Ce n’est pas tant une déclaration de guerre qu’un constat d’échec.
Mais entre les lignes, derrière le sourire forcé et la politesse professionnelle, on sentait chez Samuel Blais un mélange d’amertume, de soulagement… et de délivrance.
Délivrance d’un camp d’entraînement où il a donné tout ce qu’on lui demandait. D’un système où il n’a jamais senti qu’il avait sa place. Et surtout, d’un entraîneur-chef, Martin St-Louis, qui, sans le dire ouvertement, ne l’a jamais considéré comme un véritable joueur de son alignement.
« Oui, j’étais déçu d’être retranché. J’avais quand même connu un bon camp à Montréal. Mais je comprenais les décisions », a soufflé Blais, à peine débarqué à Toronto, où il s’est joint aux Maple Leafs à la suite d’une réclamation au ballottage.
Dans sa bouche, tout semble bien pesé. Chaque mot bien choisi pour ne pas faire de vagues. Mais la vérité crue, elle, transparaît dans les silences.
Ce n’est pas un homme en colère qu’on a rencontré, mais un joueur profondément blessé par une organisation qui ne lui a pas donné la moindre vraie opportunité. Pire encore : qui l’a coupé sans qu’il ait même eu le temps de montrer ce qu’il pouvait faire dans un vrai match.
Qui... ne l'a même pas payé...
« C’est difficile à dire. Je n’ai jamais joué un match de saison régulière pour eux. Et je n’ai même pas eu le temps de recevoir un chèque de leur part », a-t-il lancé en riant, lorsqu’on lui a demandé s’il se considérait maintenant comme un ancien joueur du Canadien.
La blague est bonne. Mais elle pique. Elle en dit long sur la durée ridicule de son passage à Montréal. Trois matchs préparatoires. Aucune minute en saison. Et une expédition directe au ballottage, comme un sac oublié dans un coin d’aéroport.
Ceux qui ont suivi attentivement le camp du Canadien savent que Blais n’a pas été mauvais. Au contraire. Il a été physique, engagé, discipliné. Il a fait tout ce qu’on lui a demandé. Il a même gagné la sympathie de ses coéquipiers.
« J’aurais aimé ça que ça marche à Montréal. Je suis un gars de la place. En plus, je commençais à bien m’intégrer dans le vestiaire. Je pense que les gars commençaient à m’apprécier », a-t-il confié.
Mais voilà : dans l’œil de Martin St-Louis, son rôle semblait déjà défini. Celui de 14e attaquant, jetable et remplaçable. Un joueur de profondeur, sans avenir dans l’alignement à long terme.
Quand est venu le temps de faire un choix entre Blais, Joe Veleno, Oliver Kapanen ou même un Florian Xhekaj plus jeune qui sera le prochain rappelé, c’est Blais qui a mordu la poussière.
Une erreur que Craig Berube, lui, n’aurait jamais commise.
Si Toronto a réclamé Samuel Blais, ce n’est pas par hasard. C’est Craig Berube, l’homme qui l’a mené à la Coupe Stanley à Saint-Louis, qui dirige maintenant les Leafs. Et entre Berube et Blais, il y a une histoire. Un respect. Une loyauté que Blais n’a pas retrouvée à Montréal.
« Quand tu gagnes avec un coach, tu tisses un lien particulier. Même quand je ne jouais plus pour lui, nous continuions à nous écrire des messages textes. J’ai gardé une bonne relation avec Craig. Il a toujours été honnête avec moi, autant quand ça allait bien que lorsque ça allait mal », a expliqué l’ailier de 29 ans.
Berube, lui, ne tarit pas d’éloges sur son protégé. Il a souligné la transformation de Blais, ce marqueur naturel dans la Ligue américaine devenu un guerrier dans la LNH.
« Je l’aime beaucoup comme joueur. Il est un ailier qui frappe très durement. Il est intense sur l’échec-avant et ne recule devant rien. »
Ce n’est pas un hasard si Berube le voulait à Toronto. Et ce n’est pas un hasard non plus si Brad Treliving, le DG des Leafs, a révélé que ses dépisteurs avaient été impressionnés par le camp de Blais à Montréal. Tous ont vu ce que Martin St-Louis n’a pas vu. Ou refusé de voir.
Blais aurait accepté Laval. Il l’aurait fait sans broncher, avec la même éthique de travail. Il le dit lui-même :
« Dans ma tête, je retournais dans la Ligue américaine avec l’objectif de travailler fort pour recevoir un appel. »
Mais au fond, ce n’est pas ce qu’il voulait. Ce n’est pas ce qu’il méritait. Ce n’est pas ce que son profil commandait.
Blais est un joueur de la LNH dans sa tête. Il n’est pas là pour jouer les figurants à Laval pendant qu’un club se prive volontairement de robustesse, de leadership et de caractère en série.
Et maintenant qu’il est à Toronto, il aura toutes le chances de se prouver. Parce qu'il peut créer de l’espace. Il peut jouer dans toutes les situations. Et surtout, il a faim.
Ce qui rend l’histoire encore plus ironique, c’est la façon dont il a appris la nouvelle. Pas par Martin St-Louis. Pas par Kent Hughes. Pas par un appel officiel du club. Non.
« Mon agent (Philippe Lecavalier) m’a dit de suivre les réseaux vers 14h00 et de lui téléphoner si je voyais quelque chose passer », a-t-il raconté.
C’est donc sur les réseaux sociaux que Samuel Blais a appris qu’il ne faisait plus partie des plans du Canadien. Une époque bizarre, où les joueurs deviennent les derniers à être informés de leur sort.
Il n’a pas pleuré. Il n’a pas chiâlé. Il est allé s’entraîner avec les Leafs le lendemain. Et il a tourné la page. Mais on le sent encore atteint.
« Je suis excité de me retrouver à Toronto. Je reste dans la LNH. Je voulais une autre occasion de jouer dans la LNH, je l’obtiens. »
Mais au fond, ce qu’il aurait voulu, c’était que cette occasion vienne du club de son enfance. De Montréal. Et surtout, qu’on lui donne une vraie chance. Une seule. Un match. Une présence significative.
Mais à Montréal, on l’a jugé avant même qu’il puisse prouver quoi que ce soit.
Samuel Blais n’a pas envoyé de flèches. Il n’a pas crié vengeance. Mais tout est dans le ton. Dans l’ironie de sa dernière phrase.
« Je n’ai même pas eu le temps de recevoir un chèque de leur part. »
Un club qui prétend valoriser l’effort, la robustesse, l’intensité. Un entraîneur qui demande que ses joueurs « jouent avec émotion ». Et pourtant, celui qui incarnait tout cela est parti. Sans un mot. Sans une vraie explication. Sans un match.
Craig Berube, lui, n’a pas hésité. Une gifle symbolique à Martin St-Louis.
Parce que la vérité, c’est que Samuel Blais méritait mieux. Et tout le monde le sait.