trio qui inquiète.

Un trio qui, malgré la présence d'Anderson, n’inspire ni peur ni respect physique. Evans ne frappe pas. Laine ne frappe pas. Et Anderson, aussi courageux soit-il, ne peut jouer ce rôle à lui seul.

Filosa, dans sa franchise habituelle, a donc voulu éclaircir la vision de l’entraîneur : 

« Même le quatrième trio n’a pas nécessairement besoin d’avoir cet aspect différent? » Une phrase posée sans animosité. Mais qui a fait sursauter St-Louis, comme si on venait de remettre en question ses principes les plus fondamentaux.

Martin St-Louis : « C’est quoi, tu veux dire? » 

Filosa : « Tu as trois trios qui vont se ressembler, qui vont faire beaucoup de même travail, qui vont supporter la première ligne. Mais même le quatrième trio n’a pas nécessairement besoin d’avoir un rôle spécifique différent? »

St-Louis (plus sec, visiblement agacé) : « C’est quoi, tu verrais de ce rôle-là ? Une quatrième ligne, habituellement, un peu ce qu’on a vu. Jusqu’à il y a 5-10 ans, comparativement, explique-moi c’est quoi ce rôle-là. »

Filosa : « Mettons plus de robustesse ou une mission défensive. »

St-Louis : « Quand tu regardes les séries de la Ligue nationale, est-ce que tous les trios amènent de la robustesse? Ils amènent tous du papier sablé. »

Filosa : « Certains plus que d’autres. »

St-Louis : « Oui, c’est plus facile pour certains joueurs. Mais en général, c’est une identité que tu essaies de créer. À travers ton line-up, il faut que tu joues avec de la robustesse. »

St-Louis : « Il ne faut pas juste que tu cherches de la robustesse, mais quand c’est ton tour d’amener du papier sablé, il faut que tu l’amènes. Je pense qu’on veut ça à travers toutes nos lignes. Ce n’est pas parce que le joueur c’est un peu son identité d’être ça. Mais ce n’est pas comme si c’était juste ça qu’il faut qu’il fasse.

Il faut qu’il joue de la game collective à 5 contre 5. Ce n’est pas parce que tu es un gars qui est talentueux offensivement que tu n’es pas obligé de jouer la game à 5 contre 5, que tu n’es pas obligé d’amener du papier sablé.

Collectivement, il faut élever ça, ce papier sablé-là. Je pense qu’à travers nos lignes, on a tous des joueurs qui sont capables de le faire, plus facilement que d’autres. Mais on demande à tout le monde d’amener ça. »

Ce long discours, parsemé d’interruptions, de reformulations et d’un ton de plus en plus défensif, trahit une nervosité évidente.

On pouvait voir la fumée sortir par les oreilles de St-Louis:

Saint-Louis semble chercher ses mots, comme pour justifier une décision dont il sait pertinemment qu’elle fait froncer bien des sourcils dans le vestiaire comme dans les gradins.

Ce n’était pas une attaque de Filosa. Ce n’était pas une provocation. Mais la réponse de l’entraîneur a été tout sauf détendue.

Loin de la fluidité et de l’intelligence émotionnelle qu’on lui connaît, Martin St-Louis est apparu irrité, voire presque piqué au vif. Comme s’il anticipait les critiques, ou qu’il savait qu’il avait raté un virage.

Et comment ne pas penser à Samuel Blais, réclamé la veille par les Leafs? Ce même Blais qui avait livré une performance musclée dans les matchs préparatoires.

Ce même Blais qui pouvait combler ce rôle de papier sablé avec aplomb, exactement ce dont Filosa parlait.

Personne ne dira ouvertement que Martin St-Louis a poussé Blais vers la sortie. Mais dans les faits, le trio Evans–Laine–Anderson n’a jamais permis à Blais de se tailler une vraie place. Et quand Toronto a tendu la main, Montréal a laissé filer.

Résultat? Le Canadien se retrouve avec un quatrième trio à l’identité floue, sans mordant, et dont la fragilité sera exploitée dès les premières joutes sérieuses.

Ce n’est donc pas un hasard si la question de Filosa est tombée à ce moment précis. Et ce n’est pas un hasard non plus si St-Louis a mal réagi.

Il savait. Il savait que cette question viendrait. Il savait que le départ de Blais serait perçu comme un aveu d’impuissance. Et surtout, il savait qu’un quatrième trio composé de joueurs talentueux, mais pas physiques, poserait problème.

Au centre de ce trio, Jake Evans. Travailleur, fiable, mais pas un leader physique. À l’aile, Patrik Laine, qui semble en cure de réhabilitation mentale, pas en mission pour distribuer les mises en échec.

Et dans tout ça, Josh Anderson, qui devra jouer au policier, à l’énergiseur, au motivateur et au patineur. Trop de rôles pour un seul homme.

Le trio ne tient pas debout. Et tout le monde le voit, sauf peut-être Saint-Louis, qui préfère élever le débat à des considérations générales sur « le papier sablé collectif ». Une réponse vague. 

Filosa a eu raison. Et Saint-Louis doit s’ajuster... au lieu de se cacher...

En posant une question posée, mais cruciale, Jérémie Filosa a agi comme un vrai journaliste de terrain. Il a vu ce que les fans voient. Ce que les recruteurs voient. Ce que les analystes voient. Que le Canadien, sans Blais, a laissé s’effriter l’ossature physique d’un trio qui devrait être intimidant, et qu’il ne l’est pas.

Le malaise de Saint-Louis dans cette séquence n’est pas un simple détail. Il illustre un coach ébranlé. Pas par la critique. Par la réalité. Celle d’un groupe encore fragile, qui risque encore de se faire intimider à l'avant.

Et c’est exactement là que tout se joue... justement en séries Marty...