Cette fois, Martin St-Louis n’a pas eu besoin de pointer quelqu’un du doigt pour que tout le monde comprenne.
Le coach est rendu là avec Arber Xhekaj. Il n’a pas levé la voix. Il n’a pas attaqué le joueur publiquement. Il n’a même pas prononcé son nom.
Mais à travers ses décisions, ses rotations, son discours sur l’identité de sa brigade défensive, il a confirmé ce que plusieurs refusaient encore d’admettre : le retour imminent de Kaiden Guhle transforme Xhekaj en luxe inutile… et donc en monnaie d’échange.
La séquence est claire et cinglante. Pendant que St-Louis faisait alterner Jayden Struble et Arber Xhekaj sur la troisième paire, Adam Engström, lui, ne quittait plus l’alignement.
Quatre matchs consécutifs. Aucune soirée dans les gradins. Et contre les Flyers, profitant de l’absence de Mike Matheson, le jeune Suédois a franchi le cap symbolique des 15 minutes de temps de glace pour la première fois de sa carrière.
Dans une équipe où chaque minute est comptée, ça ne s’offre pas par hasard. Ça se gagne.
Ce qui frappe surtout, c’est que cette progression n’est pas accidentelle. Struble a été laissé de côté contre les Rangers le 13 décembre. Xhekaj a sauté son tour contre les Penguins et les Oilers les 11 et 14 décembre. Engström, lui, a toujours été en uniforme.
Et plus les matchs avancent, plus son rôle grandit. St-Louis n’a pas besoin de faire de grands discours : il fait parler ses alignements.
Lorsqu’on lui demande ce qu’il valorise chez ses défenseurs, le message est clair et, surtout, vise Arber Xhekaj les yeux fermés :
« Pour être défenseur de la LNH et être efficace, il faut que tu sois un assez bon patineur. Si t’as un peu moins de patin, t’es mieux d’avoir un bon hockey et une bonne intelligence. Il n’y a pas une seule manière de le faire, mais tu dois être capable de tuer des jeux. Tu ne peux pas avoir trop de défenseurs qui sont de bons patineurs et qui peuvent jouer des deux bords de la glace. »
Le coach envoie encore un message ciblé qu'il répète depuis des semaines sous différentes formes, notamment lorsqu’il évoque ces fameuses « erreurs niaiseuses » en parlant de Xhekaj.
À Montréal, tout le monde sait de quoi il parle : des décisions prises une demi-seconde trop tard, des rondelles laissées en zone dangereuse, des lectures mal évaluées qui obligent les autres à réparer.
Quand St-Louis martèle qu’un joueur doit « tuer des jeux » et « prendre soin de l’équipe », il oppose clairement deux profils : ceux qui comprennent le moment, le score, le contexte, et ceux qui jouent encore comme si chaque présence était isolée du reste du match.
Et plus St-Louis répète ces principes, plus le message devient lourd : à ses yeux, le problème n’est plus l’effort ou l’intensité, c’est la capacité de lire le jeu et de ne pas nuire au collectif. Et dans la hiérarchie actuelle, c’est exactement là que la fracture s’est créée entre lui et Xhekaj,
Dans le discours de St-Louis, tout est dit. Le Canadien s’oriente vers une défense mobile, intelligente, capable de gérer la rondelle sous pression.
Et dans ce portrait, Engström coche toutes les cases. Noah Dobson, Lane Hutson, Mike Matheson, Kaiden Guhle : ce sont tous des défenseurs qui misent sur le patin, la lecture du jeu, la transition. Engström s’insère parfaitement dans cette identité. Xhekaj, beaucoup moins.
Même Lane Hutson, pourtant loin du discours politique, l’a résumé sans aucune pitié envers le shérif:
« Adam (Engström) lit bien le jeu. Son jeu a une certaine simplicité, mais il a quand même un petit flair offensif et un bon tir. Un joueur vraiment complet, finalement. »
Pendant ce temps, Martin St-Louis parle de gestion d’énergie, de poussée jusqu’à Noël, de constance. Et dans ce contexte-là, le retour de Guhle devient le coup de grâce.
Quand Guhle sera prêt, Xhekaj ne glissera pas au septième rang par accident. Il deviendra le huitième défenseur, dépassé non seulement par Engström, mais aussi par Struble dans la hiérarchie interne. Et à ce stade-là, on ne parle plus de développement. On parle d’impasse.
Oui, Matheson est blessé, ce qui permet à tout le monde de jouer et masque temporairement la réalité. Mais cette fenêtre se referme vite. Quand la défense sera complète, il n’y aura plus de chaise pour Xhekaj. Parce qu’il est inutile au yeux de Martin St-Louis, qui a toujours voulu bâtir sans le shérif déchu.
C’est là que les rumeurs de transaction vont exploser. Parce qu’un défenseur robuste, intimidant, encore jeune, avec un contrat abordable, ça a de la valeur ailleurs. Mais à Montréal, le message est clair comme de l'eau de roche : Xhekaj plus un projet à long terme. C’est un actif.
St-Louis ne l’a jamais dit ouvertement. Il n’en avait pas besoin. Ses décisions ont parlé pour lui. Et dans la LNH, quand un entraîneur cesse de te protéger par l’utilisation, ce n’est jamais un bon signe.
Pour Arber Xhekaj, la conclusion fait mal au coeur, mais il est temps de regarder la réalité en face: ce n’est plus une question de si… c’est une question de quand.
