Transaction Chicago-Montréal: Kent Hughes écrit l'histoire

Transaction Chicago-Montréal: Kent Hughes écrit l'histoire

Par David Garel le 2025-10-06

Il règne un vent d’excitation palpable autour du Canadien de Montréal. À l’approche du match d’ouverture contre les Maple Leafs de Toronto, tout le monde semble galvanisé. Les partisans rêvent en grand, les médias relancent les débats, les jeunes joueurs rayonnent d’enthousiasme.

On a parlé à tout le monde : les sourires sont éclatants, les discours sont ambitieux, la confiance est dans l’air. Et puis, il y a Kirby Dach.

Dès qu’il prend la parole, l’énergie tombe. Le ton est celui d'un homme condamné, le regard est fuyant, les réponses sont techniques, détachées, presque vides.

On lui suggère d’urgence de visionner cette vidéo promotionnelle de la saison 2025-2026 qui va vous donner des frissons dans le dos:

Parce qu’à l’heure actuelle, tout son langage corporel trahit une seule chose : Kirby Dach n’est pas prêt à revivre l’enfer.

La dernière fois que Kirby Dach a disputé un match qui comptait réellement au classement, c’était le 22 février dernier à Ottawa.

Une date sinistre, marquée par une nouvelle blessure au genou droit, sur la même patinoire où tout avait basculé quelques mois plus tôt.

Cette fois encore, le diagnostic fut sans pitié : opération, convalescence, saison ruinée. L’histoire se répète. Et même si tout le monde veut y croire, même si le staff médical assure qu’il est en santé, même si les fans scandent son nom, l’intéressé, lui, semble absent. Il parle de hockey comme d’un contrat à exécuter, pas comme d’un défi à relever.

« Chaque saison est importante sur le plan individuel », a-t-il laissé tomber, sans sourire, sans feu. Puis, comme pour se réfugier dans une bulle collective :

« Mais quand on peut compter sur un bon appui de la part de ses coéquipiers, quand tout le monde fait bien les choses avec la rondelle et aussi sans la rondelle, ça rend le jeu plus facile. »

Il ne parle pas de feu sacré. Il parle d’exécution technique, de couverture, de prévisibilité. Loin de l’esprit de revanche que l’on attendait.

Ce discours surprend. Parce que Kirby Dach a de quoi se battre. En entrant dans sa quatrième saison à Montréal, il doit non seulement prouver qu’il peut jouer une saison complète, mais aussi qu’il mérite une place à long terme dans l’organisation.

Son contrat arrive à échéance en 2026, et on sait déjà que Kent Hughes n’osera pas lui offrir une prolongation sans l’avoir vu produire une vraie saison de 82 matchs.

Sauf que justement, quand Kent Hughes parle de Dach, il est sur la défensive. Il devient évasif. Il évoque toujours des nuances, des précautions, un retour progressif, une charge à doser. Ce n’est pas le discours d’un DG confiant. C’est le discours d’un homme qui se sait exposé.

Ce n’est pas juste Kirby Dach qui a l’air fragile à l’aube de cette saison décisive. Kent Hughes lui-même, pourtant habile à manier le langage public, a laissé filtrer un malaise rare lors de ses réponses aux journalistes.

Comme s’il marchait sur des œufs dans le dossier Dach. Comme s’il redoutait qu’on lui tende un miroir.

« Il ne sera pas à 100 % de son potentiel athlétiquement », a-t-il admis, avant d’enfoncer le clou d’un constat brutal :

« Je ne sais pas quand il va être à 100 % physiquement. » Pire encore, dans un rare moment de comparaison défensive, Hughes a évoqué Connor Brown, soulignant que « ça lui a pris un an et demi avant de montrer la vitesse qu’il avait démontrée à Ottawa. »

À travers ces déclarations prudentes, presque excusées, on lit un DG qui se sait vulnérable. Un homme qui ne contrôle plus tout à fait le récit autour de sa plus grosse prise, et qui doit déjà poser des conditions à son retour.

Un Kent Hughes qui sait que le contrat de Dach arrive à échéance, que l’échange avec Chicago est un véritable vol à l'avantage des Hawks, et que la patience du public pourrait s’évaporer aussi vite que le genou de son joueur a cédé sur la glace d’Ottawa.

Et pour cause. À Chicago, Frank Nazar est en feu. L’attaquant de 21 ans, que les Hawks ont repêché avec le 13e choix en 2022 obtenu dans la transaction Dach, a connu un camp électrisant.

Vitesse, flair, détermination : tout y est. Nazar incarne exactement le style moderne que Kent Hughes voulait implanter à Montréal… mais qu’il a laissé filer en croyant avoir trouvé mieux avec Dach.

Cette comparaison, qui restait jusque-là théorique, commence à faire très mal. Dans les bureaux du CH, on ne veut pas en parler. Mais dans les gradins, les podcasts, les forums de partisans : le nom de Nazar revient en boucle.

Dans cette équation, la composition du trio de Dach devient aussi révélatrice que problématique. À gauche : Zachary Bolduc, pas encore remis de la transaction l'envoyant à Montréal, blessé en fin de camp, et incapable de stabiliser sa production depuis l’an dernier.

À droite : Brendan Gallagher, qui traîne son contrat comme un boulet, et dont la vitesse n’est plus celle des années 2015.

Et au centre : Dach, censé tout relancer. Ce trio n’inspire pas confiance. Et pourtant, Dach y voit un potentiel.

« Je crois que ce sera un bon mélange d’habiletés et de vitesse… Brendan, j’ai l’impression qu’il a gagné en rapidité, et on sait à quoi s’attendre de sa part chaque soir, ce qui est bien, parce que ce genre de prévisibilité au hockey, c’est quelque chose qui est rassurant à mon avis. »

Le mot-clé ici : rassurant. Kirby Dach cherche la sécurité. Il veut du contrôle. Il fuit l’imprévu. Et ce n’est pas un simple détail. Sa déclaration suivante le confirme :

« Je me contente de jouer selon ce qui est devant moi sur la glace. Je ne veux rien forcer, je ne veux pas tenter une mise en échec pour rien ou courir des risques en essayant d’obtenir une chance de marquer. Ce que je dois faire avant tout, c’est jouer de manière intelligente. »

Cette phrase-là est lourde de sens. Parce qu’on comprend que le joueur est encore hanté par ses blessures. Il ne veut plus courir de risques.

Il ne veut plus forcer le jeu. Il ne veut plus faire de gestes instinctifs qui pourraient le mettre en danger. Il joue avec prudence. Mais dans une ligue où la vitesse d’exécution et l’audace créent les occasions, cette prudence est une condamnation.

Kent Hughes le sait. C’est pour ça qu’il marche sur des œufs. Il tente de réagir et rassurer les médias, mais ses yeux ne mentent pas.

Dach était son pari. Son premier vrai coup de poker en tant que DG. Une relance inspirée, disait-on à l’époque.

Mais aujourd’hui, ce souvenir est lointain. Il ne reste que les doutes. Et la peur de s’être fait avoir.

La phrase la plus inquiétante de Dach reste sans doute celle-ci :

« Ce que je dois faire avant tout, c’est jouer de manière intelligente. »

Il ne dit pas dominer. Il ne dit pas marquer. Il ne dit pas retrouver mon impact. Il dit jouer intelligemment. C’est ce que disent les vétérans en fin de carrière. Pas les anciens choix de première ronde qui devraient porter l’équipe sur leurs épaules.

Et pendant ce temps, à Chicago, Frank Nazar monte la pente inverse. Il est déjà une superstar qui empochera 6,59 M$ pour les 7 prochaines années.  

Il attaque la zone avec agressivité. Il veut dévorer la ligue. Ce contraste-là est cruel. Et Kent Hughes le ressent dans chaque question posée par les journalistes. Ce n’est pas qu’il ne croit plus en Dach. C’est qu’il ne sait plus quoi croire.

La saison commence. Tout est encore possible. Mais déjà, le malaise est là. Un DG fébrile. Un joueur qui fuit les responsabilités. Un trio dysfonctionnel. Et en arrière-plan, un jeune fauve à Chicago fait passer Kirby Dach pour une erreur historique.

Kent Hughes a beau trouver des excuses: il a réalisé l'une des pires transactions de l'histoire du Canadien de Montréal.